Franck Desmedt célèbre Joseph Kessel - Théâtre
Après avoir triomphé dans Adieu Monsieur Haffmann, la pièce de Jean-Philippe Daguerre pour laquelle il obtiendra le Molière du second rôle, puis dans son interprétation du Voyage au bout de la nuit de Céline, puis encore dans la Promesse de l’aube de Romain Gary (qui lui vaudra une autre nomination), Franck Desmedt, l’ardent et entreprenant patron du théâtre de la Huchette, peaufine ses « Seul en scène » avec un hommage aussi vibrant que vibrionnant à ce grand français, fils d’immigrés russes juifs, que fut Joseph Kessel. Le texte, signé Mathieu Rannou (qui en assure également la mise en scène épurée, simple et inventive), a fait ses débuts devant une salle comble, hier au Lucernaire, après avoir été lancé avec grand succès au « Off » d’Avignon.
Céline, Gary, Kessel : peu à peu, un fil rouge finit par préciser l’esthétique et les appétences de Franck Desmedt. Lui que l’on sait urbain, souriant et affable, semble en pincer pour une certaine race d’homme réfractaire, aventureuse, batailleuse, excessive en tout, passionnée toujours. Pour une certaine époque aussi, celle d’avant les communications instantanées, quand le voyage était encore une aventure et l’exact contraire du tourisme sponsorisé. On imagine qu’un Sylvain Tesson aurait aujourd’hui ses faveurs.
Il ne faut pas plus d’une heure et quart à Franck Desmedt pour brosser de Kessel un portrait complet et renvoyer de lui une impression assez épidermique de vérité, presque de réalité. La tonitruance du personnage (songeons seulement à sa tentation de l’ivresse), sa passion de l’aventure, son dédain des honneurs (malgré l’Académie française), sa sensibilité secrète (la relation avec sa mère, le suicide de son frère), son goût du risque qui confine à la fascination pour la mort, tout y est, jusqu’à ses rencontres avec De Gaulle, Pierre Lazareff, Humphrey Bogart ou même Francis Huster – assez plaisamment croqué… Desmedt captive par cette passion qu’il éprouve lui-même à évoquer ce grand passionné, par sa virtuosité, sa diction impeccable, caméléone, son aisance à passer en un mot, un geste, un simple regard parfois, de la gravité à l’humour, et, in fine, par son art de célébrer le théâtre.
Joseph Kessel, La liberté à tout prix
Avec Franck Desmedt
Texte et mise en scène de Mathieu Ranou
Au Lucernaire jusqu'au 7 janvier 2024 / Réserver ici
Shakespeare revu (et surtout corrigé) par Ostermeier : Vanitas vanitatum.
La lande n'est pas seule à être désolée
Très vite, j’ai décidé de prendre le parti d’en rire : je n’avais pas envie de m’entendre grincer des dents trois heures durant. Que Shakespeare, quatre siècles plus tard, n’eût pas reconnu son texte, soit : j’admets et comprends très bien qu’un metteur en scène désireux de laisser sa trace travaille à renouveler et à exhausser l’universalité, donc la possible modernité des grands textes du répertoire. Mais là, franchement, c’est abusé : Shakespeare ne reconnaîtrait pas même son intention. Entre Shakespeare et « d’après Shakespeare » il y a un monde, l’hérésie conduisant ici à lui faire dire n’importe quoi – en l’espèce, ramer sur la vague de fond d’un féminisme de bon aloi et du dégagisme d’ambiance. L’on peut d’ailleurs s’interroger sur la décision d’avoir fait entrer le roi Lear au Français avec ce qui n’en est qu’une relecture.
Cela se voudrait probablement d’avant-garde, au moins à la pointe de la modernité : c’est souvent niais, cacophonique, et finalement assez prétentieux. Et déjà plutôt ringard. Je me souviens de mes premiers concerts de hard rock, au milan des années quatre-vingt dans des petites salles de province, quand des groupes semi-professionnels usaient déjà des mêmes trucages et des mêmes effets criards – à la décharge de ces petits groupes, ils n’étaient pas subventionnés. On a même droit à quelques moments de stand-up, blagues pour émissions de variété dominicales incluses. Mais ce n’est pas en ajoutant des « Merde » et des « Putain » au texte de Shakespeare (huhuhu, on se gausse) qu’on fera la révolution : cela ne donne, au mieux, qu’un attentat raté.
Prendre le parti d’en rire, donc, mais jaune. Car c’est finalement assez triste d’entendre un texte qui vit si peu et vibre si mal, qui délaisse autant la profondeur tragique et métaphysique de ce vieux roi qui, renonçant au pouvoir au profit de ses filles, n’aura pas même à pleurer la mort d’une Cordelia pour ainsi dire inexistante. Comme toujours, Denis Podalydès tire son épingle du jeu car il sait tout faire et, surtout, il pense son texte ; pourtant, lui-même semble parfois se demander ce qu’il fait dans cette galère. Je n’ai pas souvenir, en vingt ans, d’avoir vu une troupe du Français aussi mal fagotée et aussi peu à l’aise avec son corps et sa voix. Ce n’est pas qu’il n’y ait pas de bons moments – en près de trois heures, ce serait un comble –, cette lande désolée qui sert de décor est très belle, certaines audaces sont bienvenues, cela « prend » parfois, c’est seulement qu’on ne peut s’empêcher de trouver tout cela long, vain, et finalement assez suffisant. Encore une fois, la chose se vérifie : dès qu’un artiste croit pouvoir édifier ses contemporains, il ne fait en général qu’alourdir l’air (du temps).
Le roi Lear, Thomas Ostermeier d'après William Shakespeare
À la Comédie française jusqu'au 26 février 2023
Traduction : Olivier Cadiot
Adaptation : Thomas Ostermeier et Elisa Leroy
Mise en scène : Thomas Ostermeier
Tombeau pour un nègre - Théâtre de la Huchette
Il y a quelques années de cela, pour me détendre un peu de la veine romanesque, aussi pour me confronter à d'autres contraintes et forcer quelques réflexes d'écriture, enfin bien sûr par simple envie de jeu et d'amusement, j'ai écrit sans visée particulière cette petite comédie qui, de loin en loin, au gré des rencontres, a donc fini par trouvé un premier aboutissement au fameux Théâtre de la Huchette — là où, sans interruption depuis 1957, se jouent La Cantatrice chauve et Les Chaises de Ionesco. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une mise en scène mais d'une « mise en lecture », donc sans décors, ni costumes ; tout repose sur les comédiens.
Je veux donc ici les remercier très chaudement.
À commencer par Hélène Cohen, qui a accompagné ce projet, m'a guidé et aidé à le mettre sur pied.
Mon ami Claude Aufaure, que j'ai déjà eu maintes fois l'occasion d'applaudir (et à qui, le 1er novembre prochain, la Huchette offre une Carte blanche) ; de même que Bruno Raffaelli, sociétaire de la Comédie-Française, que l'on peut voir actuellement au cinéma dans l'adaptation que Marc Dugain donne d'Eugénie Grandet, le roman de Balzac.
Enfin je suis enfin très heureux que Grégoire Bourbier, Harold Savary et Alain Payen aient rallié ce projet avec un égal enthousiasme.
