mercredi 12 juillet 2023

Nanni Moretti - Vers un avenir radieux

Nanni Moretti

 

C’est peut-être pour cela que j’ai toujours aimé le cinéma de Nanni Moretti : il ne se contente jamais d’être intelligent (et dieu sait s’il peut l’être), ce serait trop simple. Il est d'abord bouleversant de fantaisie, de nostalgie et de liberté. On rit, on chante, on danse, mais toujours avec profondeur, et parfois même une certaine gravité.

Moretti sait que tout est désuet chez lui. À quoi il semble vouloir se résoudre de bonne grâce, en souriant de lui-même ou en faisant mine de. Et en retrouvant, aussi, paradoxalement, la verdeur de films plus anciens qui, disposés à toutes les foucades, indifférents à la question rhétorique du vrai et du vraisemblable, finissaient par prendre des allures d'utopie. Moretti ne se prive pas pour autant d'adresser quelques grimaces bien fardées à l'époque, ainsi qu'à un certain cinéma « what the fuck » auquel il prodigue, dans une scène assez extraordinaire et avec autant de panache que de mélancolie résignée, une leçon d'éthique et d'esthétique. On dit Moretti moral ? Sa morale est un antidote au nihilisme, qui est la morale du temps. Le moment où, assis au volant de sa voiture, fenêtre baissée, on le voit souffler leur texte à deux jeunes acteurs, n’est pas loin de pouvoir résumer l'être-Moretti. Quant à la scène finale, splendide, mémorable, il s'en faut de peu pour qu'elle prenne valeur de manifeste. Tant qu’il est encore temps, courez, foncez Vers un avenir radieux.

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samedi 1 octobre 2022

À Daniel Soulez-Larivière

À Daniel, à Mathilde

Marie qui m’appelle en larmes, elle vient de raccrocher au téléphone avec Mathilde : Daniel est mort. Daniel Soulez-Larivière. Bêtement. Accidentellement.

Comment est-ce possible, nous venons de passer quelques jours chez lui, dans sa belle demeure du Maine-et-Loire. Avec Marie, ils approchaient de la conclusion du livre qu’ils écrivaient ensemble, je sais que ça comptait beaucoup pour lui, pour elle. Ils se retrouvaient chaque matin sous la véranda pour travailler, on les voyait réapparaître des heures plus tard pour déjeuner sous l’auvent où, l’air de rien, ils poursuivaient leur conversation. Il faisait beau, doux, Daniel était continument facétieux, visiblement heureux d’être là, entouré ; il prenait un malin plaisir à sortir les meilleures bouteilles de sa cave et me promettait monts et merveilles pour notre séjour suivant. Je le questionnais sur son parcours, son passage au cabinet d’Edgar Pisani qu’il admirait, et il me racontait tout ça avec gourmandise, sa mémoire était si nette, si vive. 

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Sa vue baissait mais il était à l’affût de tout, ­lisait tout, toujours muni d'une petite ampoule ad hoc ; il avait toujours, spontanée, la bonne formule conclusive. 

Son livre sur le drame d'AZF vient tout juste de paraître, il y a consacré tant de temps ; il ne pourra même pas en connaître l’écho.

Il n’y a pas grand-chose à dire de plus que le chagrin et la sidération dans lesquels cette nouvelle nous plonge.

 

* * * 

  

Daniel Soulez-Larivière est mort le vendredi 30 septembre 2022

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lundi 27 juin 2022

Adieu, Henri

Henri Garcin à son domicile, 14 juin 2021 (photo personnelle)Henri Garcin nous a quittés. Il avait 94 ans. Cette dernière année, j'eus parfois le sentiment qu'il me racontait sa vie comme s'il n'en revenait pas lui-même de l'avoir vécue. Et s'il ne lui déplaisait pas de broder sur ses frasques, il n'était évidemment jamais dupe de son cabotinage, trop heureux de pouvoir trouver chez moi, « Monsieur Marc », un certain regain de quelque chose - en plus d'une oreille complaisante. Ardent, espiègle, élégant et pudique, une âme délicate affleurait toujours derrière son œil gourmand de plaisir et de vie.
La veille de sa mort, je lui avais adressé un mot pour lui proposer d'aller boire un verre à Saint-Germain-des-Prés.
Nous le boirons une autre fois, ailleurs.

◆ ◆ ◆

« Quel dommage que nous nous soyons connus si tard ! », me disait-il courant mars. Manière tellement délicate, et assurément bien peu innocente, de me faire savoir qu'il sentait ce qui venait — et, peut-être, de me faire ses adieux. Nous ne nous sommes en effet rencontrés, du moins de visu, qu'en juin 2021, présentés par un ami musicien, Ahmet Gülbay, dont l'appartement se situait dans le voisinage du sien. Nous avions tous trois déjeuné en terrasse des Deux-Magots. Parce que c'était à deux pas de son petit appartement de la rue du Dragon, mais aussi parce qu'il ne se lassait pas de flairer quelque effluve perdue de ses premiers pas dans les cabarets parisiens et des heures glorieuses de Saint-Germain-des-Prés - ses déjeuners pince-sans-rire chez Lipp avec Romain Gary, par exemple, qu'il admirait et ne se lassait pas de relire. À l'automne précédent, Ahmet lui avait passé le texte d'une pièce que j'avais écrite, Tombeau pour un nègre ; Henri m'avait appelé aussitôt après l'avoir lue. Il s'esclaffait au téléphone, riait aux patronymes un peu ridicules de mes personnages, pouffait en déclamant telle ou telle tirade qu'il semblait aimer. Il ne me laissait pas vraiment le temps d'en placer une et j'étais de toute façon bien trop surpris et intimidé pour converser librement avec lui.

Avec Delphine Seyrig et Philippe Noiret (photo encadrée à son domicile)

Quelques jours après ce déjeuner, je suis passé chez lui récupérer Ted et Léo, une pièce qu'il avait écrite quelques années plus tôt et dont il fut un temps question qu'il la montât et la jouât avec Jacques Narcy, alias Rufus ; mais la Covid-19 était passée par là et le projet s'était évaporé. Pousser la porte de son appartement me donna illico le sentiment de retrouver quelque chose d'un monde perdu à jamais, le pastel d'une autre époque. N'était l'ordinateur, dont il peinait tant à se servir, le temps semblait s'y être arrêté vingt, trente, peut-être quarante années plus tôt. Ce n'était partout qu'affiches de théâtre, innombrables livres empilés sur une table basse, clichés de cinéma, d'acteurs, d'actrices, souvenirs de tournées ; les bibelots de toute une vie. Chez lui, l'air n'entrait pas davantage que les petites marottes de notre temps.
Il s'est volontiers laissé photographier tout en me demandant de ne pas le faire sourire : il ne voulait pas qu'on le regarde seulement comme un amuseur, un bateleur, un pitre, ne voulait pas être réduit au statut de celui qui se satisfait de mettre les rieurs de son côté : il avait endossé bien trop de personnages pour, du théâtre, n'en avoir pas assimilé l'essence tragique qui le constitue aussi.

