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Marc Villemain
26 octobre 2006

La phrase existe-t-elle ?

J'entendais l'autre jour ce cabotin de Jean d'O(rmesson) expliquer que son mot préféré, ou plutôt ses deux mots préférés ("mais ce sont les mêmes") étaient "Dieu et (ou est) amour". Je ne suis en vérité pas convaincu qu'il le pensât réellement, mais enfin disons qu'on ne pouvait pas s'attendre à autre chose de sa part.

L'anecdote eut pourtant ceci d'intéressant pour moi qu'elle m'inspira une réflexion dont je sens bien qu'elle irradie depuis longtemps, mais que je ne m'étais finalement jamais faite avec une telle acuité : si j'exerce mon métier d'écrivain, c'est que je cherche la phrase qui dira l'existence - toute l'existence ; qui saura en dire la seule chose qu'il faut en savoir. La phrase, car bien sûr il n'y en a qu'une - puisqu'elle dira tout. Comment expliquer qu'une telle chimère, que l'on pourrait assez facilement apparenter à la quête du Graal, puisse prendre corps ? et comment expliquer qu'elle se pose sans doute à tous les écrivains ?

Commentaires
R
j'ai dit "l'écriture est UNE image" (je ne parle pas de mes images, ni d'une image en particulier...) c'est à lire au sens stricte des mots qui sont des images...l'écriture est une image (de la pensée si vous voulez)
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M
Parfaitement raison. Et expérience similaire à la mienne. Les phrases et les idées qui nous viennent dans un état de semi-conscience peuvent, dans l'absolu, être tout à fait bonnes, voire géniales ; puis le recouvrement de la conscience, au matin par exemple, change la donne : en effet neuf fois sur dix, nous avons rendez-vous avec la déception... Mais il demeure cette "fois" sur dix, et il ne faut pas s'en priver. Il m'est arrivé, en plusieurs occurrences dont je me souviens très nettement, d'avoir été aussi fier le matin que le soir d'une de ces espèces de fulgurance. Donc, oui, continuons de courir...
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M
Oui, vous avez raison, bien sûr... : le mot fameux de Rimbaud pourrait bien "résumer" son existence... Mais il ne peut résumer que la sienne propre ; or chaque écrivain cherche le sien, une sorte de mot de la fin. Rimbaud d'ailleurs n'avait sans doute pas le sentiment de cette "réussite", en écrivant ce qu'il écrivit. Tant mieux pour tous : l'écrivain est condamné à poursuivre sa quête.
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K
Il fut un temps où les phrases dont j'étais le plus fier (fugacement) me venaient lors du long passage de l'éveil au sommeil, le lendemain je m'en souvenais (en réalité, une fois réveillé, quand enfin je l'écrivais, c'était souvent très mauvais). Donc, se pointe une nuit une superbe phrase sur l'être dans ma petite tête. Je ne l'ai pas notée, je l'ai oubliée. Ça fait des années que je cours après.<br /> Et si je la retrouve, je vous en fiche mon billet qu'elle sera aussi moyenne que les autres. Mais l'essentiel, c'est de courir après, non ?
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M
" Je est un autre"<br /> Pour moi, la phrase de Rimbaud résume "l'existence".
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