Rendez-vous, donc, mercredi 13 octobre prochain à 14h30 au 23 rue de la Huchette (Paris Vè).
L'entrée est libre, toutefois il est nécessaire, au regard du nombre de places disponibles, de s'inscrire ; il suffit d'envoyer un mail à la Huchette à cette adresse : huchette.ath@gmail.com
THÉÂTRE : Histoire du soldat, de Ramuz et Stravinsky
Mise en scène : Stéphan Druet Direction musicale : Jean-Luc Tingaud
Chefs d'orchestre : Olivier Dejours et Loïc Olivier (en alternance)
Avec : Claude Aufaure, Licinio Da Silva, Fabian Wolfrom et l'Orchestre-atelier Ostinato
t Jusqu'au 16 juillet au Théâtre de Poche-Montparnasse t
Sitôt que Claude Aufaure, assis sous quelques rameaux derrière une table d'écolier, a ouvert la bouche, sitôt qu'il a fait entrer au pas cadencé la troupe des musiciens et leur chef (ce jour-là le jeune et enthousiaste Loïc Olivier), on sait déjà que c'est gagné. On le sait parce qu'Aufaure n'a pas son pareil pour donner vie à un texte, parce que sa présence, son regard, sa voix illuminent immédiatement l'espace, mais pas seulement. On le sait aussi parce qu'on saisit très vite combien comédiens et musiciens ont su désosser et s'approprier l'étrangeté capricieuse du verbe de Ramuz, et cette sensation troublée, impétueuse, que distille toujours la musique si peu consensuelle de Stravinsky. Ce dont il faut d'emblée les complimenter : la chose n'a pas dû être si aisée.
Inspirée d'un conte d'Afanassiev, Le Soldat déserteur et le Diable (que l'Avant-scène théâtre a la bonne idée de joindre au livret), le texte de Ramuz raconte l'histoire d'un jeune soldat (le doux Fabian Wolfrom) qui, rentrant de la guerre, vend son violon (son âme) au Diable (le frétillant Licinio Da Silva) en échange d'un livre qui pourrait lui apporter la fortune. Ce qui se produira bel et bien mais se paiera fort cher, comme de bien entendu.
Créée dans des conditions particulières, puisque Stravinsky fuyant la révolution russe de 1917 a trouvé refuge en Suisse (là où, donc, il fera la connaissance de Ramuz), la pièce a maintenant un siècle presque jour pour jour. Or ce qui me frappe d'emblée, outre l'ingéniosité de la mise en scène (trois comédiens, sept musiciens et une danseuse dans un espace aussi restreint, c'était une gageure !), c'est son immédiate modernité. La langue de Ramuz, accidentée, espiègle, qui de son temps fut autant admirée que décriée, rapport notamment aux libertés qu'elle prenait avec la syntaxe officielle, épouse à merveille la musique syncopée, sarcastique et pour ainsi dire argotique de Stravinsky, lequel s'amuse à entremêler les genres en déclinant une musique de bâteleurs, timbres populaires mais harmonies mouvementées. Peut-être d'ailleurs la sensation de modernité que j'éprouve est-elle trompeuse et devrais-je seulement parler d'atemporalité. Car c'est bien un continuum humain qui nourrit cette re-visitation du mythe faustien, déployé ici derrière le rideau noir de la guerre et dans les manières d'un théâtre ambulant aux réminiscences parfois médiévales. Je fiche d'ailleurs mon billet que, dans un siècle, texte et musique auront traversé le temps sans le moindre dommage. Sauf à avoir d'ici là réglé le vaste problème de la relation entre la fortune et le bonheur, ou disons de l'être et de l'avoir - ce dont il ne serait pas illégitime de douter, et assez fortement avec ça, le conflit étant niché au coeur de la condition humaine et valant probablement de toute éternité.
Cette étonnante petite troupe parvient donc, en à peine plus d'une heure et sans le moindre temps mort, à nous emmener là où exactement sans doute Ramuz et Stravinsky voulaient nous emmener : dans un temps dont nous avons assurément oublié les manières mais dans un monde dont nous comprenons bien vite à quel point il est resté le nôtre. Humain on ne peut plus, ce monde, soumis au tiraillement entre nos aspirations immédiates et l'absolutisme de nos visions, entre la nécessité de survivre, le goût de vivre et la présence en tout chose d'une poésie qui se dissimule à nous. Si les musiciens jouent parfois un peu fort (mais il est vrai qu'il faut tout de même marier une contrebasse, une clarinette, un basson, un cornet, un trombon et des percussions dans un espace on ne peut plus réduit), ils font montre, outre leur talent, d'un authentique plaisir à se faire les complices de ce mimodrame peu ordinaire. Quant aux comédiens, il n'y a vraiment rien à en redire. Fabian Wolfrom campe avec justesse un soldat un peu candide encore, plein de fougue et de nobles valeurs, les mimiques et les virevoltes de Licinio Da Silva portent sur scène juste ce qu'il faut d'énergie et de drolerie, enfin Claude Aufaure se montre très à son aise pour se faire lyrique avec malice, exciter ce qu'il y a de poétique dans l'émotion aussi bien que nous soutirer un sourire amusé. Une réussite, vous dis-je. t
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THÉÂTRE : Névrotik-Hôtel, de Christian Siméon & Michel Fau
Trame et dialogues : Christian Siméon
Mise en scène : Michel Fau
Avec : Michel Fau et Antoine Kahan
Musiques : Jean-Pierre Stora
Piano : Mathieu El Fassi / Accordéon : Laurent Derache / Violoncelle : Lionel Allemand
Décor : Emmanuel Charles
Lorsque j'ai vu Lady Margaret (Michel Fau), bustier pigeonnant, conquérante, impériale, s'approcher du jeune groom (Antoine Kahan) sur lequel elle avait jeté son dévolu (ou mis le grappin, c'est selon), j'ai songé, comme qui dirait par association d'images, à Lauren Bacall s'asseyant sur les genoux d'Humphrey Bogart dans Le port de l'angoisse. C'est dire si Michel Fau peut être belle ! Mais il est vrai que nous le savions puisqu'il avait donné vie déjà, dans son prodigieux Récital emphatique, à cette diva imprévisible, fragile et sophistiquée que nous retrouvons donc ce soir sur la scène du théâtre des Bouffes du Nord, quoique sous les traits d'une lointaine cousine. Car si le propos n'est pas foncièrement différent - après tout, il s'agit bien de continuer à se jouer des codes et des genres -, la chose, par la grâce d'une "mise en trame" pleine de facétie, œuvre de Christian Siméon, prend ici une tournure plus expressément théâtrale.
Le prétexte est assez simple : une dame d'un certain âge, tyrannique et frivole, capricieuse et hypersensible, s'installe dans la suite couleur rose bonbon d'un hôtel normand, où elle s'entiche d'un jeune groom. Elle attend beaucoup de lui et, fantasque mais avec méthode, lui demande d'entrer chaque jour dans la peau d'un nouveau personnage, victime du syndrome de Stockholm, marin portant haut sa virilité ou chevalier portant cotte de mailles, et de jouer avec elle autant de scènes follement romanesques et effroyablement romantiques. Tout cela en chansons, mais cela va sans dire.