Nous avons déjeuné au petit Italien en bas de chez lui, autour d'un guéridon installé sur le trottoir, et partagé un pichet de rouge ; il avait de l'appétit, et rien contre un dessert. Ensuite il m'a pris le bras pour traverser la route, s'est accoté un instant à la porte cochère tout en refusant que je l'aide à gravir les escaliers : il se sentait en forme, avait seulement hâte que je lise sa pièce. Au moment de nous quitter, il me confia avoir l'étrange impression de me connaître depuis des années, s'étonna de se trouver si intime avec moi. Je l'ai rappelé le soir même pour lui faire part de mes impressions de lecture : pas grand-chose à faire, élaguer deux bricoles, alléger trois dialogues, biffer quelques blagounettes : le texte était résolument désuet mais doué d'une vivacité, d'une verdeur et d'un esprit ingénument effronté qui ne laissaient de m'épater. « On la fera jouer à Londres, j'y ai encore des relations » me disait-il, « et entre toi et moi, ce sera fifty-fifty ! ». Puis il me dit avoir commencé à lire un de mes romans, Mado, et en être bouleversé. 
Ted et Léo, eux, resteront dans mes tiroirs. 

◆ ◆ ◆

Avec Catherine Deneuve dans La vie de château (Jean-Paul Rappeneau)

Nous nous retrouvons à la mi-juillet pour déjeuner au Bonaparte. Sa mémoire lui joue des tours mais dès qu'il se met à déclamer quelques tirades fameuses, ou mieux encore à évoquer les mille et une anecdotes qui jalonnèrent ses soixante-dix ans de carrière, le jeune cabotin a tôt fait de donner de la voix. Autour de nous, les serveurs qui le connaissent s'amusent et les clients se demandent qui peut bien être ce vieux monsieur, si plein de vie dans son costume à rayures. Ses souvenirs peu à peu affluent, et le moins que l'on puisse dire est que je ne fais rien pour les contenir. Il me parle de son ami René de Obaldia - qui partira quelques semaines avant lui, à l'âge de 103 ans. De François Truffaut, dont il conserve, sans chercher à coquettement dissimuler sa fierté, la lettre d'admiration que celui-ci lui adressa après avoir assisté à Quelque chose comme Glenariff. De Romain Bouteille évidemment, avec qui il imagina L'Échappé belle, grand succès de l'année 1964, et de ce soir particulier où il dut jouer en sachant qu'au premier rang étaient assis Eugène Ionesco, Arletty, Françoise Dorléac, Jean Piat, Claude Berry et quelques autres... 

Mais il a envie surtout de me raconter son arrivée dans le Paris de l'après-guerre, ses premiers pas à l'Écluse, à l'Amiral, chez Milord l'Arsouille, chez Gilles et autres cabarets désormais de légende. C'est là que, encore minot, il fera ses débuts en même temps qu'il assistera à ceux de ses copains d'alors, d'autres futures vedettes, d'autres esprits libres dont on ne sait pas encore qu'ils traverseront les générations mais qui commencent à se faire un nom. Moustaki, qui deviendra le parrain de sa fille. Brel, avait lequel il conversait en flamand, et qui avait sur scène une telle présence, me dit Henri, que l'effet sur le public fut instantané. Moyennant quoi, lorsque Brassens devait passer après lui, c'était loin d'être une sinécure : le pauvre Georges en souriait d'ailleurs, comment rivaliser avec mes textes et ma pauvre guitare - Brel, c'était déjà du show. Mais c'est Barbara surtout qu'Henri se plaisait à évoquer, Barbara et sa manière de mettre au pas ses hommes au regard fier, l'effet qu'elle leur faisait, les têtes qu'elle faisait tourner. Enfin leur connivence de jeunesse, Henri se remémorant, quelque tendre polissonnerie dans le regard, ces soirs où elle s'installait dans sa « petite auto » et qu'il la ramenait chez elle - c'était ma chance, me confiait-il : j'avais de quoi la véhiculer.

Avec Claude Aufaure, Bruno Raffaelli, Harold Savary, Grégoire Bourbier

Courant août, je l'emmène au Théâtre de la Huchette pour y assister à la Cantatrice chauve, où jouait - où joue encore - Hélène Cohen, qui quelques semaines plus tard y dirigera la « mise en espace » de mon texte. Henri n'est plus retourné à la Huchette depuis qu'en 1957 il assista aux toutes premières représentations de la pièce de Ionesco. Il reconnait les lieux, en est ému, « ça n'a pas tant changé ! ». Assis au premier rang pour mieux entendre, il s'esclaffe, s'enthousiasme, se bidonne. Ensuite avec Marie nous l'emmenons, ainsi que quelques autres, dîner à la maison. Sur son téléphone, un de mes neveux fait défiler des photos où on le voit acoquiné avec Catherine Deneuve, Sophia Loren, Mireille Darc, Odile Versois, Fanny Ardant, Lise Delamare, Marie-Christine Barrault. Il n'en revient pas que tout cela existe, ça l'amuse et l'émeut comme un gamin à Noël. Il est plus de minuit lorsque avec mon ami Éric Bonnargent nous lui proposons de le raccompagner chez lui, ce n'est qu'à un quart d'heure. Dans les rues, Henri insiste pour boire des coups aux terrasses. On en prend un dernier au Flore. Il voudrait bien continuer mais c'est nous, les jeunots, qui déclinons.

Fin septembre, nous organisons à la Huchette une première répétition de ma pièce. Henri est de la partie, tellement content de pouvoir remonter sur les planches, fût-ce pour seulement y lire. Autour de lui, deux monstres sacrés, Claude Aufaure et Bruno Raffaelli, et deux comédiens que le succès appelle, Harold Savary et Grégoire Bourbier ; enfin Hélène Cohen, naturellement, qui dirige tout ce talentueux petit monde. Mais ce sera compliqué : l'envie est là, le désir est vivace, mais ce n'est pas suffisant. Henri se sent, se sait déphasé ; il en est bien malheureux mais il ne lui sera pas possible de poursuivre avec nous.

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Août 2021 - Photo personnelle


Je conserve dans la mémoire de mon téléphone quelques-uns des messages qu'il y a déposés. Pour le souvenir de sa voix, bien sûr, mais aussi parce qu'ils ont quelque chose de singulièrement libre et enjoué ; comme si rien à ses yeux ne pouvait jamais être tout à fait banal. Comme si chaque prétexte d'oralité lui fournissait une occasion supplémentaire, non seulement de jouer, non seulement d'ennoblir le trivial, mais d'extraire la plus grande intensité possible du moindre moment de vie. 

Cette dernière année, j'ai parfois eu l’impression d’être pour Henri l'un de ses derniers liens, inespérés, inattendus avec « le monde », la vie, ses plaisirs. Je l'ai vu ou senti se fatiguer au fil des semaines. Et m'en suis parfois voulu de ne pas le solliciter davantage. Je savais, sans accepter de me le formuler ainsi, que certaines sensations commençaient à le fuir doucement, qu'une certaine force minimale et nécessaire à la volonté de se lever le matin, de sortir s'acheter de quoi manger ou d'allumer la radio le désertait. Lui-même me le laissait parfois entendre à mi-mot, non, je crois, sans quelque amertume : il y était prêt mais c'était quand même trop tôt, il n'en avait pas encore envie. ◆

dimanche 3 avril 2022

Pour qui vais-je voter ?

