Enfant, je posais des questions : je voulais comprendre le monde - j'étais un enfant.
Adolescent, je l'avais compris : j'ai voulu le changer - j'étais un adolescent.
Au sortir de l'adolescence, j'ai hésité : le changer, oui, pourquoi pas, il est trop laid ; mais je voulais aussi, et tout autant, y goûter : cela fit de moi, peu ou prou, un socialiste.
Jeune adulte, je me suis fait honte ; il me fallait trancher : j'ai amorcé un mouvement de recul, de retrait - mais discret.
Adulte, les premières fatigues venant, j'ai commenté le monde - aidé en cela par la foule de ceux qui s'obstinent (à échouer) à le changer.
Premiers pas dans le vieillissement ; je commentais le monde avec colère : je le commente avec lassitude - avec réticence.
Plus tard, vieux et malade. Le monde n'est plus en moi. Je ne lui demande rien. Facile : il n'attend rien de moi.
Elle et moi - souvenirs et clins d'œil.
Et le marbre.
D'autres continueront. Mais ce sera plus dur.
jeudi 2 novembre 2006
Je passe
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Commentaires sur Je passe
- Ce n'est ni lâche, ni égoïste : on ne peut attendre de chaque être sur la terre qu'il se sente responsable du destin commun. Il y a des tempéraments pour cela, et des histoires.
Pour le reste, non, je ne crois pas qu'un écrivain qui "s'engage" se mette en danger moral. Encore faudrait-il être d'accord sur la notion d'engagement, qui induit maintes postures et modalités différentes. Quoiqu'on pense de leurs engagements et/ou de leurs livres, on ne peut pas dire que les oeuvres de Sartre ou Malraux, pour ne citer que les plus français et les plus symptomatiques, soient négligeables - loin s'en faut... ! Leur être profond les a seulement conduits à ne pas vouloir, ou à ne pas pouvoir, distinguer leur oeuvre de leur vie.
Enfin, je veux croire que la morale n'a pas grand-chose à faire en littérature. C'est d'ailleurs lorsqu'elle s'impose trop lourdement que l'oeuvre échoue. Il faut être un écrivain rare (et les deux que je cite en étaient évidemment) pour parvenir à joindre les deux bouts. Et de vous à moi, je préférerai toujours un peu de grandiloquence militante au repli narcissique ou nombriliste dont une certaine (et jeune) littérature française tire aujourd'hui tous les profits... - L'autofiction, quoiqu'en tant que lecteur je n'en sois que peu preneur, a quand même quelques pépites à son actif. Je pense là à "Un petit homme de dos", de Richard Morgiève. Je n'ai pas lu ces derniers livres, en ai lu quelques-uns d'assez décevants mais, sans doute n'est-ce pas assez pour faire un livre, contenant quelques pages sublimes.
J'aurais aimé mettre en ligne un des passages de son œuvre que je préfère, malheureusement il serait bien trop long pour ne pas demander autorisation. - Réponse à KatarIl va de soi, mais je ne pensais pas devoir y insister, que je fais une différence entre ce que vous décrivez et ce que j'avais pointé. L'autofiction n'a rigoureusement rien de déshonorable ; l'on pourrait même se laisser aller à penser que tout roman est une forme déguisée d'autofiction.
Morgiève est un écrivain. Ce qui le fait écrire n'a rien à voir avec le besoin qui, quoique respectable et compréhensible, ressort davantage de l'exutoire, de l'exhibition, de la confession narcissique ou autres. Chez Morgiève, le style demeure, et domine. "L'ego" n'est qu'un instrument à son service. - Par ailleurs, Morgiève détestait (si ma mémoire est exacte) qu'on décrive son œuvre par le terme autofiction (il parlait de "Un petit homme de dos"). Peut-être considérait-il que le terme tel qu'usuellement employé, oblitérait un pan de son travail d'écrivain. Je n'en sais rien.
Quoi qu'il en soit, les étiquettes ne m'intéressant qu'un instant, je ne pense pas que ce soit important. L'important chez lui, est l'imbrication du style et du propos, plutôt de la démarche. Je lui avais demandé, tout timide et très idiot lors d'une lecture (du premier jet de "Vertig"), comment il parvenait à ce style (question idiote) et il m'avait répondu ceci (je déforme, malheureusement, je ne me souviens pas de la réponse exacte) : Je m'oblige à la sincérité. - Je comprends parfaitement l'agacement de Morgiève face à la qualification d'autofiction. Par ailleurs, et comme vous, les étiquettes m'importent peu, pour ne pas dire pas du tout.
La question que vous lui aviez posée n'est pas si idiote : c'est celel que tout le monde se pose - y compris, peut-être, les auteurs eux-mêmes avec leur propre style. Si on me l'avait posée à moi, cette question, je n'aurais pas répondu "la sincérité" - je m'en défie, il y a toujours un soupçon, et elle m'intéresse en vérité assez peu en littérature. Sans doute aurais-je plutôt répondu : "l'authenticité". Enfin je pinaille... Morgiève avait sans doute en tête quelque chose de très voisin de ça.
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Ne pensez-vous pas qu'un écrivain qui "s'engage", se met moralement en péril?