Quitte à passer pour sectaire ou exalté, autant savoir que je ne pourrai jamais dire le moindre mal de Michel Fau, dont je suis grand admirateur - et inconditionnel, avec ça. Car c'est tout de même un bonheur, et un soulagement, que de pouvoir applaudir, dans notre France si fatiguée, si repliée, un comédien aussi libre de ton, d'attitude, de corps et d'esprit. La passion du burlesque et de la bouffonnerie, l'extravagance hilare, l'hénaurme et la folie baroque ne doivent en effet pas nous tromper : Michel Fau prend les choses très au sérieux. Il y a du Molière en lui, qui exacerbe la théâtralité, force le trait, mais qui est toujours mû par quelque chose de profondément enraciné et bien moins gratuit qu'il y paraît. Car je crois, oui, que Michel Fau prend très au sérieux cette tragédie du romantisme. Kitsch de chez kitsch, et même kitschissime, mais parce qu'il perçoit ce qui, dans le kitsch, possède les traits caractéristiques de la maladresse humaine, laquelle est universelle. Je crois le kitsch bien plus pudique qu'on ne le pense couramment. Il est en quelque sorte l'hommage de la pudeur, peut-être de la timidité, au grand show des émotions. Une mise en espace, disons, des dites émotions qui, sinon, seraient tues, rentrées, frustrées. Le kitsch, à l'instar de l'outrance, de la provocation ou du rire gras, est l'exutoire des grands timides, l'expression travestie des grands inadaptés. Ainsi cet expressionnisme décalé, déluré où Fau excelle, est peut-être sa manière à lui de mettre à distance les troubles trop vifs des grandes passions, une façon, épique, hallucinée, de nous rappeler que le rire est peut-être moins le propre de l'homme que celui du monde même. Et qu'il faut bien trouver à rire en ce monde, faute de quoi l'on ne pourrait guère cesser de le pleurer.
Je peux, voyant jouer Michel Fau, rire à m'en étrangler, mais, même sans cela, je ne peux le regarder deux heures durant sans sourire continûment. Un sourire, autrement dit l'expression d'un sentiment de compréhension et de complicité : j'ai toujours cette impression - peut-être trompeuse, car l'affirmation paraîtra un tantinet ronflante - de comprendre ce qu'il cherche à faire. De comprendre à demi-mot ce qui l'amuse et le touche. Et qui n'est autre que l'insatiable comédie des hommes, de leurs moeurs, de leurs manières, ce plaisir jubilatoire à disséquer leur malice teintée d'incomplétude. Il y a du petit polisson chez Michel Fau, mais un petit polisson incorrigible et irrésistible. Qui semble connaître d'instinct, comme Molière donc, les ressorts de la séduction, ses outrances, sa part de jeu, d'excessive dramatisation et d'irrépressible pathos. Dit autrement : c'est en l'exacerbant que Michel Fau fait exploser ce qui vibre en nous.
C'est pourquoi il a tout pour être un grand auteur populaire. Il a le rire facile, celui qu'il éprouvait déjà, déclara-t-il un jour, lorsqu'enfant il regardait Au théâtre ce soir à la télévision. J'en faisais autant, et moi aussi cela me faisait rire. Les histoires de cocus, les séductions outrancières ou intempestives, les quiproquos, les amants planqués dans le placard, la vraie-fausse comédie des sentiments, et jusqu'à la mise en scène des trois coups, tout cela nous fait rire parce qu'on y décèle autant ce qui y est vrai que ce qui est faux, surjoué, délibérément excessif. Mais c'est dans cette exagération même que l'on comprend un peu de ce qui fait l'humanité commune. Dans Névrotik-Hôtel, Michel Fau et Christian Siméon n'hésitent jamais à user et abuser des ressorts éculés des comiques de situation et de répétition, qui ont toujours été pour moi les deux grandes mamelles du rire universel. Et je crois qu'il faut une forme d'intelligence profonde, quelque chose peut-être qui s'apparente à un instinct, pour tirer aussi fortement sur cette corde. Assumer de se jouer des clichés, de tout ce qui sans doute semblera éculé, induit ce type d'intelligence, une intelligence qui tournera à la drôlerie, même à la poilade, puisqu'elle ne fait que dire d'elle-même : "je ne suis pas dupe." Courons donc le risque de la sentence aphoristique : le goût de la dérision masque toujours une certaine gravité.
L'on aurait grandement raison de me dire que Névrotik-Hôtel ne peut se résumer à Michel Fau... Il faudrait donc se demander ce que pourrait être un tel spectacle sans un tel acteur, question d'autant plus difficile que tout ici semble taillé à la mesure du comédien. J'aurai bien alors quelques réserves à formuler : outre que c'est parfois un tout petit peu décousu et que subsistent quelques temps, non pas morts mais au moins un peu amortis, j'aurais aimé que la partition musicale, autour de laquelle le pièce est organisée, soit un peu plus vive ou variée ; quant à Antoine Kahan, s'il ne démérite pas, il faut bien admettre qu'il lui manque sans doute un peu de corps et d'ampleur - à quoi je m'empresse d'ajouter qu'il doit être bien difficile d'être sur scène avec Michel Fau pour seul partenaire. Reste que les deux comédiens peuvent jouer sur le velours de dialogues redoutablement ciselés, et chanter sur des textes un peu inégaux mais toujours facétieux, la majorité étant constituée d'inédits de Michel Rivgauche, parolier bien connu de plusieurs générations de chanteurs - Edith Piaf, notamment, lui doit La foule. Quant à Christian Siméon, il montre une nouvelle fois toute l'étendue de son talent, lui qui sait aussi bien tâter de la légèreté virtuose d'un Woody Allen (dont il a récemment adapté avec grand succès Maris et femmes), que déployer une veine intense et tragique : je pense notamment à Hyènes ou le monologue de Théodore-Frédéric Benoît, pièce d'une grande rudesse et aprêté existentielles, jouée pour la première fois en 1997 par un certain... Michel Fau.
Visiter le site de Christian Siméon
THEATRE : La Maison de Bernarda Alba, de Federico García Lorca
COMEDIE FRANCAISE jusqu'au 25 juillet 2015
- Traduction de Fabrice Melquiot
- Mise en scène de Lilo Baur
- Musique originale de Mich Ochowiak
- Avec : Claude Mathieu (La Servante), Anne Kessler (Angustias), Cécile Brune (Bernarda), Sylvia Bergé (Prudencia), Florence Viala (Marie Josefa), Coraly Zahonero (Magdalena) Elsa Lepoivre (Poncia), Adeline D'Hermy (Adela), Jennifer Decker (Martirio), Claire de la Rüe du Can (Amelia), Elliot Jenicot (Pepe le Romano)
L'entrée de Federico García Lorca au répertoire de la Comédie française, quatre-vingts ans après son assassinat par des milices franquistes, ne doit certainement pas au hasard : outre ce quasi anniversaire, il s'agit de la toute dernière pièce de l'auteur (que jamais il ne verra jouée, ni publiée), et c'est aussi le moyen que Lilo Baur s'est choisie pour témoigner d'un certain obscurcissement des temps. J'ai lu, ici ou là, que la pièce péchait par désuétude autant que par outrance militante : faut-il être bien blasé pour juger ainsi d'un texte qui, certes, ne tait rien de ses intentions, mais que transcendent une grâce et un lyrisme profonds, et une mise en scène qui vaut bien mieux et bien plus qu'un geste partisan. Et quand bien même, s'il ne s'agissait que de témoigner d'une certaine condition féminine, il suffirait de jeter un oeil indolent sur le monde pour constater combien ce témoignage n'a peut-être pas perdu tant que cela de son actualité (fin de la parenthèse).