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Pourquoi chacun tient tant à faire savoir à la terre entière – je veux dire : au petit peuple des réseaux sociaux – qui est son champion électif ? Pourquoi nous donne-t-on à lire autant d’injonctions, tantôt affûtées, brillantes, épidermiques ou spécieuses, volontiers rageuses et souvent péremptoires, à voter pour ce candidat – et surtout pas pour celui-ci, moins encore pour celui-là ? 

J’ai la nostalgie, probablement un peu conservatrice mais peu importe, d’une certaine pudeur démocratique. D’un temps d’avant le douteux fantasme d’une pure transparence où le vote à bulletin secret consacrait, in fine, l’ultime parcelle de quant-à-soi du citoyen, ainsi protégé des arguments d’autorité, des subordinations et autres influences de dernière minute  dire que l’on a fini par en faire un métier, que l’on peut dorénavant arguer sur sa carte de visite de l’enviable statut d’« influenceur »…

Je ne parle pas des militants estampillés : ceux-là portent leur appartenance au fronton de leur casquette : ils font le job. J’en ai été, naguère.
Mais les autres ?
Ceux dont la vie n’est que très sporadiquement traversée par un engagement partisan, et moins encore partidaire, en somme lorsqu’ils vont glisser leur bulletin dans l’urne ? Ceux qui d’ordinaire savent lire, voire font profession de lire entre les lignes ? Ceux qui chérissent le friable, l’indéterminé, le mouvant ? Qui, par amour non de la vérité mais de la justesse, n’aiment rien tant que sonder ce qui est irrémédiablement égaré en chacun, chancelant, peu assuré ? Ceux que l’on aime voir entonner les gens qui doutent ? Pourquoi eux – même eux – en viennent-ils à atrophier leur sensibilité, à glacer leur intelligence de l’autre, parfois à lancer des anathèmes ? 

La parole de chacun est-elle à ce point singulière, pénétrante, exemplaire que nous n’ayons de cesse de vouloir en édifier l’autre ? Mes livres, mes romans, mes articles témoignent assez de qui je suis et de qui je ne suis pas. Ce qui émane de moi, de mes amitiés, de mes prédilections, de mes attitudes – fût-ce à mon insu –, suffit amplement à faire savoir pour qui ou contre qui je voterai. Car je voterai, bien sûr.

Dit autrement : je réserve à l’isoloir, qui fera ici office d’allégorie de ma conscience civique, la formulation de mon choix ultime. Non que je tinsse farouchement au secret de mon bulletin, non que celui-ci risquât de m’attirer les foudres ou que j’en eusse honte, mais que je tiens à cultiver encore l’illusion d’un vote qui échappe autant que faire se peut aux objurgations morales et autres intimidations de circonstance, d’un vote auquel ne saurait se résumer l’entièreté du citoyen en moi – de ma personne.

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dimanche 19 décembre 2021

À Laurent Bouvet

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⚫️ Nous n'avions pas tout à fait trente ans, ou à peine, nous rôdions dans les cercles politiques ou intellectuels du moment, ceux qui gravitaient autour de ce que l'on appela un temps la « gauche plurielle », qui tous charriaient leur cortège d'enthousiasmes authentiques, de fâcheries un peu vaines, de petits arrangements avec le réel sans doute, de franche camaraderie aussi. 

Sur cette photo que je retrouve de lui, il doit avoir 32 ans ; nous sommes le 5 juillet 2000 sur la péniche Le Batofar, à Paris, pour le lancement du club Génération Européenne. 

Je me souviens que nous partageâmes le même bureau, au siège du PS, à cette époque encore situé au 10 de la rue de Solférino, et que nous aimions nos désaccords. Un peu plus tard, nous déjeunerons parfois au bien-nommé Pochtron, rue de Bellechasse. Je conserve le souvenir de nos échanges, toujours vifs et constructifs, tant il était exigeant, minutieux, précis ; et puis il était aussi un lecteur insatiable, toujours curieux de nouvelles constructions intellectuelles, pour peu qu'elles fussent arrimées à une solide connaissance de l'histoire. Émanait de lui une sorte d'autorité peu commune, pour nous autres qui avions son âge ; ce qui ne l'empêchait pas, déjà, d'être le roi de la contrepèterie...

La maladie absolument terrible qu'il avait contractée à l'été 2019 vient de l'emporter. Nous ne nous étions pas revus depuis longtemps, après que l'un et l'autre avions emprunté des voies différentes, lui celles de l'engagement, moi celles de la littérature. Mais nous nous adressions fréquemment quelque signe d'amitié ancienne.

Laurent, je te salue.

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samedi 18 décembre 2021

À Pierre Lepape

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⚫️ J'apprends 
la disparition de Pierre Lepape, qui m'attriste beaucoup ; son Pays de la littérature est pour moi un quasi livre de chevet.

Je conserve le souvenir de notre échange, il y a quelques années de cela, au Festival International de Géographie de Saint-Dié-des-Vosges.

Nous perdons avec lui un de nos érudits les plus humbles et les plus affables.

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mercredi 9 décembre 2020

Combat - Entretien avec Lucie Pelé

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COMBAT, comme chacun sait, était le journal créé pendang la guerre par le mouvement de résistance du même nom, et auquel fut très tôt associé le nom d'Albert Camus. C'est dans les traces de ce dernier qu'une petite équipe, sous la houlette de Charlotte Meyer, a décidé de réactiver le journal, désireuse de prolonger « la vision camusienne du journalisme » et revendiquant les « quatre piliers chers à Albert Camus : Vérité, Ironie, Refus, Obstination. »

Beaucoup de choses au sommaire de ce premier numéro paru à la mi-octobre, qui s'articule autour d'un dossier principal consacré à cette question : « La culture est-elle un luxe ? »

Et c'est un honneur pour moi que d'y être longuement interrogé par Lucie Pelé, sur mes motifs d'écriture mais aussi sur des questions plus largement culturelles.

L'accès à l'entretien est public pour sa première partie, et accessible en suivant ce lien.

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L'on peut acquérir la revue au numéro (10 €) ou mieux encore s'abonner en se rendant sur le site de Combat.

 

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mercredi 17 janvier 2018

Questionnaire du candide (Brice Torrecillas)

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Merci à Brice Torrecillas, qui a eu envie de me passer au grill de son fameux « Questionnaire du candide ».

À lire aussi dans son contexte originel,
sur le site Brice fait des phrases.

Ses premières expériences d’écriture furent à caractère politique. Par bonheur, après avoir prêté sa plume à Dominique Strauss-Kahn, à Jean-Paul Huchon, à François Hollande ou encore à Jack Lang, Marc Villemain décida de passer aux choses sérieuses : la littérature. Directeur de collection aux éditions du Sonneur, il vient de publier son sixième livre, Il y avait des rivières infranchissables (éditions Joëlle Losfeld), un recueil de nouvelles qui suscite un réel enthousiasme. Et il honore superbement notre questionnaire du candide.

