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Marc Villemain
24 novembre 2006

Patrice Alègre, la plante tordue

Patrice_Al_gre
O
n se souvient du procès de Patrice Alègre, en 2002, accusé (et reconnu coupable) de cinq meurtres et six viols. Je ne sais pourquoi je notais alors, et assez régulièrement, les minutes de ce procès - peut-être parce que mon imagination de romancier se heurtant à quelque panne, je cherchais là une source nouvelle et probante. Toujours est-il que je m'y intéressais, pour des raisons qui ne tenaient pas tant aux faits eux-mêmes (finalement assez banals dans l'histoire criminelle) qu'aux réactions qu'ils suscitaient dans l'opinion et les médias : nous étions déjà de plain-pied dans l'ère du fait divers que l'on monte en épingle métaphysique. Cinq ans plus tard, un peu de sarkozysme aidant, les faits divers sont officiellement devenus le gros grain à moudre de nos médias et l'une des principales sources d'inspiration où s'abreuve le discours politique dominant.

Nous apprenons donc, ce mois de février 2002, que Patrice Alègre est condamné à l'emprisonnement à perpétuité, peine assortie de vingt-deux années de sûreté. Au passage, rappellons que le père de Patrice Alègre (dont ce dernier disait qu'il ne l'avait "pas éduqué, mais dressé") était CRS - information on ne peut plus rassurante quant à l'éducation qu'est susceptible de prodiguer un père de famille formé par la République au sang-froid, à la maîtrise de ses pulsions et au respect inconditionnel de la loi. À l'issue du procès, je recopiai sur un carnet la lettre qu'adressa Patrice Alègre à sa fille Anaïs, douze ans, et que voici : « Bonjour, étoile de mon coeur, tu sais, je ne suis pas né comme ça et je n'ai pas voulu tout ça. Toute ma jeunesse fut très dure, et ce n'est pas une excuse. Au fond de mon coeur, j'aurais préféré que tout cela n'arrive pas et que nous soyons ensemble. La seule chose que j'ai faite dans ma vie et dont je suis fier, c'est toi ma fille. Je n'ai eu personne pour me guider, m'expliquer. Comme une plante, avec du soleil et de l'eau, elle va pousser droit. Si la plante prend la grêle et les coups, elle va pousser tordue. Je t'aime »

Aujourd'hui, c'est de la société elle-même et de certains de ses représentants les plus autorisés que les plantes reçoivent la grêle et les coups. La volonté de Nicolas Sarkozy, farouche, obsessionnelle, de revenir sur les principes cardinaux de la justice des mineurs, principes qui prévalent depuis 1945 et qui fondent une éthique du droit somme toute assez raisonnable, en est une des manifestations. Mais ce qui procure la plus grande tristesse, c'est que Nicolas Sarkozy n'est ici qu'un syndrôme : il n'est effectivement, j'en suis persuadé, qu'un amplificateur de la vox populit

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