Chose assez rare, La Maison de Bernarda Alba est un huis-clos entièrement féminin - la présence de l'homme, fût-elle obsessionnelle, n'étant jamais que fantomatique. Bernarda, la matriarche (Cécile Brune, dont j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises déjà de vanter le talent), décide d'observer et de faire observer par ses cinq filles un deuil impitoyable et long de huit ans. Huit ans durant lesquels aucun contact avec aucun homme ne sera autorisé, pas plus qu'aucune sortie : c'est, au pied de la lettre, la réclusion. Un homme pourtant rôde, Pepe le Romano, qui veut prendre pour épouse Angustias (Anne Kessler), la moins jolie mais la mieux argentée de ces filles, tout en étant secrètement amoureux (et aimé) de la cadette, Adela (toujours aussi vive et épatante Adeline D'Hermy). Les passions, les frustrations, les rancoeurs, les jalousies, le désir : tout finira par avoir raison de la folle décision matriarcale.
Dès l'ouverture du rideau, il n'y a aucun doute : ce sera sombre, sépulcral, caustique et, malgré l'Espagne, glacial comme un couvent. Le visage de cette femme hurlant dans la nuit silencieuse, le haut moucharabieh qui mure la scène et derrière lequel on devine parfois le pas lourd des hommes qui s'en vont à la moisson, lapident une jeune femme de leurs muscles noirs ou entonnent des chants qui font entendre plus de martialité que de folklore (éternité du virilisme), tout nous plonge, d'emblée, dans cette vieille et ancestrale Andalousie, avec ses femmes encrêpées de noir, dures à la peine, économes de leurs sentiments, généreuses de leurs rires et de leur franchise.
Toutes sont formidablement caractérisées : le personnage austère et on ne peut plus monolithique de Bernarda ne semble pas encombrer Cécile Brune, qui sait y faire pour y adjoindre quelques nuances, un rien de rictus amusé où l'on pourrait presque, en passant, distinguer une seconde d'attendrissement ; Anne Kessler, la bonne à marier, enlaidie pour les besoins de la cause et sachant donner à son personnage ce petit air de vulgarité gouailleuse que lui confèrent l'argent et la promesse de l'amour (donc de la liberté) ; Coraly Zahonero et Claire de la Ruë du Can, dont la présence soumise sert excellement la composition d'ensemble, et toutes deux d'une discrétion savante ; Jennifer Decker, très juste dans l'interprétation de son personnage un peu ingrat (Martirio), vaguement bossue et, surtout, dépossédée (elle aussi !) de son amour pour le beau Pepe le Roman (Jennifer Decker que j'avais eu la chance de voir la veille même, dans un rôle bien différent puisqu'il s'agissait de celui d'Ophélie, à sa manière une sorte d'anti-Martirio, libérée, exubérante, dans la mise en scène inégale mais brillante de Hamlet par Dan Jemmett) ; Elsa Lepoivre (dont j'avais dit combien elle fut admirable dans Les Trois soeurs, de Tchekov), méconnaissable sous les traits de la vieille et fidèle servante qui n'ignore rien de rien, et surtout pas des secrets de Bernarda, Elsa Lepoivre étonnante de présence, d'humeur et de gouaille, incarnant presque à elle seule l'Espagne éternelle ; et puis, donc, bien sûr, Adeline D'Hermy, qui fait vraiment figure d'étoile montante, avec son timbre identifiable, son coffre, son énergie, son jeu assez physique, l'aisance avec laquelle elle se glisse dans les situations et se joue des tensions, sachant hurler aussi bien que minauder, juger d'un regard que s'effrondrer en pleurs. Une petite réserve, tout de même, qui ne tient d'ailleurs pas à la comédienne : Florence Viala (elle aussi épatante dans Les Trois soeurs) me semble ici jouer à contre-emploi le rôle de la très vieille mère de Bernarda, et j'ai eu l'impression qu'elle se contraignait à en accentuer le ridicule, grossissant les traits d'un personnage au fond sans réelle importance.
On admire, donc, le métier de toutes ces jeunes (et moins jeunes) comédiennes qui, j'en suis sûr, éprouvent bien du plaisir à se sentir évoluer entre elles, femmes parmi les femmes, offrant au public quelque chose qui n'est pas loin d'être un moment de grâce. Elles sont servies, il est vrai, par une mise en scène d'un goût indiscutable : foin de kitsch hispanisant ou de guitare flamenca, tout est richesse et sobriété, et la sombreur magnifiquement mise en lumière. De la scène sourd une tension qui n'exclut pas la dérision ou la drôlerie, comme une ultime politesse du désespoir à la légèreté, et qui achève de donner à cette mise en scène sa beauté fragile et brutale. Le rideau se referme et, en emportant la musique de Mich Ochowiak et ses réminiscences du Dialogue des Carmélites, on se retrouve sur la place Colette avec, certes, du chagrin au coeur, mais aussi beaucoup de joie pour cette compagnie des femmes.
THÉÂTRE : Voyages avec ma tante, de Graham Greene
Adaptation et mise en scène : Nicolas BRIANÇON (d'après la version scénique de Giles Havergal)
Avec : Claude AUFAURE, Jean-Paul BORDES, Dominique DAGUIER, Pierre-Alain LELEU
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Enfant, j'étais ce qu'il convient d'appeler un inconditionnel des Frères Jacques. Et c'est bien à eux que, spontanément et contre toute attente, j'ai pensé, dès les premières secondes de cette formidable adaptation des Voyages avec ma tante. Bien sûr ils sont quatre, bien sûr ils portent tous de beaux chapeaux, et de bien beaux costumes, mais il n'y a pas que cela : c'est surtout l'esprit du fameux quatuor vocal que prolonge ce tout aussi irrésistible quartet composé de Claude Aufaure, Jean-Paul Bordes, Dominique Daguier et Pierre-Alain Leleu. L'esprit : la gaieté poétique, le goût de la satire, cette facétie tellement flagrante, tellement viscérale qu'on pourrait la désigner comme une dimension de l'éthique, et ce grain de jeu et de folie où se niche quelque chose d'une éternelle jeunesse, potache, libre, irrévérencieuse. De la même manière que l'on sait, dès le premier paragraphe d'un roman, que l'on a (ou pas) affaire à un authentique écrivain, on sait, dès les premières secondes de cette pièce, que la réussite sera au bout : dans cette seule manière que ces quatre-là ont d'arriver sur scène et de se saluer (“Comment allez-vous ?”), on comprend que c'est gagné, qu'ils n'auront besoin d'aucun préambule pour nous mettre à leur diapason.