  • Un écrivain, ça naît comment ?

Il n’existe heureusement aucun schéma de fabrication : ce qui vaudra pour un tel n’aura aucun sens pour tel autre. Car c’est une facilité de langage et de l’esprit, selon moi, voire une manie taxinomiste, que de penser qu’il pourrait exister une caste, une communauté, une corporation des écrivains. Rien n’est plus irréconciliable et composite que cette nébuleuse d’humains qui, pour des raisons propres à chacun, ont placé l’écriture au centre de leur vie. Autrement dit, je ne connais guère que des individus sans autre lien entre eux que celui d’être continûment aimantés par le désir d’écriture.

Cela dit, au-delà cette passion commune, il existe peut-être une espèce de point nodal, comme on dirait en topographie. Disons une sorte de mouvement qui, de fait, conduit toujours celui qui écrit à se tenir en plus ou moins grand décalage avec le monde. Car écrire, c’est aussi travailler avec ce qui, en soi, n’est pas mûr, pas prêt pour le monde. Dans le temps de l’écriture évidemment, puisque celle-ci requiert une longue et impérieuse solitude, mais aussi dans ce qui peut acculer un individu à sa table de travail, et qui ressortit probablement à un désir, sourd mais assez pressant, de mettre l’existence et le monde à une certaine distance. Je pense que tout écrivain un peu sérieux ressent cela. Pour ce qui est de ma petite personne, je dois dire j’ai toujours éprouvé, dès l’enfance, un vague sentiment d’étrangeté devant le monde, et parfois une certaine gaucherie, voire réticence, à y évoluer. Sans doute est-ce là, donc, que naît l’écrivain en moi, dans ce hiatus, cet écart.

  • Un livre, ça vient de quoi ?

De cela, précisément : de ce sentiment de relative inadéquation au monde et du désir de l’interroger. Pas forcément d’ailleurs pour l’entériner ou s’en réjouir : ce peut être aussi pour essayer de trouver sa place dans le mouvement global, de reprendre pied parmi la foule.

Reste qu’il faut bien trouver quelque motif d’écriture. Cela peut être dans le cours incroyablement chaotique, extraordinairement faramineux et donc définitivement romanesque du monde – vers quoi, un temps, je penchai –, mais on peut aussi chercher en soi, dans une certaine urgence sensorielle, dans sa mémoire affective, lorsqu’on finit par comprendre qu’on est porteur de bien plus que soi-même – et c’est plutôt la manière de faire de mes derniers livres. L’origine du monde et l’origine de soi, donc : ces deux sources peuvent s’annuler, se repousser ou coexister, c’est selon. Chez moi elles entrent fréquemment en rivalité – en émulation, espéré-je : il ne s’agit pas tant d’écrire ce que je suis, qui n’intéresse personne, mais, partant de ce que je suis, de trouver à mon être un écho au dehors, d’épuiser mon humble et négligeable biographie pour regarder, simplement regarder si tout cela trouve un peu de sens à l’extérieur.

  • Un style, ça se trouve où ?

Si je savais… Dans la lecture et à force d’écriture, affirmeront de conserve le professeur et l’écrivain aguerris : c’est le b.a.-ba, et ils auront raison. Je me souviens qu’autour de mes vingt ans je recopiais à la main des passages entiers de romans, Balzac, Stendhal, Malraux, Kafka… C’est une assez bonne manière, je crois, non de se forger un style, cela va sans dire, mais de se donner l’impression – enivrante ! – d’entrer dans la fabrique et l’intimité d’un style. Ce qui serait déjà un bon début…

Toutefois, si ce travail – lecture, écriture – suffisait, cela se saurait : pourquoi sinon tant de lecteurs sensibles et passionnés éprouveraient-ils les plus grandes difficultés à écrire ? Nous sommes très inégaux devant l’écriture. D’aucuns éprouvent précocement cette part infinie de jeu que la langue recèle, ou, mieux encore, savent donner naissance à un univers, quand d’autres ont besoin d’attendre que la vie ait suffisamment manœuvré en eux. Le style c’est l’homme, dit-on, et assurément il y a du vrai dans ce poncif. Je ne suis d’ailleurs pas loin de penser que tout écrivain a ou pourrait avoir un style, si l’on entend par là la capacité d’affecter une forme à la fois singulière et maîtrisée à ce qui parle en soi, et dont chaque attribut est irréductible et unique. Mais c’est là que commence le difficile : entrer en pleine et totale correspondance avec cette voix intérieure.

  • Quand on écrit, c’est pour qui ?

Ou pour quoi, serai-je tenté de répondre… Alors je dirai : pour le geste, la beauté du geste, l’incomparable plaisir de voir naître un monde que, certes, je portais en moi, mais qui, avant d’être passé au tamis de l’écriture, végétait à l’état de chrysalide. Probablement ai-je un ou plusieurs destinataires, intimes, secrets, identifiés ou pas, mais c’est vraiment d’abord ce que je ressens, cette joie, cet enivrement à découvrir ce qui me vient sous les doigts, tout ce dont je me sentais porteur mais qui flottait dans mes pensées indistinctes ou dans les limbes.

La seule chose que je puisse affirmer, c’est que je n’écris pas pour le lecteur. J’écris pour sublimer, donner langue et corps à ce qui frémit ou s’agite en moi. Mais une fois que la texte a trouvé sa forme quasi définitive, une fois que l’édifice est là, qu’il me semble fondé, alors je le reprends entièrement, et cette fois en songeant au lecteur, en me mettant à sa place. Je tâche alors de faire comme si je découvrais le texte d’un autre que moi. En toute rigueur la chose est impossible, bien sûr, mais c’est un objectif, un idéal de travail. Il s’agit notamment de repérer, afin de les gommer, tous ces moments bavards, apprêtés, coquets, gras, vains, autrement dit tout ce qui ne sert pas le propos ou l’univers propre du texte, qui l’encombre et l’empêche de respirer. Je suis persuadé que tout ajout à un texte qui vient de loin, nourri à une certaine passion, écrit dans une certaine forme de frénésie, même douce, corrompra le texte original. A contrario, il y aura toujours matière à désosser, élaguer, retrancher. L’homme est assez bavard, le livre ne doit pas l’être.

  • Votre dernier ouvrage, qu’est-ce qu’il raconte ?

