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Marc Villemain
21 juin 2023

Il faut croire au printemps lu par Véronique Cassarin-Grand (L'Obs)

 

 

Un couffin où dort un nouveau-né, le narrateur et un cadavre, celui de sa femme, qu'il jette du haut d'une falaise d'Etretat. Dix ans plus tard, cet homme rompu, contrebassiste dans un groupe de jazz, est informé qu'elle aurait été aperçue en Bavière, puis en Irlande. Conscient de la vanité d'une telle quête, mais prisonnier de ses mensonges, il se lance sur les routes avec son fils. Il y trouvera ce qu'il n'espérait plus. Ce que cette histoire peut avoir d'invraisemblable est gommé par la prose sensible et sensuelle de Villemain (photo) qui insuffle à ses personnages une humanité telle qu'il devient impossible de ne pas les prendre en affection.

 

Véronique Cassarin-Grand
L'Obs n° 3063, 22 juin 2023

18 juin 2023

Il faut croire au printemps lu par Pierre-Vincent Guitard

 

Quand l’enfance s’en est allée, que l’on aimerait tant retrouver le Paradis perdu, que faute de preuves formelles on ne peut rendre compte de ses actes à la Justice, difficile de se sentir libre. La culpabilité ronge le narrateur de ce roman qui, suite à la mort, sans doute accidentelle, de sa femme tente de reconstruire sa vie et embarque le lecteur dans son déni.

 

Trois nuits à se confier leurs adolescences, leur joie inouïe, inespérée - cette tristesse étrange, aussi, qui se niche en nous au sortir de l’innocence. écrivait Marc Villemain dans « Il y avait des rivières infranchissables ». Cet impossible retour à l’innocence enfantine, Marc Villemain tente de le réaliser à travers le fils de son héros parti à la recherche de cette mère dont nous savons que le corps a été jeté dix ans plus tôt du haut des falaises d’Étretat.

 

Le lecteur est pris à témoin d’une affabulation qui repousse toujours plus loin le moment de dire la vérité et ce faisant rend impossible l’avènement d’une vie nouvelle que le narrateur ne cesse d’appeler de ses voeux. Il en venait même à se poser ce genre de question : et s’il en profitait pour refaire sa vie. Vivre autrement - revivre ? C’était sa part obstinée d’enfance…

 

Bien sûr on suit l’évolution des relations entre un père et son fils, mais contrairement à ce que l’on perçoit lors d’une première lecture où l’on s’inquiétera peut-être de ce fils sans mère – [Mado] comprend que l’enfant ne connaît pas sa mère, que tout ça les empêche de vivre - lors d’une relecture, on pourra imaginer l’enfant comme celui qui vient prendre la place du père et lui donner l’espoir d’un printemps sans culpabilité. Il est à la fois l’avenir du père et celui qui se charge du péché originel. Marc Villemain le dit très clairement : De ce jour où il réalisa qu’il devait sa vie à un enfant dont il était le père, il n’aura de cesse de se convaincre que, de cet enfant, il était aussi le fils. Tout l’enjeu de ce récit est là, il s’agit de dire pour ne plus se sentir coupable : ils ne savent pas, eux, ce que c’est que d’avoir tué sans avoir voulu tuer. Ils ne savent pas ce que c’est que de mentir au monde sans jamais pouvoir se mentir à soi-même.

 

La nostalgie de l’enfance terriblement présente dans les textes de Marc Villemain et notamment dans le roman « Mado » revient ici comme en écho avec cette serveuse dont il tombe amoureux mais qu’il quittera pour une dernière fois laisser croire à son fils qu’il reste un espoir de retrouver sa mère… en Irlande où elle serait sur les traces de la femme d’un célèbre producteur de cinéma mystérieusement assassinée !

 

Marc Villemain joue ainsi à composer une fiction avec du matériau récupéré soit de faits divers réels (ici l’assassinat de Sophie Toscan du Plantier) soit semble-t-il de sa propre histoire. Marie, l’avocate des causes perdues, (et donc du présumé assassin de la femme du célèbre producteur de cinéma) dit d’elle-même que la culpabilité est son métier et interprète le rôle d’une femme habituée à défendre les coupables. Tout naturellement elle sera celle…

 

Ainsi Marc Villemain invente un narrateur musicien de jazz, et rend hommage à Bill Evans. Avec son écriture elliptique, il vous emporte jusqu’au bout de ce road-movie où le thème de la culpabilité ne quitte jamais le lecteur.