La vie d'Henry Pulling se déroule dans la plus grande sérénité : l'homme jouit de sa juste retraite d'employé de banque sans autre obligation ni tourment que d'avoir à prodiguer des soins à ses dahlias. La crémation de sa mère bouscule pourtant ce paisible édifice, donnant l'occasion (un malheur n'arrive jamais seul) à Tante Augusta de débouler dans sa vie et de la mettre sens dessus dessous. Où l'on retrouve ici un Claude Aufaure évidemment souverain, et décidément très à son aise avec la rombière anglaise - on se souvient de son récent triomphe dans le rôle de Lady Bracknell, le personnage principal de L'importance d'être sérieux, d'Oscar Wilde. Le personnage de Tante Augusta est aussi délicieux que fourbe, aussi autoritaire que larmoyant, et cette impertinente qui minaude plus souvent qu'à son tour n'a jamais rien contre quelques grivoiseries - pour peu que cela fût en dressant l'auriculaire. Aufaure excelle à donner une vitalité de tous les diables à cette vipère sournoise, il est parfait pour pasticher ses simagrées, incomparable pour railler les vraies-fausses misères d'une aristocrate qui a tout du dindon de la farce, et impeccable lorsqu'il s'agit de lui conférer un vernis de moralité, de lui faire pousser des hauts-le-coeur, de s'agacer des autres ou de se morfondre sur son sort.
Mais c'est bien d'un groupe qu'il s'agit, et ce qui frappe, d'emblée, c'est le lien entre ces quatre comédiens, la densité très profonde de leur complicité. Jean-Paul Bordes en teenager indolente et junkie sur une banquette de train ou en baroudeur latino-américain plus ou moins affidé de la CIA (pour le coup, j'ai plutôt pensé à Tintin et les Picaros, où il aurait fait un fameux Général Tapioca) ; Dominique Daguier, très imposant en improbable amant d'Augusta (laquelle est surtout folle d'un certain Visconti, gredin de première) ou dans le rôle de ce domestique noir répondant au nom, follement romantique, de Wordsworth ; Paul Alain-Leleu en mauvais flic de série B (et en préposé aux bruitages, à l'affection canine et au grincement de perroquet...) : tous sont absolument prodigieux de vitalité, de constance et de nuance, et leur plasticité, leur aisance à passer d'un rôle à l'autre ne peut que soulever l'enthousiasme. Car ne nous y trompons pas : nous avons ici affaire à un théâtre éminemment technique, millimétré, où le comique réside autant dans le détail, la minutie du déplacement, de la pantomime ou de la composition, que dans la vivacité des scènes ou des répliques.
Reste que ces quatre comédiens, aussi accomplis soient-ils, auraient bien pu, après tout, ne pas suffire à faire d'une telle réussite un authentique exploit. C'est là qu'il faut souligner le brio et l'intelligence du travail de Nicolas Briançon, qui a su, avec trois bouts de ficelle (en l'occurrence, quatre chaises, un fond de décor épuré et quelques éclairages très malins), donner à la pièce une impétuosité, une fringance absolument remarquables. Et si tout est vif, s'il n'y a ni excès, ni temps morts, l'on ne peut qu'applaudir à cette manière presque maniaque de maîtriser le tempo ; à cette aune, les quelques très brefs interludes dansés, dont certains ne sont pas sans évoquer le music-hall, constituent des respirations pleines d'humeur et de sens : quelques pas, quelques pirouettes, et nous voilà projetés au Paraguay, à Paris, Istanbul, Buenos Aires ou Brighton. L'économie de moyens va de pair avec une profusion de trouvailles, et vraiment c'est un bonheur que de pouvoir applaudir à autant de liberté et d'ingéniosité.
Voyages avec ma tante est, de l'aveu même de Graham Greene, un “amusement“. Mais, relève-t-il à la suite de l'appréciation d'un critique, il s'agit aussi d'une façon de “rire au bord du gouffre”. C'est qu'il s'agit bien d'évoquer en riant la vieillesse, la mort et ce que l'on en fait ; à quoi il faut ajouter que l'auteur porte un regard, certes drolatique mais acéré, sur un certain exotisme tendance colonialiste, et sur ces dictatures très latines qui permirent à quelques nervis nazis de se refaire une santé. Et le fait est que, si la pièce est incontestablement une comédie, elle réalise cet autre exploit de nous laisser repartir avec la sensation douce-amère d'une certaine poésie, d'une certaine nostalgie, en tout cas d'une désuétude élégante et légère : le sentiment que, derrière la raillerie, derrière le cocasse et la cabriole, affleure une sorte de compassion pour ces êtres à l'histoire névrotique, qui puisent dans les vertus de l'action, du voyage, du jeu social et même de leurs petites manies, une profonde aspiration à la vie. Ce qu'incarnent à la perfection ces quatres merveilleux comédiens, dont on ne se lasse pas d'applaudir la folle jeunesse.
Théâtre de la Pépinière
2, rue Louis Le Grand - Paris 2è
Du mardi au samedi à 19 heures
THEATRE : Antigone, de Jean Anouilh
Comédie française, salle Richelieu
Texte : Jean Anouilh
Mise en scène : Marc Paquien
Avec : Françoise Gillard (Antigone), Bruno Raffaeli (Créon), Véronique Vella (la Nourrice), Clotilde de Bayser (le Choeur), Nicolas Lormeau (le Garde), Benjamin Jungers (le Messager), Stéphane Varupenne (le Garde), Nâzim Boudjenah (Hémon - en alternance), Marion Malenfant (Ismène - en alternance), Pierre Hancisse (Hémon - en alternance), Claire de la Rüe du Can (Ismène - en alternance), Laurent Cogez (Troisième garde), Carine Goron (le Page), Lucas Hérault (Deuxième garde)
Tout le suc du Tragique est là, n'est-ce pas : il est atemporel. Mais s'il n'a pas d'époque, il est d'un lieu : la Terre. Car il faut être un humain pour la fomenter, cette vision d'un monde sans rémission, et pour l'inventer, cette âme condamnée à des forces supérieures. Le Tragique justifie tout : on ne s'y livre pas, c'est lui qui nous livre. Aux vivants, et d'abord à nous-mêmes. Ce pourquoi sans doute il est à la fois une espèce de cosmogonie et de terreau pour le plus farouche des individualismes.
Lorsque Anouilh reprend et s'approprie le texte de Sophocle, c'est avec, en bruit de fond, le pas des bottes nazies : Antigone incarnera, que cela soit ou pas compris de ses contemporains, une figure possible pour la Résistance. Or, à chaque époque ses résonances : je ne saurai dire ici ce dont Marc Paquien voulait témoigner en mettant en scène la pièce d'Anouilh, mais force est de constater que celle-ci n'a rien perdu de son actualité, tandis que l'Etat moderne, architecte des libertés publiques, prend parfois, dans le prolongement du XXe siècle et le sillage de l'hyper-puissante économie, les traits d'un fossoyeur des libertés individuelles.