Il s’agit d’un recueil de nouvelles intitulé « Il y avait des rivières infranchissables », paru chez Joëlle Losfeld. C’est un « livre d’amour », pourrai-je dire si cette qualification ne risquait, précisément, de le… disqualifier. En tout cas un livre de sentiments et de sensations. Mais pour prolonger la question précédente, je dirai que c’est d’abord un univers auquel je cherchais depuis très longtemps une issue littéraire. Celui de mon enfance et de mon adolescence. Toutes deux parfaitement banales, mais d’une banalité intéressante en ce sens que l’intimisme relatif de ces nouvelles me semblait pouvoir entrer en correspondance avec un certain universel : nous avons tous connu – du moins faut-il l’espérer – l’émotion des premières fois, nous avons tous le souvenir de nos premiers émois amoureux, de ce qui a fondé en nous cet attrait d’un type nouveau pour l’autre, petite fille dans la cour de récréation ou « jupe plissée queue de cheval à la sortie du lycée »… Premiers sentiments irrépressibles, premiers déchirements intimes : c’est parce que cette matière sentimentale est éculée qu’il y avait défi littéraire. Car c’est à la fois très prétentieux et très humble que de vouloir se mêler aux innombrables auteurs qui, siècles après siècles, ressassent l’amour, et que d’espérer pouvoir faire entendre une voix qui, sans rechercher l’originalité à tout prix, n’en soit pas moins farouchement singulière.

Enfin j’ai écrit ces histoires parce que, certes, je ne voulais pas que le temps finisse par les enterrer, que j’avais envie de sonder ce qui, en elles, pouvait me constituer, mais aussi parce que je vois l’amour comme une trajectoire, disons une sorte de noviciat perpétuel : à l’aune du passé, il s’agissait donc aussi d’éclairer mon présent amoureux.

lundi 15 janvier 2018

Anciens des diplômés de Sciences Po Toulouse - Portrait / Floriane-Marielle Job

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Merci à l'association des diplômés de Sciences-Po Toulouse, et spécialement à Floriane-Marielle Job, laquelle a souhaité me rencontrer quelques années (vingt ans bien sonnés...) après mon passage par la vénérable école de la Ville rose.
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Écrivain et directeur de collection aux éditions du Sonneur, Marc Villemain vient de publier Il y avait des rivières infranchissables aux éditions Joëlle Losfeld / Gallimard.
Dans ce recueil, il évoque les premiers émois de l’amour, de l’enfance à la fin de l’adolescence. À cette occasion, Floriane-Marielle Job a pu revenir avec lui sur sa jeunesse, son passage à Sciences Po Toulouse et son parcours, autour d’un café.

Avec ses cheveux en bataille et sa cigarette roulée à la main, Marc Villemain, diplômé de Sciences Po Toulouse en 1996, pourrait de prime abord correspondre à l’idée que l’on se fait communément d’un auteur contemporain français. Pourtant lorsqu’il parle avec lui, on découvre vite qu’il est loin de coller aux stéréotypes de la scène littéraire parisienne. Cette singularité trouve sans doute ses origines dans ses plus jeunes années. Originaire d’un petit village de Charente-Maritime jouxtant la côte Atlantique, il reste très imprégné par les paysages de bord de mer et les plaisirs sans manières de la vie rurale. Son enfance est marquée notamment par la disparition précoce de son père. Loin d’être un élève modèle, Marc Villemain ne se retrouve pas dans le système scolaire et, après un passage infructueux en formation de dactylographie, quitte l’école à l’âge de seize ans. Évoquant cette époque, il se décrit comme un jeune allergique au conformisme social, un enfant qui, né en 1968, préfère délaisser les bancs de l’Éducation nationale et rejoindre l’école de la vie, où improvisation, débrouille et petits boulots sont au programme. 

Un déclic se produit lorsque Antenne 2 diffuse la série documentaire Les aventures de la liberté, de Bernard-Henri Lévy, qui retrace l’évolution des intellectuels en France. Pour Marc Villemain, c’est la porte ouverte sur d’autres possibles. Le documentaire et le livre de BHL lui donnent envie de découvrir les meilleurs auteurs et attisent son goût pour la pensée, la politique, l’histoire et la littérature. Une de ses amies lui propose alors d’assister à un cours sur l’histoire des idées contemporaines à Sciences Po Toulouse. Les mots du professeur Jean Rives confortent le désir encore abstrait de rejoindre l’auditoire de l’amphithéâtre Jean Bodin. Grâce au soutien de sa mère, il reprend alors par correspondance ses études au niveau de la classe de seconde. Ses efforts seront couronnés par l’obtention du baccalauréat, puis son admission dans les premiers au concours de l’IEP. Il a alors vingt-cinq ans.

Son installation à Toulouse, au première étage du bar du Papagayo, et sa rentrée au 2 ter rue des Puits creusés, marquent un nouveau chapitre pour Marc Villemain. Fort de ses quelques années de maturité par rapport à ses camarades, il est bien décidé à saisir toutes les opportunités qui se présentent à lui. Il s’engage syndicalement au sein de UNEF-ID, dont il préside pendant un an la section au sein de l’IEP, lance avec des amis un club de débat, le Club Res Publica Pluriels, ainsi qu’une revue qu’il dirige, Itinérance. Malgré une nature plutôt timide, et l’âge aidant, il se lie d’amitié avec de nombreux camarades des trois promotions mais aussi avec des enseignants, notamment l’historien Jean Rives, avec qui il partage un même amour de la littérature et avec qui il aime converser et débattre, malgré leurs divergences politiques. Politisé, et alors qu’il est sur le point d’achever sa troisième année à l’IEP, Marc Villemain rejoint en tant que collaborateur le groupe socialiste à la mairie de Toulouse, alors tenue par Dominique Baudis. Il profite enfin de la vague rose des élections législative de 1997 pour suivre Yvette Benayoun-Nakache à l’Assemblée nationale. 

Son arrivée à Paris lui permet de faire réalité de toutes ses envies : écrire à une table du Café de Flore, écouter du jazz rue des Lombards et profiter des mille promesses de la capitale. Ayant quelques années plus tôt eu un début de correspondance avec BHL, tous deux se rencontrent fréquemment, notamment au moment de l’écriture de son premier livre (Monsieur Lévy, éditions Plon, 2003), période pendant laquelle ils feront aussi ensemble le voyage pour Sarajevo, en ex-Yougoslavie.

Mais si l’écriture anime ses journées dans la capitale, c’est d’abord en tant que plume. Après un passage rapide au Parlement, il rejoint le cabinet de Jean-Paul Huchon, qui vient d’emporter la région Île-de-France. Sa proximité avec la Fondation Jean-Jaurès et Gilles Finchelstein le conduit ensuite à rencontrer François Hollande, alors à la tête du Parti socialiste. Le Premier secrétaire, en quête d’une nouvelle plume, le recrute alors. En plus de la rédaction de discours et autres innombrables missions qui remplissent son quotidien, Marc Villemain s’attache à vouloir nourrir la réflexion de François Hollande. De manière anecdotique mais révélatrice, il dépose chaque matin une citation sur son bureau, afin que, dès le début de la journée, une pensée ou un mot d’esprit oriente peu ou prou la journée du Premier secrétaire et le détourne un peu des travers du jeu politique. Dans le même temps, sa proximité avec Dominique Strauss-Kahn le conduit à travailler à l’écriture de son essai La Flamme et la cendre (éditions Grasset, 2002). Mais les tractations politiques et la vie de cabinet à Solferino se révèlent trop pesantes. La campagne des européennes, puis la férocité des luttes internes lors de l’investiture pour la candidature à la mairie de Paris, finissent par l’épuiser, puis par éteindre toute envie de politique. Pour quelques temps, il redevient alors chargé de mission au Conseil régional, où il assiste notamment les élus du groupe socialiste sur les questions culturelles. 

