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Marc Villemain
5 février 2007

Millet dans Chronic'Art

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V
oilà qui s'appelle un entretien décalé : Richard Millet dans Chronic'Art (numéro 32 - février 2007), rien ne pouvait l'augurer. L'intérêt des entretiens est qu'ils obligent peu ou prou à la concision ; l'inconvénient, c'est qu'ils appauvrissent, et qu'alors la concision devient simplification - entendez simplisme. L'équilibre ne peut se faire que si l'interlocuteur possède une maîtrise totale du langage, et surtout si sa pensée vient de tellement loin que la simplification nécessaire ne parviendra jamais à l'assécher tout à fait. C'est, évidemment, le cas avec Richard Millet, l'un de nos plus grands auteurs vivants.

Cet entretien n'ajoute finalement pas grand-chose à ce qu'il écrit ou dit depuis toujours, lui fournissant seulement l'occasion de revenir sur ce qui l'angoisse, le désole ou le hérisse : en gros, le "totalitarisme mou", le politiquement correct, le marasme de la littérature française, "l'abstraction contemporaine", l'aplanissement, l'aplatissement, "l'horizontalité" ou encore la "falsification" du monde, et bien entendu la langue, ce qu'elle charrie et ce qu'une civilisation perd à la déconsidérer ("On m'a reproché d'être passéiste. Moi, je pense que quand vous avez affaire à une langue, autant l'employer dans tous ses états").

Le plus intéressant peut-être est lorsqu'il évoque la crise qu'il traverse, crise d'auteur, où il s'agit "d'en finir avec ce qu'on est soi-même". Mécaniquement, cela pose ou repose la question du silence, qui lui inspire cette réflexion moins désabusée qu'il y paraît sans doute, et derrière laquelle s'échafaude peut-être l'oeuvre à venir : "Un écrivain qui ne risque pas le silence, pour moi, n'est pas un écrivain".
Enfin, chez ce chrétien marqué par Bataille et Blanchot, la question du sens, donc de la mort, donc du "nihilisme", apparaît sous un jour peut-être un peu nouveau. Résultat, sans doute, de l'accumulation des désenchantements, dont il faut bien reconnaître qu'aucune actualité ni aucun futur n'est en mesure d'esquisser l'apaisement. t

Commentaires
D
J'espère t'y lire un jour dans ce mensuel que j'aime fort (Ariel Kyrou en est le conseiller, ce type est remarquable de richesses culturelles).
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D
J'espère t'y lire un jour dans ce mensuel que j'aime fort (Ariel Kyrou en est le conseiller, ce type est remarquable de richesses culturelles).
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M
La langue contemporaine (y compris lorsqu'elle passe en littérature) a tendance à faire passer pour passéiste, voire réactionnaire, tout auteur qui s'interroge ou émet des réserves sur l'évolution du langage - et sans pour autant qu'il la condamne en tant que telle. C'est le cas de Millet, qui, dans un style en effet sans concession aux approximations et mots-valises d'une certaine contemporanéité, n'en est pourtant pas moins capable d'user de tous les styles et de tous les registres. Devant l'ultra-moderne contemporain, il faut savoir montrer patte blanche...
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A
La question du sens est la seule valable, effectivement. Est - ce vraiment du passéisme que de se prévaloir d'une véritable qualité d'écriture? Le silence est le corollaire de la parole.
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