La profonde aspiration poétique qui se niche en tout individu est étranglée par les intérêts supérieurs spirituels ou temporels, le caractère implacablement singulier du destin est nié par les gros bras de l'autorité : voilà ce que hurlent toutes les Antigone du monde, voilà ce que clame l'individu sur-intégré des sociétés développées du XXIe siècle. La poésie s'est dégradée en slam, la musique en jingles, la littérature en best-seller, la polis en politique et le sentiment de transcendance en cléricalisme : ainsi pourrait-on schématiser le mal-être de ceux qui vivent consciemment dans l'époque. Le minimalisme de la mise en scène de Marc Paquien constitue peut-être un écho à ce monde devenu froid et fonctionnel, tout comme la scène (rude, saisissante) sur laquelle s'ouvre et se conclut identiquement la pièce : ces personnages figés, tétanisés dans leur image, sorte de musée Grévin des vivants - où l'on songe aussi à tel ou tel tableau d'Edward Hopper. Reste que cette épure m'aura laissé un peu... froid. Si elle dit bien le caractère immuable des choses, elle condamne aussi la pièce à une sorte de linéarité, comme si cela empêchait d'entrer en résonance avec ce qui, chez les personnages, dans leurs sensations comme dans leurs intentions, change, évolue, progresse. Il en va de même des costumes : s'il est entendu que les personnages de la tragédie sont toujours, peu ou prou, des prototypes, presque des stéréotypes, cela manque tout de même d'un peu de liberté (le roi Créon en costard cravate, bon, soit...). Disons que c'est peut-être un peu mécanique, et que la distribution des rôles et des fonctions aurait pu être traitée avec un peu moins de rigorisme : la tragédie des hommes ne fait pas plus le vêtement que celui-ci ne fait le moine. Aussi me suis-je demandé si Marc Paquien n'avait pas parfois un peu hésité entre deux registres, comme s'il n'avait pas tout à fait réussi à trancher entre le respect de la tradition et le dérèglement des usages. Il en va de même du jeu des comédiens - qui tous, inutile d'y insister, font preuve de talent. Certains gestes, certaines attitudes corroborent ce que je crois donc percevoir comme une hésitation de la mise en scène ; c'est à la fois empreint de classicisme et de fulgurance, de didactisme et de débordement, de fidélité à une tradition et de velléité de s'en émanciper. Cela ne tient certes qu'à des détails, mais ils infusent, et, comme par volutes, renvoient de la pièce une idée ou une image peut-être un peu incertaine, ou tremblante. Ce qui n'interdit pas les moments de grâce, bien sûr, au nombre desquels la confrontation entre Antigone (Florence Gillard) et Créon (Bruno Raffaeli), fermes et fragiles à leur manière, intraitables et délicats, inaccessibles l'un à l'autre mais complices dans ce qui les désunit.
Il ne s'agit évidemment pas d'entrer dans le détail du jeu des comédiens, tous très impliqués, même s'il est naturel que chacun ait ses préférences. Je résumerai mon sentiment en disant que s'il est délibéré que nous soyons d'emblée pris à partie, nous le sommes peut-être trop vite, trop tôt, trop durement. Moyennant quoi, je n'ai guère changé de disposition, tout du long de la pièce : les choses en moi étaient tout de suite déjà jouées, nouées, tranchées. J'admire l'énergie et la radicalité du jeu de Florence Gillard, mais je me dis qu'en partant de si haut, de si fort, il a manqué une progression, parfois peut-être d'un peu d'ambiguïté ; j'admire les accès d'autoritarisme de Bruno Raffaeli et la tension qu'il imprime à son regard dans ses moments d'esseulement, mais parfois il m'a semblé comme empêtré avec lui-même, comme si son costume l'engonçait ou bridait son corps ; j'admire cette manière très forte, caustique et débraillée, grave et sarcastique, qu'a Clotilde de Bayser d'incarner, seule, le Choeur, mais je n'ai pas pu non plus ne pas éprouver une sorte de décalage, quelque chose d'un peu à contre-temps. Ce sont là, très certainement, des choix de mise en scène, et je peux bien les comprendre ; mais disons que, si je reste avec cette belle et forte image de Thèbes endeuillée, de ce groupe pétrifié dans l'histoire et par l'accomplissement du destin, il m'a parfois manqué, donc, un certain saisissement.
THEATRE : Demain il fera jour, de Henry de Montherlant
Texte : Henry de Montherlant
Mise en scène : Michel Fau
Avec : Michel Fau (Georges Carrion), Léa Drucker (Marie Sandoval), Loïc Mobihan (Gilles Sandoval - "Gillou"), Roman Girelli (un messager)
C'était une belle idée. Montherlant, un peu délaissé aujourd'hui, fut de son vivant l'objet d'une admiration très vive, et cette pièce, qui frôla l'interdiction lors de sa création au théâtre Mogador en 1949, n'avait, depuis, jamais été rejouée : il n'en fallait pas davantage à Michel Fau, dont on connaît l'indifférence aux modes et l'aisance à naviguer à contre-courant, pour s'en emparer. Prenant pour décor un intérieur bourgeois mais spartiate, et pour période le mois de juin 1944, Montherlant y déroule avec une certaine causticité, voire crudité, les troubles de l'époque et ses contorsions psychologiques, familiales, politiques ou spirituelles. Mais il le fait à la manière de Montherlant, c'est-à-dire avec lyrisme et dans un souffle qu'inspire souvent la tragédie antique.
Georges Carrion (Michel Fau) refuse que Gillou (Loïc Mobihan), son fils bâtard, rejoigne la Résistance à quelques semaines de la fin de la guerre, arguant de l'ineptie et du danger d'un tel désir. La mère de Gillou (Léa Drucker, alias Marie Sandoval), témoigne d'un amour un peu hystérique pour lui, finalement le seul homme de sa vie. Mais les choses vont s'inverser, pour des motifs dont on comprend bien vite qu'ils ne doivent pas grand-chose à la vie de famille, la responsabilité parentale ou le sens de l'honneur. On retrouve ici bien des thèmes ordinaires de l'oeuvre de Montherlant, l'ambiguité fondamentale nichée dans les consciences individuelles, les mobiles cachés ou secrets de nos actes, et toutes ces questions tournant autour de l'honneur, du courage et de la lâcheté.