 

Pierre-Vincent Guitard
À lire sur EXIGENCE LITTÉRATURE

14 juin 2023

Il faut croire au printemps lu par Marceau Cormerais / LES ÉCHOS

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Son titre à première vue gentillet ne fait pas rêver. Mais il ne faut pas se fier aux apparences. Il est urgent de se plonger dans « Il faut croire au printemps » le nouveau roman de Marc Villemain, dernier volet de sa « trilogie du tendre ».

 

On déboule dans l’habitacle d’une voiture filant vers Étretat, complices involontaires d’un musicien qui s’en va donner aux eaux le cadavre de sa femme sous l’œil distrait de leur nourrisson, somnolant sur la banquette arrière. Ce mystérieux prologue s’achève aux aurores, aplat ciel normand, un corps chute. On tourne une page, dix années passent dans le récit, mais il fait toujours nuit.

 

Un polar ? Assurément pas. L’auteur refuse l’enquête, balaye l’indice ; le père traîne le remords comme un boulet et son fils est assez grand pour poser des questions. Deux personnages sans noms, décrits les yeux fermés, en suivant les traits des visages de la main, deux silhouettes prises de vagues dilections : pour le jazz, côté paternel, pour ce père inexplicablement meurtri, côté rejeton.

 

La fausse traque menée par le père pour retrouver une mère qu’il sait morte n’est qu’un devoir symbolique envers son fils, un prétexte au voyage et à l’errance qui permet à Villemain de les trimballer dans le noir. Le duo bourlingue sans but précis et fait penser à ces spectres de casinos qui jouent mécaniquement, ayant même oublié l’idée de victoire.

 

Billard d’âmes égarées

 

Obscurité oblige, le style est minutieux. Tâtonner ainsi n’est pas désagréable et fait s’attarder pêle-mêle sur la courbe d’une route, l’étoffe d’un vêtement ou la tension du corps qu’il occulte : par ce lent jeu de décor et d’atmosphère, l’auteur réussit son pari et plante sa nuit comme un billard d’âmes égarées.

 

Si l’œil cherche, l’oreille vagabonde. L’importance donnée aux silences et les incessantes références musicales donnent une dimension sonore au roman. Tout cela se lit comme on écouterait un trio dans les abysses des derniers jazz-clubs de Paris, où les touristes ne rentrent pas : une jam session qui confine parfois au sublime.

 

Le rythme de Villemain a quelque chose de voluptueux - une continuité entre les pensées des êtres qu’il ébauche et les paroles qu’ils échangent dans des dialogues très justement conçus. Empreint de tendresse, d’une curiosité pour les destins qui ne verse jamais dans le voyeurisme, il donne un roman comme une transe musicale où le soliste enragé reviendrait à un motif secret inlassablement rejoué : la femme. Celle que le père tue, qu’il désire, qu’il pleure et dont il rêve souvent ; jamais la même.

 

Il y a porosité entre la narration et son objet et, fiévreusement, l’auteur entraîne le lecteur dans un ostinato ternaire : la Normandie / une voiture / une femme ; une autre voiture / la Bavière / une femme ; un avion / l’Irlande / une autre femme.

 

Si le texte de Villemain cède parfois à certaines facilités narratives et stylistiques, sa langue atypique autant que sa cohérence interne et sa tenue élégante en font un roman rare : à lire d’une traite, préférablement de nuit, et pourquoi pas sur fond sonore de Bill Evans.