Après ses années d’engagement politique, Marc Villemain se tient aujourd’hui à l’écart de l’actualité et, depuis une petite dizaine d’années, a trouvé refuge dans la littérature. Que ce soit pour lui ou au service des autres, l’écriture occupe désormais toute sa vie. Convaincu du rôle et de la puissance des livres dans notre société, il travaille aussi comme directeur de collection aux Éditions du Sonneur, en quête de textes de qualité et soucieux du devenir de « ses » auteurs, qu’il accompagne aussi longtemps que possible. 

Sa plume a quant à elle évolué au fil du temps. S’il décrit ses tout premiers textes comme trop imprégnés encore des principes de la littérature d’idées, il embrasse désormais des chemins plus strictement littéraires et dit travailler avant tout à partir de sensations. Sa femme, qui est aussi sa première lectrice, lui offre un soutien décisif dans son entreprise de création.

Lorsque Marc Villemain parle de son processus d’écriture, je ne peux m’empêcher de penser qu’il est à l’image de son parcours singulier : connaissant le point de départ mais jamais l’issue de son récit, il se laisse guider par ses personnages avec confiance. Il y avait des rivières infranchissables, son nouveau livre, est un recueil de nouvelles nourries aux souvenirs de sa jeunesse, de ses atmosphères maritimes et de son imaginaire. Il résonne dans le cœur du lecteur, qui y retrouvera la pureté et la confusion des premiers émois amoureux, ceux qui, peut-être, permirent de trouver le grand amour… =

Lire ici l'article sur le site de l'association.

dimanche 8 janvier 2017

Primaires citoyennes - Jaurès, Combes et... Peillon

Je profite des Primaires citoyennes des 21 et 29 janvier prochains pour archiver cet échange déjà très ancien (dix-sept ans...) avec Vincent Peillon, alors que celui-ci venait de faire paraître chez Grasset, dans la collection Le Collège de Philosophie, un très beau livre sur Jean Jaurès (Jean Jaurès et la religion du socialisme) et que la Fondation Jean-Jaurès publiait de son côté une version remaniée de ce qui fut mon Mémoire de 3ème à l'Institut d'Etudes Politiques de Toulouse, L'esprit clerc, Émile Combes ou le chemin de croix du diable.

Ce dialogue fut publié dans le n° 3 de La Revue Socialiste en avril 2000.
L'échange est animé par Laurent Bouvet, qui en était alors le rédacteur en chef.

Vincent Peillon - Jean Jaurès et la religion du socialisme-checker

D’une fin de siècle à l’autre : Jean Jaurès et Emile Combes

Vincent Peillon est député de la Somme et secrétaire national du Parti socialiste.

Marc Villemain est chargé de mission auprès du premier secrétaire du PS.

Débat animé par Laurent Bouvet.
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La publication de deux études sur Jean Jaurès et Émile Combes par deux membres de la rédaction de la Revue Socialiste nous donne l’occasion de revenir non tant sur l’esprit d’une époque que ces deux personnages ont fortement marqué il y a tout juste un siècle, mais plutôt sur leurs idées, pour le moins oubliées, comme nous l’expliquent Vincent Peillon et Marc Villemain. Des idées qui semblent pourtant susceptibles d’éclairer les lanternes de la gauche contemporaine à l’heure d’une réflexion indispensable sur les vices et les vertus de l’individualisme ou sur la persistance du religieux au coeur du politique.

RS : Pourquoi s’intéresser aujourd’hui à Émile Combes et à Jean Jaurès ? S’agit-il d’une simple préoccupation d’historien, ou bien y a-t-il dans les questions au coeur du débat politique d’aujourd’hui – particulièrement à gauche – des interrogations qui font écho à celles de ces deux auteurs ? Qu’en est-il pour Jaurès, père (re)fondateur du socialisme français ?

Vincent Peillon : En ce qui concerne Jaurès, mon sentiment est que s’il a été assassiné une première fois, physiquement, il a également été assassiné intellectuellement. Ainsi est-il frappant de constater que si Jaurès est un personnage très connu – il est d’ailleurs revendiqué par plusieurs traditions politiques – sa pensée reste profondément méconnue. Elle est méconnue au point que ses oeuvres complètes sont restées indisponibles tout au long du siècle. On peut tout lire en France, mais on ne peut pas lire Jean Jaurès, sauf par fragments. Celui qui veut lire Jaurès de manière approfondie doit aller en bibliothèque. Cet « assassinat intellectuel » que j’évoquais, cette sorte d’amnésie collective, a nécessairement un sens : si on ne connaît pas Jaurès, c’est qu’on ne veut pas le connaître. On est d’accord pour l’évoquer à la tribune des Congrès, pour transférer ses cendres au Panthéon, pour donner son nom à des lycées, des collèges, des places... mais on ne veut pas en savoir plus. Je pense que l’on a même cherché à ce qu’il demeure inconnu. Il y a derrière cette attitude paradoxale une sorte d’amnésie du socialisme sur sa propre histoire et sur son passé intellectuel. Le socialisme a vécu de façon douloureuse la séparation du Congrès de Tours en 1920. Il a refoulé des éléments de sa tradition pour surmonter cette rupture avec le communisme. Le socialisme a eu du mal à articuler en particulier matérialisme et idéalisme, il s’est plié à la vulgate matérialiste du marxisme en refoulant une part de lui-même qui était fondatrice, cette part qu’on retrouve précisément chez Jaurès lorsqu’il avoue, très nettement, son idéalisme et son spiritualisme. L’intérêt de se pencher, une nouvelle fois sur Jean Jaurès, vient de ce qu’au moment où l’on ferme la longue parenthèse communiste du siècle avec la chute du Mur de Berlin, il ne paraît pas inutile de se retourner vers cette tradition refoulée du socialisme, car elle nous porte vers l’avenir.

RS : Pourquoi, de manière symétrique, s’intéresser à Emile Combes, alors que cela paraît encore plus paradoxal que pour Jaurès, puisqu’en ce qui le concerne, seule une image est restée : celle du « petit père Combes », le défenseur d’une laïcité de combat ?