C'était une belle idée, donc. Mais quelque chose ne fonctionne pas. On n'y croit pas. Dès la première scène, il y a quelque chose de figé, de froid, d'excessivement sépulcral, et cela nous touche assez peu - d'où, peut-être, ces rires forcés dans la salle, toujours pénibles, même si je sais bien qu'il y a toujours des cons pour rire de tout et trop fort ; et puis, franchement, pour rire à gorge déployée sur un texte de Montherlant, il faut tout de même avoir avalé des pastilles hallucinogènes. Bref. Michel Fau est un comédien de très grand talent, la chose n'est pas discutable, mais, ici, c'est comme s'il se sous-employait lui-même. Il a une gueule, une présence, un regard, bien sûr, il en impose, mais on dirait qu'il n'y croit qu'à moitié - même son salut final au public semble contraint. Et lui qui sait si bien se jouer des situations ambiguës manque ici, bizarrement, de duplicité, de perversité, de jeu. La même remarque vaut, mais de manière plus dommageable, pour Léa Drucker, dont l'interprétation souffre d'un je ne sais quoi de scolaire, d'une diction sur-articulée qui n'aurait pas fait tache dans les salons de Louis XIV (moi qui me plains souvent, au cinéma, que les jeunes acteurs manquent de diction...), d'un timbre qui trop rarement varie ; le plus pénible étant les quelques monologues de son personnage de mère, dont on dirait qu'elle cherche à le jouer comme dans une pièce de Duras - ou plutôt comme dans la parodie d'une pièce de Duras. Sans doute ne démérite-t-elle pas complètement et est-elle plus convaincante lorsqu'elle se tourne vers Gillou, mais, tout de même, je la crois mieux taillée pour la comédie que pour le drame. Disons qu'elle semble manquer d'inspiration, qu'elle joue comme on a tant joué déjà ; et pourquoi pas, d'ailleurs, on ne demande pas forcément à un comédien de faire du neuf, mais son jeu est ici trop marqué, trop massif, trop attendu, et je persiste à penser qu'elle joue d'un seul et même bloc un personnage qui, certes, n'est pas exempt (à dessein) de traits caricaturaux, mais qui laisse aussi un peu d'espace pour ménager quelques effets ou nuances.
Sans doute avec l'excellente intention d'exhausser le caractère peu ou prou antique du drame, Michel Fau donne à cette mise en scène un tour étrangement académique, auquel il manque donc un transport, un engagement, une implication. On ne parvient pas à se défaire de cette impression que les choses avancent de façon trop mécanique, comme s'il s'agissait de répondre aux canons esthétiques d'une école - ce qui est d'autant plus troublant que Michel Fau n'est pas réputé pour transiger sur sa liberté. C'est pourquoi l'esquisse de folie qui peu à peu saisit les deux principaux personnages ne parvient pas à se défaire d'un tropisme vaguement esthétique : trop de tenue, peut-être, et pas assez de sueur. Ce qui m'a manqué surtout, je crois, c'est une sensation de graduation ; psychologiquement, ce ne sont que retournements, revirements, volte-face, alors que les mots, les attitudes, les timbres, exigeaient quelque chose de plus progressif ; j'aurais préféré que l'on fasse venir les mouvements de l'âme, plutôt que de les voir virevolter sans crier gare. Le potentiel hystérique était là déjà, dans le texte, dans la trame, en rajouter a peut-être fait trébucher l'ensemble, qui pâtit donc d'un défaut de suggestivité. Du coup, on ne croit pas à cet avocat misanthrope et, à sa façon, perdu, qui soudain délaisse son autoritarisme naturel pour s'écrouler en pleurs, pas plus qu'on ne croit à cette femme redevenue maîtresse d'elle-même après avoir, l'instant d'avant, hurlé son angoisse de mère. Une mise en scène un petit peu décevante, donc, et quoi qu'il m'en coûte d'avoir à manifester une réserve alors que l'intention, et l'affiche, étaient si bonnes.
Demain il fera jour, de Henry de Montherlant
Théâtre de l'Oeuvre (site)
THEATRE : A tort et à raison, de Ronald Harwood
Texte : Ronald Harwood
Mise en scène : Dominique Hollier
Avec : Francis Lombrail (Steve Arnold), Jean-Pol Dubois (Wilhem Furtwängler), Thomas Cousseau (Helmuth Rode), Odile Roire (Tamara Sachs), Guillaume Bienvenu (David Wills), Jeanne Cremer (Emmi Straube)
Il reste peu de temps, aussi ne tardez pas : courez au Théâtre Rive-Gauche et, toutes affaires cessantes, allez applaudir la pièce de Ronald Harwood, A tort et à raison, qui s'attache à entrer dans ce moment si particulier et si douloureux dans la vie de Wilhem Furtwängler, considéré aujourd'hui encore comme l'un des plus grands, si ce n'est le plus grand chef d'orchestre qu'ait jamais connu la musique classique occidentale. Une figure exceptionnelle, donc, c'est-à-dire sujette à controverse, et, en l'espèce, à calomnie. Le texte se circonscrit lui-même à ce moment précis où le chef d'orchestre est interrogé par un officier américain, Steve Arnold, en vue de la préparation de son "procès en dénazification."
Venez prendre parti ! est-il péremptoirement inscrit sur les cartons publicitaires et les affiches du spectacle. Afin de nous y aider, le théâtre Rive Gauche propose aux spectacteurs une sorte de tombola, un "grand jeu exclusif" pour départager qui, de l'officier américain ou du chef d'orchestre est le vainqueur, et de remporter "un vol aller-retour Paris / Jérusalem pour deux personnes". L'initiative est, au bas mot, déplacée, même s'il est vrai que nous sommes depuis longtemps vaccinés contre l'immoralité du marketing.
Prendre parti, donc ? Mais l'histoire, les historiens, et plus encore la Justice, ont rendu leur verdict depuis belle lurette : non seulement Furtwängler a été lavé de tout ce dont on l'accusait, mais, mieux que cela, des témoignages et des preuves par centaines ont été apportés de son opposition au régime nazi, de ses liens avec la résistance allemande, des mille et un stratagèmes qu'il imagina quotidiennement pour ne pas être en position de s'abaisser à honorer le pouvoir, des sommes d'argent qu'il adressait à ses amis juifs en exil et des multiples démarches qu'il entreprit, dès 1933, pour sauver des adversaires du régime naissant - des Juifs bien sûr, des sociaux-démocrates, des communistes, d'autres encore. Sans doute le problème vient-il du fait que ces actes n'avaient pas pour lui de signification proprement politique au sens très étroit ou partisan du terme, mais une signification plus grande à ses yeux, c'est-à-dire humaniste et spirituelle, au-delà du dégoût immédiat que lui inspirait le nazisme depuis son émergence. Ce désintérêt, ou plutôt cette relative indifférence au politique, n'est certainement pas étrangère aux soupçons rémanents qu'il eut à essuyer. Comme dans la chanson, on peut dire de Furtwängler qu'il avait deux amours : son pays et la musique. Or c'est précisément cet amour de l'Allemagne qui conduira Hitler, lequel le considérait, et bien avant 1933, comme le plus grand des chefs d'orchestre, à vouloir utiliser à son profit et à celui du Reich la gloire internationale de l'artiste. Et c'est précisément au nom de son patriotisme, que Furtwängler refusa de quitter le pays, considérant que celui qui l'aimait devait y être fidèle, et que c'est en son sein, et non hors de ses frontières, qu'il fallait résister. Cet acharnement à vouloir rester en Allemagne sera souvent mal compris ; il quitta le pays, pourtant, forcé et contraint, après avoir été prévenu par la doctoresse de la femme d'Himmler, le docteur Richter, qu'Himmler était sur le point de le faire arrêter par les SS. Il faut dire qu'il était soupçonné d'avoir pris part à l'organisation de l'attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler - ce ne fut pas le cas, mais, en effet, il avait connaissance de sa préparation.