 

Marceau Cormerais
Pour les abonnés, à lire en ligne sur le site du journal LES ÉCHOS

8 juin 2023

Stendhal à la Grande Librairie

 

 

Dans une récente émission de télévision dont j’ai visionné quelques passages particulièrement ineptes, quelques auteurs que je n’ai jamais lus (hormis Mathias Énard) se sont amusés à passer quelques grands « classiques » à la moulinette d’un humour qu’ils espéraient sans doute décapant. Ainsi du Rouge et le Noir, par exemple. Dont j’avais naguère recopié, parmi tant d’autres passages, ce trait qui m’avait touché : « Comme il faisait chaud, son bras était tout à fait nu sons son châle, et le mouvement de Julien, en portant la main à ses lèvres, l’avait entièrement découvert. Au bout de quelques instants, elle se gronda elle-même, il lui sembla qu’elle n’avait pas été assez rapidement indignée. » Je ne suis pas complètement surpris que nos temps racoleurs dédaignent ou méprisent ce genre de délicatesse.

6 juin 2023

Il faut croire au printemps - Coup de ♥️ de Nicolas Carreau, Europe 1

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Merci à Nicolas Carreau qui, sur Europe 1, a fait de Il faut croire au printemps sa « prescription culture ». Cliquer ici pour visionner la séquence.

 

5 juin 2023

Il faut croire au printemps - Coup de ♥️ du Masque et la Plume

 

 

À Radio France, il semble qu'on apprécie Il faut croire au printemps : après Alex Dutilh dans Open Jazz sur France Musique, c'est Patricia Martin, du Masque et la Plume sur France Inter, qui me fait l'honneur de son coup de coeur — et rougir de plaisir par la même occasion. « C’est feutré et incandescent tout à la fois », conclut-elle en résumant parfaitement ce qui était mon intention en écrivant cette histoire. Merci !

 

Cliquer ici pour écouter l'émission du 4 juin.

1 juin 2023

Il faut croire au printemps lu par Laurent Greusard (K-LIBRE)

 

 

Trésors d'Étretat

 

Voilà un roman bien particulier qui s'ouvre sur une dispute entre deux amoureux avec l'homme qui tue la femme de manière accidentelle. Mais il a peur. Alors, il embarque leur bébé dans son couffin, puis va jeter le corps de la femme, durant la nuit, à des centaines kilomètres de distance, depuis les falaises d'Étretat. Enfin, il rentre dans la nuit, ni vu ni connu, avant de prévenir la police dans les jours qui viennent. On évoque une fugue et le corps n'est jamais retrouvé. Là-dessus, des années ont passé. Le père et son fils, malgré la "disparition" de la mère, ont continué à vivre. Le père initie même son fils à son métier. Il est musicien de jazz, membre d'un trio qui commence à être connu. C'est alors qu'un problème se pose : une amie du couple en voyage en Allemagne pense avoir vu la femme disparue dans une sorte de secte hippie écologique. Même si le père sait que c'est faux, il est quand même obligé de se rendre sur place avec son fils, afin de faire semblant d'enquêter. De fil en aiguille, de rencontres amoureuses allemandes (une serveuse) à irlandaises (une avocate), de mensonges en mensonges, poussé par son fils qui ne demande que la vérité, le père s'enfonce. Comment va-t-il alors s'en sortir ?

 

Le roman de Marc Villemain n'est pas à proprement parler un roman policier car le cadavre disparait dès le début et ne réapparaitra pas. Mais le personnage doit faire comme si sa compagne s'est enfuie en l'abandonnant. Comment construire sa vie sur ce mensonge ? Comment essayer d'élever son fils avec ce poids ? Et comment faire avec l'amour ? Constitué de trois séquences - la mort, le voyage en Allemagne, celui en Irlande -, Il faut croire au printemps se déroule dans une sorte de huis-clos, dans un milieu intimiste, comme si nous étions par exemple dans un film de François Truffaut, où les choses ne se disent pas forcément, où les sentiments sont en demi-teinte. S'achevant sur une fin extrêmement ouverte, le récit est prenant, littéraire, mais risque de décontenancer les puristes du polar. Ceux qui connaissent déjà les éditons Joëlle Losfeld retrouveront le charme de leur publication, une écriture fine et subtile, et découvriront un roman qui leur fera autant de bien au cœur et à l'esprit que ceux de Chantal Pelletier, Marc Villard ou Richard Morgiève.

 

Laurent Greusard
À lire sur K-LIBRE, site dédié à la littérature policière et au film noir