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Marc Villemain
14 février 2007

Pornographique, cacophonique, hystérique : l'écoeurement nous gagne

On voudrait écœurer les Français qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Temps fort et depuis peu quinquennal de la société française, les élections présidentielles se donnent en spectacle, partout, en tous lieux et sur tous supports. Tout est bon, de tout bois on fait toujours un bon feu. L'hystérie militante a vécu : elle a désormais gagné la société tout entière. Les couvertures de journaux annoncent la couleur chaque matin, les radios et les télévisions réforment leurs grilles des programmes, des dizaines de sondages quotidiens tâtent le pouls du troupeau, des millions de blogs ad hoc fleurissent jusque dans les coins les plus reculés, les forums virtuels, tous plus véhéments les uns que les autres, sont pris d'assaut, et la plus pittoresque des associations trouve son mot à dire sur la bonne marche du monde. Nombreux s'en réjouissent, observateurs patentés ou acteurs auto-proclamés, assurant que cette effervescence collective est la preuve de l'excellente santé civique de notre nation, l'indice d'une patrie enfin résolue à remonter ses manches et à mettre la main dans le cambouis du monde. Les choses me semblent, à moi, un peu moins idylliques : sous couvert de participation, la société est devenue son propre média. Il était facile, hier encore, de stigmatiser la spectacularisation de la politique : elle était de la responsabilité des médias et des acteurs politiques qui, volens nolens, éprouvaient quelques difficultés à ne pas se prêter au jeu. Nous n'avons plus d'autres coupables aujourd'hui à désigner que nous-mêmes.

Moyennant quoi, Libération me tombe des mains chaque matin. Et s'il  me faut malgré tout admirer quelque chose, alors disons que j'admire l'imagination et l'inventivité dont doivent faire preuve, chaque jour, depuis et pour des semaines encore, les journalistes, commentateurs, experts ès opinions et autres filous de la comm' pour trouver une nouvelle manière d'aborder le sujet. N'imaginons pas une seconde que cette agitation permanente contribuât en quoi que ce soit à façonner notre compréhension du monde ou à stimuler notre intelligence collective, si elle existe : le chaos permanent des avis, des opinions, des diatribes, des revendications, des objurgations, des exclusions, cet incontrôlable pugilat exponentiel qui se targue de vertu démocratique, donne le ton de l'amertume qui se prépare. Les Français sont doués pour s'échauffer les sangs. Ils ont adoré se faire peur le 21 avril 2002 - avant de reculer devant l'énormité de la chose ; je suis à peu près certain, aujourd'hui, que si le souvenir de cette peur les tétanise encore un peu, ils sont, à tout le moins, mûrs pour le grand frisson.

Un jour viendra où l'on comprendra qu'une société de transparence est avant tout une société de surveillance. La seule chose que je ne suis pas en mesure d'évaluer, c'est s'il sera trop tard ou pas.

Et Dieu merci, je n'ai pas la télévision.

Commentaires
M
Katar - Encore une fois, le tout est d'utiliser les moyens mis à notre disposition avec discernement et sans hystérie ; ce que vous faites parfaitement. Cela étant, mon propos dépassait amplement les blogs, dont il convient, en effet, et si possible urgemment, de relativiser l'influence.<br /> <br /> Rose - Le silence est la vraie tentation, évidemment - et je passe mon temps ici à en faire état. Il faut juste ajouter que ce silence-là, un peu contraint, un peu dépité, n'a rien de satisfaisant, d'intellectuellement satisfaisant ; il s'apparente parfois à la résignation, à la démission. Quant aux vrais bistrots, je m'y sens comme vous plus à l'aise ; mais j'y ai entendu ou y entends aussi tellement de "conneries"...<br /> <br /> A l'échelle individuelle, tout cela est consternant. C'est le modèle global, la structure, qu'il faudrait pouvoir changer, réformer. Cela semble difficile - impossible... ?
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R
j'avoue que je préfère me taire devant cette hystérie qui fait des petits à travers les blogues, loïc tumeur et cie, cafés du commerce de la blogosphère, je préfère encore les vrais bistrots<br /> au moins on peut y boire un coup pour noyer son désespoir, et souvent c'est plus drôle<br /> mais comme vous le dites, les français aiment se faire peur, c'est tout de même inquiétant<br /> je retourne à mes champs, convaincue que l'on ne peut arrêter le chant des sirènes, que c'est un gouffre aux profondeurs abyssales où la connerie fait écho se cognant contre les murs, une spirale infernale
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K
Je n'ai pas la télévision non plus, alors l'émission de Taddéi... Il y eut, au sein de la blogosphère dite d'influence, débat, justement, sur leur influence : ils en concluent (ceux que je lis) que si influence elles ont, elle est très très faible faible.<br /> Néanmoins elle m'influence, moi. Quand je lis les billets de Me Eolas, de Ceteris Paribus (qui n'écrit plus guère) et consorts, que je sois d'accord ou non, me voilà forcé de réfléchir (vaste programme). Bien entendu, dans la blogosphère, on trouve de tout. De tout, donc du bon. Elle ne s'arrête pas Loïc Le Meur.<br /> J'avoue néanmoins que je ne cherche pas vraiment de nouveaux liens, que je me contente aisément de lieu-commun.org (sur lequel il y a un podcast relatif à l'influence – ou non-influence – des blogueurs).
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M
Vous dites souvent les choses plus crûment que moi. Mais au fond...
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N
Je voyais hier (dans cette téloche que vous avez raison de ne pas avoir) un blogueur "politique" invité chez Taddéï (sujet débile de cette émission "culturelle" quotidienne, pourtant pas la pire : l'influence de la blogosphère sur la présidentielle...) et il était flagrant qu'il n'avait rien à dire, qu'il imitait simplement le langage (de bois) des journalistes reconnus, qu'il se grisait d'imaginer prendre la place à l'écran, un jour, de Taddéï. Et pour cet arrivisme-là, tous les moyens sont bons, même et surtout ouvrir un blog politique (quoi de pire ?).<br /> <br /> Mettre en scène une élection aussi insipide est un art de la dilution du langage qui n'est en effet pas inaccessible au butor moyen doté d'une connexion ADSL et d'un certain sens du marketing viral. D'ailleurs tous ces blogueurs-journalistes n'écrivent pas : ils "lancent" juste des sujets de discussion et en général pour un article mal torché (ce ne sont vraiment pas des écrivains, même amateurs) il se trouve toujours une cinquantaine de clones d'Alain Duhamel ou de Bébert, du Café des Amis, pour discuter "politique".<br /> <br /> C'est pourquoi la blogosphère, si elle existe, ne nous inclut pas - nous, nous écrivons, bien ou mal nous travaillons l'écriture sur un support supplémentaire. Nous ne faisons pas du sous-journalisme politique. Il y a une différence de nature fondamentale.<br /> <br /> (Je me rappelle être tombé sur le blog du fameux Loïc Le Meur, crétin abyssal et nommé par Sarkozy à je ne sais plus quel poste de sa campagne, affecté aux blogs, quoi... Dans un commentaire, il disait, en réponse à quelqu'un s'étonnant que les gens étaient plus intéressés par les bagnoles que par la politique : "Tu viens de découvrir ça ? Bien sûr qu'ils préfèrent les bagnoles à la politique. Encore heureux !" Il y a quelque chose de symptomatique là-dedans. Le type soutient activement Sarkozy, parce qu'il n'aime pas la politique, qu'il n'y a jamais réfléchi au-delà de sa vision de patron de PME. Les impôts, la libre-entreprise, tout ça...)
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