Marc Villemain : Peut-être parce que le propos de Vincent Peillon sur Jaurès pourrait s’appliquer à Combes lui-même. À deux réserves près : premièrement, Combes n’est pas socialiste mais radical-socialiste, ce qui est important dans le contexte d’une époque où les radicaux dominent la vie politique française. Deuxièmement, Combes n’a ni l’envergure ni le génie du Jaurès penseur. Cela étant dit, tout ce qu’explique Vincent Peillon sur la pensée méconnue, sur les oeuvres indisponibles, sur le fait de savoir si on souhaite le connaître vraiment, voire sur l’assassinat symbolique du personnage, tout cela vaut aussi pour Combes. Je fais d’ailleurs remarquer que tous deux étaient amis, et que c’est Jaurès qui vient chaque fois à la rescousse de Combes dans ses passes difficiles. La pensée d’Emile Combes est méconnue parce qu’on a gardé de lui l’image d’un homme atteint de monomanie contre l’Eglise, sans trop comprendre d’où venait son inspiration politique et ce que son discours pouvait avoir comme écho dans la société de son temps. Se pose dès lors la question de savoir si l’on souhaite réellement connaître ce qui se cache derrière Combes, inspirateur (et non auteur) de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Les débats de ces années de lutte nous paraissent bien vifs aujourd’hui, trop vifs sans doute pour la société française contemporaine, dans laquelle la parole vive n’évoque plus grand-chose à personne, sauf sous des formes caricaturales ou extrêmes. L’idée qu’une valeur aussi bien acceptée que la laïcité puisse venir de ces temps d’affrontement et de mini-guerre civile n’est pas évidente au premier abord. Alors, pourquoi s’intéresser à Combes… ? Sans doute, et de manière plus ou moins inconsciente chez moi, par attirance pour ces personnages décalés, comme parcourus d’un faisceau de blessures, et dont l’image a peu à peu été corrodée, pervertie, par un travail très superficiel de sédimentation culturelle. Autant la caricature m’amuse, autant je sais bien qu’il y a derrière toute caricature son antidote, sa contre-caricature en quelque sorte. J’ai donc voulu traduire la complexité de l’époque, et avec elle celle de Combes lui-même, en essayant de montrer qu’il était autre chose qu’un bouffeur de curés, de nonnes et d’abbés… Il se qualifiait lui-même de « spiritualiste fervent ». Et il ira jusqu’à dire que « le catholicisme représentait l’effort le plus vigoureux pour pénétrer l’énigme jusqu’à présent indéchiffrable de la destinée humaine ». Sans même évoquer ce que j’ai pu discerner comme une espèce « d’aimantation ecclésiale » et cette sourde attirance pour les hommes et les femmes de foi…

RS : Dans la manière dont les socialistes français ont « oublié » Jaurès, n’y a-t-il pas quelque chose qui serait de l’ordre du refoulement d’une des traditions que Jaurès a intégré dans le socialisme français au moment où il réalise la synthèse du républicanisme et du socialisme : la tradition libérale – entendu ici dans son sens politique, telle qu’elle a été elle-même intégrée au républicanisme ? N’y a-t-il pas chez Jaurès un certain nombre d’éléments qui mériteraient aujourd’hui d’être pris en considération dans le débat qui anime la social-démocratie européenne dans sa relation avec le libéralisme ?

V.P. : Jaurès s’inscrit en effet dans la tradition du libéralisme politique au sens révolutionnaire. Jaurès est un « individualiste ». C’est-à-dire qu’il pense que le but de la politique, c’est l’épanouissement de l’individu. Le pouvoir politique est chez lui délimité par la protection de l’individu. Ce positionnement résonne incontestablement avec des débats contemporains, car la tradition du libéralisme politique est liée à celle du libéralisme économique – particulièrement à la notion de propriété. Aux yeux des libéraux, si l’on considère John Locke par exemple, l’idée de propriété est une idée qui est née de la conception de l’individu. La propriété est une extension de la personne. On retrouve ce thème chez Jaurès, médiatisé par un passage par l’idéalisme allemand : la propriété est une des voies de la réalisation de soi. Jaurès développe ainsi un certain nombre de thèses où il explique que l’appropriation collective des moyens de production doit passer par la propriété individuelle. En effet, ce qui est gênant à ses yeux, c’est la concentration du capital – il défend un mode d’appropriation collective sous la forme d’une diffusion plutôt que d’une étatisation – il se montre très favorable à l’artisanat, au petit commerce et à la petite paysannerie. On peut trouver chez Jaurès des réflexions stimulantes concernant le débat actuel sur l’épargne salariale et l’actionnariat des salariés notamment. Ainsi que veut dire lutter contre le capitalisme ? Soit on construit un collectif impersonnel qui a le monopole du capital, soit on permet aux individus de s’approprier le capital, en répandant la propriété – c’est la solution que préconise Jaurès. De même peut-on trouver chez Jaurès des réflexions sur ce que l’on appelle en économie la politique de l’offre, et sur le développement de l’initiative, la nécessité d’organiser la capacité de chacun à produire, à développer des richesses, à s’enrichir.

RS : En essayant de maintenir le même parallèle, est-ce qu’il y a dans la pensée et le combat d’Emile Combes en faveur de la laïcité des éléments qui pourraient éclairer des débats contemporains, en ce qui concerne notamment le rapport de la société française contemporaine au religieux – à la manière dont l’analyse Marcel Gauchet par exemple ?

M.V. : Je ne sais pas si Combes peut nous éclairer sur ce rapport. En revanche, la manière dont il a mené son combat nous livre, je le crois, quelques enseignements précieux. N’oublions pas que pour la gauche, la question du religieux est toujours restée plus ou moins interdite. Nous soulignions tout à l’heure l’origine matérialiste de la gauche ; or Combes y insistait beaucoup, quand Jaurès disait que l’avenir du socialisme passait par une grande révolution religieuse… Autant de choses bien oubliées aujourd’hui. C’est le processus de sécularisation de la société qui était l’enjeu de l’époque, et c’est celui-ci qui continue de troubler la gauche contemporaine.  Aujourd’hui, et alors que la place de l’islam est au centre des débats, on voit bien que les questions posées sont les mêmes qu’à l’époque de Combes : celles du ralliement de la religion à la République, de la compatibilité de la liberté individuelle et de la vie religieuse, de la place du religieux dans une société laïque et démocratique. La question s’est posée pour les catholiques en des termes très forts – eux qui n’étaient gagnés ni à la république, ni à la démocratie, ni au suffrage universel. Ils se sentaient étrangers à cette modernité. Et s’ils s’y sont finalement ralliés, c’est en créant un petit schisme au sein de l’Eglise, lequel a durci, par un effet de système, les plus réfractaires au ralliement. Ce n’est donc pas tant Combes que l’époque à laquelle il a vécu et agit qui nous informe, et qui nous oblige aujourd’hui à une réflexion sur le lien entre le politique et le religieux. On sortira peut-être un jour de la religion, en tant que structure ou modèle structurant, mais on ne sortira jamais du religieux. Je suis en accord avec Marcel Gauchet sur ce point, au sens où la modernité contient – quoiqu’elle s’en défende, et malgré elle – du religieux. On cherche encore aujourd’hui un sens supérieur à l’action politique, et ce sens, s’il n’est plus qualifiable de religieux, demeure très largement métaphysique. Gauchet le dit très bien : on n’a jamais de rapport neutre au réel, on le façonne, on le taraude... André Gide disait sur un mode un peu sarcastique que la religion chrétienne est une religion «essentiellement consolatrice ». Or nous continuons évidemment d’avoir besoin de consolation. Il n’est d’ailleurs pas anodin de voir fleurir, avec un succès certain, toute une littérature de la consolation – je pense, et sur des registres différents mais voisins, à André Comte-Sponville ou à Christian Bobin. Il ne s’agit ni  plus ni moins que de donner un peu de sens, ou au moins de fondement, au cheminement individuel, en reposant de vieilles questions mille fois traitées par les religions. Combes, pour en revenir à lui, y a répondu, mais avec toutes les ambiguïtés de son époque. La société, l’histoire, l’ont poussé à un combat dont le visage peut aujourd’hui paraître caricatural ou suranné – et pourtant ô combien nécessaire pour l’établissement de la république. Il s’est pourtant acquitté de sa tâche à travers un jeu de cache-cache qui en dit long sur ses dispositions personnelles – ainsi parlait-il en 1904, dans un discours fameux, des « idées nécessaires de la chrétienté ». Vivement  attaqué après ce discours, c’est d’ailleurs Jaurès qui, une nouvelle fois, viendra à sa rescousse. Combes entretenait des relations douloureuses avec le religieux ; sans doute parce qu’il savait l’intensité de la puissance métaphysique qui taraude l’individu. C’est finalement à cette souffrance que j’ai voulu m’ouvrir dans cette Note de la Fondation Jaurès. Mais bien qu’étant loin d’être le seul à l’époque – que l’on songe simplement à Jaurès ! – cette ambiguïté a suffi à le faire condamner, à maintes reprises, comme trop tolérant à l’égard des catholiques. Clemenceau, pour ne citer que l’un des plus brillants, n’hésitait pas à dire de lui – ce sont ses termes – qu’il était «  ridiculement modéré » !

