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Marc Villemain
4 avril 2016

5 questions d'Arnaud Stahl / Plumes d'auteurs

 

Arnaud Stahl m'a proposé de faire connaître mon travail via le site Plumes d'auteurs.

 

Comment avez-vous trouvé votre premier éditeur ? 

 

Je crains que mon cas ne soit pas très représentatif. Mon premier livre, qui n’est pas à proprement parler un roman, ou alors d’apprentissage, prenait la forme d’une déambulation dans ma propre vie, doublée d’une sorte d’enquête parallèle autour de la figure de Bernard-Henri Lévy. Que, pour les besoins du livre, je voyais beaucoup à cette période (je parle là du tout début des années 2000), comme je rencontrais nombre de personnalités de tous horizons, parmi lesquelles, donc, pas mal d’éditeurs. Aussi mon problème était-il bien différent de celui que rencontrent d’ordinaire celles et ceux qui cherchent à présenter un premier manuscrit : non seulement j’avais le choix, mais j’en avais l’embarras. Finalement, tout s’est résolu chez Plon.

 

Quel est, dans vos créations, le livre que vous préférez et pourquoi ? 

 

C’est là, pour moi, une question impossible : chacun de mes livres correspondant à un temps de ma vie (truisme absolu, mais que dire d’autre ?), j’ai bien du mal à en juger, ou à exprimer telle ou telle préférence. Une fois qu’un de mes textes est publié, est devenu livre, je n’y pense pour ainsi dire plus ; c’est une espèce de pensée, ou de mouvement réflexe, chez moi, que de me dire : « Voilà, je n’aurai plus à y revenir », et de passer à autre chose. Sans doute est-ce pour cela qu’il y a entre chacun de mes textes d’assez grandes variations – ce qui ne signifie pas qu’un certain fil rouge ne soit pas tendu entre eux, ni que je n’ai pas mes petites marottes… Mais j’aime, j’ai même besoin, chaque fois, de bâtir, non seulement un autre univers, mais presque une autre langue. Rétrospectivement, chacun de ces univers, chacune de ces langues, constituent donc une partie, fût-elle estompée, ou fuyante, de ce que je suis. Disons, donc, que tous ces livres conservent pour moi, à part égale ou presque, un peu du charme qui les a vu naître. 


C’est peut-être pourquoi, s’il me fallait impérativement vous répondre, j’aurai tout de même envie de dire que ma préférence va à ceux de mes textes qui ne sont pas encore publiés… Simplement parce qu’ils sont très présents en moi, très chauds, et qu’il me semble, un peu stupidement sans doute, qu’il leur manque encore une certaine réalité, une certaine incarnation pour exister véritablement.

 

Quel est votre plus beau souvenir en tant qu’écrivain ? 

 

Ne pensez pas que j’esquive votre question, mais je n’ai pas de « plus beau souvenir » : la vérité, c’est que je n’aime rien tant que ce moment de l’écriture où l’on sent que les choses sont là, en soi, qu’elles viennent, qu’elles semblent devoir trouver leur expression, leur destination dans l’écriture. Écrire n’a jamais pour moi été un geste facile, naturel, évident : je suis capricieux, j’ai besoin de très longues plages de temps, de silence et de solitude. Mais lorsque je peux en disposer, finit toujours par venir cette sensation d’ivresse (je ne saurai autrement qualifier ce moment) que, alors, me procure l’écriture. Si ce doit être un souvenir, c’est donc le souvenir de ce moment, à la fois presque quotidien et toujours infiniment singulier, où j’écris, et qui me ramène, le plus simplement du monde, à ma vie.

 

Que pensez-vous de l’édition numérique ? 

 

Pas grand-chose… Je confesse en être mauvais connaisseur. Je suis comme beaucoup : j’aime le livre, l’objet, comme pourvoyeur de sensations, parce qu’on peut le salir, le tacher, le corner, le gribouiller, j’aime que le livre vieillisse et jaunisse, et j’aime, en en rouvrant un au hasard, éprouver cette odeur caractéristique qui réussirait presque à me ramener à l’époque où je l’avais lu. Le numérique, à cette aune, est évidemment un peu froid… Reste que je l’utilise, mais presque exclusivement comme éditeur : j’accepte de plus en plus volontiers de recevoir des manuscrits au format numérique, aussi me suis-je doté d’une petite liseuse, plus pratique que des feuilles A4 (parfois même pas reliées…) pour lire au bistro, dans un rocking chair ou dans mon bain…

 

Quels conseils donneriez-vous à de jeunes écrivains ?

 

C’est toujours délicat, cette invitation à donner des conseils, quand on est soi-même plutôt heureux, à l’occasion, de pouvoir en recevoir… Mais je comprends votre question, bien sûr, et sais qu’au fil des ans j’ai pu accumuler un petit peu d’expérience, comme auteur, éditeur et critique, mais aussi comme « édité ». Je veux dire par là que quand on a la chance de pouvoir travailler au plus près de son écriture avec des éditeurs de qualité, c’est-à-dire soucieux du texte, de la langue, mais aussi de la singularité absolue de tout auteur, on apprend beaucoup. Ce qui, finalement, fût-ce en creux, constitue peut-être une sorte de premier conseil : n’écoutez pas les nouvelles lunes du compte d’auteur et soyez patient : passez toujours par un éditeur.


Pour le reste, je n’aurai, au fond, aucun conseil d’ordre « technique » à donner à quiconque : écrire aussi régulièrement que possible, s’astreindre à une discipline, lire les autres (les lire attentivement), décortiquer un texte pour le seul plaisir de l’exercice, se relire à voix haute pour jauger les sonorités, les rythmes, etc., tout cela, c’est le bon sens même.

 

Non, s’il fallait vraiment dire quelque chose, je dirai qu’il est important de savoir pourquoi on écrit. Et, parce que hélas l’époque nous y invite, que l’écriture et le livre ne sont ni un spectacle, ni un divertissement, ni une autoroute vers les sunlights. Écrire un livre, c’est, ce doit être, une sorte de bataille que l’on mène avec, voire contre soi-même. Cela exige beaucoup – à quoi j’ajoute aussitôt que cette exigence participe du plaisir même que l’on peut y éprouver.
Enfin j’aurai envie de dire qu’il faut avoir et cultiver l’amour de la langue, cet amour qui, peut-être, fait parfois défaut à certains textes contemporains, taraudés, travaillés, obnubilés par leur virtualité scénaristique. Mais le plus important, je crois et j’y reviens, c’est, en son for intérieur, en conscience, de savoir pourquoi on tient absolument à écrire.

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