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Marc Villemain
30 novembre 2006

Le pire d'entre nous

Solitude
Il 'y a rien à faire d'autre que de retomber sur l'intarissable poncif - que son mauvais air de certitude ne fait pas moins juste : l'écrivain est un être seul. Le pire d'entre nous, celui, cynique, qui ne regarde plus le monde et les hommes que comme une seule et même occasion d'en tirer une bonne histoire, celui qui s'assure de sa cote dans les pince-fesses où il s'incruste parfois avec l'allure de celui qui maugrée, celui qui ne disserte plus sur la vertu que pour mieux s'en émanciper lorsqu'il s'agit de faire les comptes, celui qui vise le sujet qui vendra le plus quand c'est celui qui lui ressemblera le moins, celui qui traque, fouille, pille les autres, en arguant de sa bonne foi et en s'offusquant de la suspiscion générale, celui dont le moteur intime ne s'allume et ne s'attise plus qu'au contact de l'épée, de la hargne jalouse ou de l'échec rédempteur, celui qui ne lit plus les siens que pour s'assurer qu'il est bien le meilleur d'entre eux, ou pour vérifier que l'autre est toujours décevant, celui-là, cet écrivain-là, aussi mort sera-t-il au miroir de l'humanité, n'en sera pas moins seul devant son écriture. Cette solitude, davantage que son dernier repère, est, sera, son dernier territoire, rabougri peut-être, pathétique si vous voulez, misérable et vain sans doute, mais son dernier territoire tout de même, là où il habitera en conscience les ultimes parcelles son humanité. Dans ce moment, ce monde qu'il voue aux gémonies et auquel il aspire pourtant avec la même et enthousiaste verdeur que le puceau devant l'objet le plus indécent et le plus incandescent de son désir, ce monde ne sera plus rien : il se résumera au micro-périmètre du bureau, du stylo et du cerveau. Et rien ne pourra l'en faire partir. Fors l'amour.

Commentaires
P
Mais il est peut-être possible de quitter la solitude dans la création. C’est de vouloir et de pouvoir se diviser. <br /> Pouvoir se diviser dans ses personnages et arriver à leur donner une complète indépendance.<br /> Afin que chaque personnage du roman puisse agir indépendamment de soi et des autres. <br /> Recréer alors un Univers avec toutes ses lois, ses contraintes et ses rêves. <br /> Et nous assisterions à l’émergence d’un nouveau monde qui nous est inconnu.<br /> A une libération de soi. A une schizophrénie littéraire. <br /> Au renoncement temporaire à toute prétention de diriger notre propre écriture.
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P
Ce qui est difficile, c’est d’aller au bout de soi-même, annoter chaque détail du moi sur le papier, de ce soi imaginaire que l’on projette à travers l’autre imaginé dans le roman. Toujours aller vers cet autre, indéfiniment pour échapper à soi, comme un projectile essaye d’échapper à l’Univers dans l’infini du vide.<br /> Ce qui est difficile, c’est de créer du plein à partir du vide. De vider sa substance vers le récit dans cet infini qui nous coupe des autres et nous fait Dieu solitaire de notre monde intérieur.
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F
Vous faites bien de préciser "hyperlucidité sur lui" bien que je crois que certains voient mieux que d'autres mais ce n'est pas cantonné à l'état d'écrivain.<br /> La valeur : par rapport à qui, à quoi, sur quels critères, sur la base de quelle culture ?<br /> Là aussi, pour moi ce n'est pas forcément lié à un "métier" mais davantage à l'acte personnel. (par acte personnel, je n'entends pas fabrication de choses et manipulations diverses et variées)<br /> Mais je doute que tous les humains soient à la même fréquence et sur la même échelle du "ne vaut pas mieux que quiconque"
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M
Ne m'empêchez pas d'être seul : voilà bien une injonction qui me convient ! Mais que l'hyper-socialisation, toujours croissante, combat avec rage.<br /> L'écrivain malade, oui, pourquoi pas. Le contraire du mal-voyant, dites-vous, donc hyperlucide ? Sur lui, oui, c'est sans doute vrai. Sur le reste du monde, en revanche, il ne vaut pas mieux que quiconque.
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F
c'est assez délirant<br /> et si l'écrivain était un malade ? (la folie, je ne sais pas) <br /> un malade : parce qu'il est le contraire du mal-voyant, une forme d'handicap inversé.<br /> L'écrivain est un être seul : je crois qu'il y a plusieurs formes de solitude, celle de l'écrivain que j'imagine ne constitue pas un barrage, mais ouvre la porte. Celle de l'écrivain "dont le moteur intime ne s'allume et ne s'attise plus qu'au contact de l'épée, de la hargne jalouse ou de l'échec rédempteur" est certainement victime de sa propre fraude. Infidèle à soi-même.<br /> Quant à l'amour, illusoire s'il en est, parmi toutes les illusions qu'on nous donne en modèle, il peut faire pousser des ailes au stylo mais on ne sait jamais pour combien de temps.<br /> L'Amour, c'est autre chose, le bureau explose, le stylo s'auto détruit, le cerveau tremble et ... c'est là que vient l'autre solitude, d'une pureté inexpliquée...<br /> <br /> *** fin du délire***
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