RS : On constate, à travers vos réponses, l’attention prêtée par les deux hommes à l’individu et à son rôle central dans la société. On a le sentiment, un siècle après, qu’il s’agit d’une réflexion essentielle pour la gauche de l’époque, mais d’une réflexion qu’on a eu tendance, en raison de l’effet déformant de la lutte idéologique au XXème siècle, à attribuer à la droite. Sur ce point-là, je voudrais avoir vos deux avis, à partir de Combes et Jaurès bien sûr, mais également au-delà, sur le fait de savoir si l’individu peut à nouveau être envisagé comme un élément central de la réflexion de la gauche, en termes identitaires, économiques, sociaux...

V.P. : Pour Jaurès, il y a une définition du socialisme qui est simple, c’est « l’individualisme complet ». On trouve chez lui une conception laïque de l’individu, une conception rationaliste. Ce qui fait, ce qui fonde la valeur d’un individu, c’est sa capacité à se déterminer par lui-même. Cette liberté n’existe que pour autant qu’elle est fondée sur une propriété distinctive de l’homme qui est la raison : la capacité de peser le pour et le contre, d’argumenter, de se forger des certitudes. A partir de là, la question qui se pose est celle de l’éducation du jugement – c’est ici que se rejoignent laïcité et individualisme. Ce que l’école laïque doit former, ce sont des individus capables de choisir par eux-mêmes. Il ne s’agit pas, pour continuer ce que nous disions précédemment, d’une conception antireligieuse. Il s’agit de placer l’individu au coeur des préoccupations, et notamment de l’éducation. A partir de là, comment intervient la religion ? La religion – si on considère l’étymologie du terme – c’est le lien. Les individus sont, au départ, seuls, mais ils sont faits pour vivre ensemble. On peut dès lors se demander quelle est la forme de coexistence qui leur permettra d’épanouir au mieux la nature qui est la leur. On peut considérer que, de ce point de vue, le christianisme a fait faillite en ce qu’il a débouché sur une société des égoïsmes, une société qui meurtrit en chaque homme son humanité – la société capitaliste. Il faut donc une autre société. Et cette société, c’est celle que Jaurès identifie au socialisme. On comprend bien que l’individu n’est pas seulement un être qui cherche à manger, se vêtir, consommer... Ce qui fait la nature de l’individu, c’est précisément sa rationalité et sa liberté. Et là on retrouve un idéal encore très présent dans la tradition socialiste contemporaine, celui que l’on trouve déjà chez Descartes : la capacité, la « haute vertu » de l’homme rationaliste, c’est sa générosité. C’est ce que dit Descartes dans le Traité des passions. Ce que dit également Jaurès : « Le capitalisme, c’est l’égoïsme ; le socialisme, c’est la générosité ». Or, qu’est-ce qu’être généreux ? C’est avoir tellement éduqué la liberté en soi qu’on la respecte chez l’autre. Je suis généreux parce que je reconnais en toi la même liberté que celle que j’ai en moi. Si je suis esclave, si je suis quelqu’un qui se soumet, je ne peux reconnaître chez l’autre une quelconque liberté. L’homme généreux, c’est donc aussi celui qui a exercé la raison et qui la reconnaît chez l’autre. Le socialisme de Jaurès, c’est la société des hommes généreux. Ainsi, à l’articulation d’un double paradoxe, le socialisme apparaît-il comme un individualisme et en même temps comme une religion, parce qu’il permet l’organisation collective des libertés individuelles, donnant satisfaction à un mouvement infini de justice qui nous habite et nous dépasse.

M.V. : L’époque dont nous parlons est celle de la « mort de Dieu » et du remplacement de la foi chrétienne par une sorte d’espérance matérialiste – et dont le point commun, j’y insiste, est bien la métaphysique. Dans ce précipité idéologique du début du siècle, Combes s’appuyait sur un triptyque à la fois banal et personnel : Rousseau, dont il retenait l’idée de perfectibilité, Robespierre, dont il conservait religieusement le déisme, et Michelet qui lui fournissait la notion de progrès. Il concluait de son inscription dans cette généalogie philosophique et historique un individualisme proche de celui de Jaurès, autrement dit un individualisme religieux. Vincent Peillon a rappelé l’origine étymologique du religieux, cette objectif de relier les hommes ; c’était le sens même de l’action de Combes. Et s’il souffrait, c’est précisément parce qu’il menait un combat qui passait, pour s’imposer, par la division provisoire des hommes entre eux. Le combat laïque comme étape vers la réconciliation des hommes avec eux-mêmes… Combes – il avait beau le dire et le répéter, on ne le croyait évidemment jamais – ne s’est jamais battu contre la religion, mais contre ce qui la faisait choir. Il était une sorte de chrétien primitif, un chrétien d’avant les chapelles et les cléricatures. En cela, son accord est total avec Jaurès, sur le défaut du christianisme (et singulièrement du catholicisme), incapable de relier les individus dans une société moderne. Or ce n’est pas le besoin de sens qui s’éteint aujourd’hui, tout au contraire. C’est le sens religieux qui ne répond plus aux besoins. C’est toute la désespérance de l’homme moderne, individu esseulé, et c’est aussi, bien sûr, toute sa grandeur. Le politique, par substitution, peut apparaître comme un indicateur de sens. D’où la résurgence, dans les discours, d’une certaine forme de lyrisme ou d’euphorie communicationnelle, qu’atteste l’usage pour le moins excessif d’appels à la solidarité, à la fraternité, à l’humanité. Autant de grands mots qui, même s’ils peuvent parfois sonner creux, sont emprunts d’intemporalité, et qui seront intemporellement compris par les citoyens et les électeurs. Ces mots sont empreints de religieux tout en étant parfaitement républicains ; ils font partie d’un sens commun politique.