Il serait trop long ici d'entrer dans les détails de la vie de Wilhem Furtwängler entre 1933 et 1946, ce qui n'est d'ailleurs pas l'objet de ce petit article. Mais j'avoue avoir été gêné par cette invitation très ludique à "prendre parti", et par certains articles de presse qui, non sans légèreté, convient les spectateurs à se faire leur propre idée - ah, le fameux esprit critique de la démocratie participative ! Pour ma part, je considére qu'il y a là une sorte de faute morale à vouloir poursuivre cette discussion, qui a pour effet d'entretenir un doute dont on sait depuis soixante ans qu'il n'a plus aucune raison d'être, et de salir la mémoire d'un homme dont ont été prouvées, non seulement la parfaite innocence, mais l'intelligence et l'efficacité d'une certaine forme d'engagement.
Le propos de Ronald Harwood ne souffre d'ailleurs pas la moindre ambiguité. Et si, pour les besoins de la dramaturgie, il donne parfois le dessus à l'officier américain, c'est pour mieux accentuer le contraste et exhausser la noblesse du chef d'orchestre, son trouble, sa douleur et son humiliation. Bref, pour tous les Allemands (nazis compris, donc), Furtwängler incarne une large part du génie national, et c'est bien cette part qu'Hitler va s'acharner à vouloir avilir et récupérer. Cela durera longtemps (trop longtemps, aux yeux de l'accusation), et c'est une calomnie organisée de chaque instant à laquelle Furtwängler devra faire face, sans toujours pouvoir y parvenir. Ceux qui s'intéressent à ce cas si particulier trouveront sur le sujet maints témoignages et ouvrages de référence.
***
Revenons, donc, à la pièce en elle-même. Dominique Hollier, que j'avais déjà vu mettre en scène une autre pièce remarquable de Ronald Harwood, L'habilleur (où Claude Aufaure et Laurent Terzieff excellaient), a ici fait le choix d'un décor très conventionnel, presque académique, dirons-nous : un officier à sa table, un adjoint à ses côtés, sa secrétaire derrière un petit bureau, rien de plus. A cette aune, rien de spécialement remarquable. Non, ce qui l'est en revanche, et ô combien, c'est le jeu et le travail époustouflants de Francis Lombrail (l'officier américain) et de Jean-Pol Dubois (le chef d'orchestre). De son personnage d'officier sûr de son bon droit (au prétexte qu'il a contribué à ouvrir les portes des camps et qu'il a respiré la pestilence des charniers), Francis Lombrail montre aussi toute l'ambiguïté morale. Sa détestation, pour ainsi sa haine, authentiques, du nazisme et des nazis, le conduit à une obsession de la vérité qui est aussi la limite, à tout le moins le talon d'Achille des démocraties victorieuses. Car cette obsession finit chez cet officier par tourner à l'idéologie, c'est-à-dire aussi, et paradoxalement, au refus de la vérité. Dopée par une intention morale indiscutable, la soif d'épuration dont il est, avec tant d'autres, saisi, le conduit à s'aveugler lui-même et à refuser jusqu'aux manifestations les plus tangibles de la vérité. A ce jeu, Francis Lombrail incarne à la perfection ce militaire qui sait être à la fois brutal et mielleux, fiévreux, colérique, emporté, mais toujours malin, intelligent, de cette intelligence des situations où réside peut-être aussi le génie américain, qui ne se paye pas de mots. Il y a chez Lombrail un je ne sais quoi de fougueux, une forme d'énergie dans le regard qui contamine l'espace, et confère à son personnage une autorité supérieure encore à celle des attributs militaires de son personnage, supérieure à cette forme d'arrogance morale des vainqueurs qui confine au sentiment de supériorité. Ce personnage d'officier n'est en pas moins touchant, car rien n'est feint, dans sa quête obstinée. Il croit, non pas tant en lui, qu'à la morale nouvelle qui pourrait émerger de la découverte de l'horreur ; il croit à la légitimité, au bien-fondé, à la puissance de ce qui pourrait naître une fois que le ménage aura été fait. Sous ses dehors souvent bruts, il y a un acte qui aspire à la morale, et cela, cette sensation complexe, Francis Lombrail en a tout compris.
Et puis, bien sûr, il y a Jean-Pol Dubois, dont la profondeur et la souveraineté du jeu impressionnent énormément. Le comédien a complétement intériorisé ce que l'on sait de l'homme Furtwängler, du dilemme moral où le tenaient son amour de l'Allemagne, son sens du devoir, cet idéal spirituel qu'il ne voulait et ne pouvait exprimer que par la musique, ce sens ultime, même, qu'il lui conférait, et cette droiture, cette attitude qui est à la fois de retrait vis-à-vis du monde et de compassion à son endroit. Le discours de Furtwängler est, et demeure, pour toute société constituée, pour toute société politique, assez inaudible : en gros, l'art et la politique ne doivent jamais se rencontrer. Les Etats, quels qu'ils soient, ont toujours tout mis en oeuvre, non pas forcément pour avoir les artistes à leur botte, mais pour les inclure à eux-mêmes, les incorporer, les utiliser comme relais de ce qu'ils juge(aie)nt bon. Nombre d'artistes ne sont pas contre d'ailleurs, que l'on voit courir de tribunes en plateaux, de meetings en studios, qui pour dire ce qu'il pense du cours du monde, qui pour soutenir tel ou telle, qui pour s'offusquer de, qui pour dénoncer. Il n'y a sans doute pas, en l'espèce, de bonne ou de mauvaise attitude, libre à chacun de s'accorder avec soi-même. Ce qui est vrai en revanche, c'est que les peuples pardonnent impulsivement avec beaucoup plus de facilité à celui qui sera sorti de son art pour se mêler du monde qu'à celui qui ne souhaite ou ne s'autorise pas à dire autre chose au monde que ce que dit son art. Sans doute aussi est-ce là un motif des procès faits à Furtwängler, que d'aucuns auraient donc préféré voir quitter l'Allemagne et se réfugier aux Etats-Unis plutôt que de rester chez lui et se confronter à ce qui, on le sait par ses courriers et ses carnets, lui faisait horreur. C'est toute cette profondeur que l'on voit dans le regard de Jean-Pol Dubois, que l'on entend dans sa voix parfois au bord du craquement, dans son souffle que la colère sait rendre court, et dans cette attitude du corps, toujours noble, indifférente à la vulgarité du procureur, sourde à ses revendications d'inculture, attitude de poigne, donc, autant que de fragilité, de tenue autant que d'abandon.
Si j'ai pu, par moments, trouver la première partie un tout petit peu didactique (et en même temps, comment faire autrement ?), A tort et à raison est transcendée par ces deux comédiens hors-pair, fort bien secondés par Jeanne Cremer, Odile Roire, Guilaume Bienvenu et Thomas Cousseau - qui ne déméritent jamais dans leurs seconds rôles, même si, bien entendu, ce n'est pas d'eux, et c'est ingrat sans doute, que le spectateur se souviendra. Un beau et grand moment de théâtre, donc, loin des manichéismes du temps. Et vous emporterez avec vous le superbe Deuxième mouvement, adagio, de la 7ème Symphonie d'Anton Bruckner, dirigée par Wilhem Furtwängler, que les nazis diffusèrent à la radio le 30 avril 1945, juste après l'annonce du suicide d'Adolf Hitler.
A tort et à raison, de Ronald Harwood
Au théâtre Rive Gauche jusqu'au 27 avril 2013.