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Marc Villemain
27 juin 2007

Il faut solder le consumérisme

soldes


C
omm
e chaque fois, c'est dans la rue que j'apprends 
« l'ouverture des soldes ». Ce matin, donc, trois longues files d'attente se répartissent avec ordre et discipline devant trois magasins de la rue du Dragon - que je traverse toujours pour rejoindre, à ma manière tout aussi disciplinée, le lieu de mon travail. Les patients consommateurs sont déjà très bien habillés, très bien chaussés, très bien peignés et très bien hâlés. Ma candeur est chaque fois prise en défaut, et chaque fois je me demande : mais que font-ils dans la vie qui leur permette de passer une matinée entière, au beau milieu de la semaine, à « faire les soldes » ? Où, comment, gagnent-ils leur argent ? Sont-ce tous des rentiers ? Quels besoins ont-ils de nouvelles robes, de nouveaux costumes et de nouvelles chaussures, puisque leur mise est déjà de très bon aloi ? Au même moment, dans la même rue, sur le trottoir opposé ou vingt mètres devant, scènes de la vie ordinaire. Une vielle gitane arrête les passants et leur propose l'aumône en échange de la bonne aventure. Trois Noirs fluorescents dans leur vert municipal dévident les grosses poubelles vertes de la rue dans leur bahut municipal, vert itou. Bloquant la rue, exaspérant les automobilistes, un livreur décharge son camion de lourdes caisses de bouteilles qu'il entrepose sur de lourdes palettes en bois. Les amateurs de soldes, eux, toujours patients, ordonnés et disciplinés, regardent le bout de leurs chaussures bientôt neuves.

Commentaires
P
Le plus ennuyeux, ce n'est pas ces déséquilibrés névrosés qui se précipitent dès l'ouverture des soldes en se bousculant les uns les autres, comme dans une frénésie de kurdes à bout de souffle à qui on aurait largué des vivres par parachutes. <br /> C'est que systématiquement les médias des télés les attendent à l'INTERIEUR des ces temples modernes de la consommation pour en faire à chaque fois le même évènement médiatique : la description et la vision d'une société hystérique de sa propre consommation et son propre spectacle.<br /> En réalité c'est la société tout entière qui est névrosée de son consumérisme à travers ses médias qui adhèrent à ce spectacle en l'immortalisant de façon répétitive, cyclique et infinie, comme la nature le fait pour les saisons et le temps cosmique.
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A
Tout à fait, la passion comme une maladie, le symptome d'un déséquilibre...
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M
Là, vous prenez mon érudition en défaut... ! Vieux souvenir de la classe de collège... "pateor", qui donne passion, souffrance etc... ? En ce cas, non, pas dans ce modeste propos sur les soldes. Quoique, de passion souffrante et espérante, cet épisode très contemporain de la fièvre acheteuse n'est peut-être pas démuni...
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A
Patients, au sens du XVIIéme, de pateor?
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M
Vous avez certainement raison : tout cela n'est sans doute que l'ordinaire du consumérisme ordinaire. Tout juste s'auto-caricature-t-il pendant les "soldes". Et il est vrai aussi que le quartier en question charrie des codes sociaux de domination nettement plus flagrants qu'ailleurs. N'empêche : est-il bien raisonnable de prévoir et de prendre un congé pour "faire les soldes" ? <br /> <br /> "Patients", oui, ici comme nom commun. Après le mot "consommateurs", il n'y aurait eu plus aucun doute sur son statut d'adjectif ; là, au moins, l'équivoque subsiste.<br /> <br /> PS : J'ai (enfin...) reçu votre livre, hier. Laissez-moi un peu de temps : je suis très en retard sur mes lectures pour le Magazine des Livres...
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