Nightwish - Bercy, 25 novembre 2015
C'est les godillots largement crottés qu'enfin nous parvenons jusqu'à la fosse, après quarante-cinq minutes à patauger dans la boue du parc attenant au Palais Omnisport de Bercy - vilainement rebaptisé AccorHotel Arena en septembre dernier : filtrage et sécurité ont été largement revus à la hausse depuis ce 13 novembre qui a ensangloté la France (suivant le joli lapsus du Président de la République), et le circuit, que dis-je l'expédition pour accéder à la scène est ce soir un tantinet plus compliquée que d'ordinaire - ce que chacun admet sans rechigner, est-ce bien utile de le préciser. Bon, pas de quoi décourager un authentique metalleux, lequel, par définition, en a vu d'autres. Et puis Nightwish, ça se mérite : monstre sacré du metal symphonique, monument national finlandais, le groupe a, au fil des ans, réussi à séduire deux générations de hardos aguerris de par le monde. À quoi il faut ajouter un huitième album, Endless Forms Most Beautiful (formule dénichée dans L'Origine des Espèces, de Darwin), assez joliment réussi.
Je ne dirai rien de la prestation d'Amorphis, manquée pour cause de barbotage dans la gadoue (cf. supra), et très peu de la prestation d'Arch Enemy, largement entamée au moment où nous entrons dans l'arène. Si ce n'est pour dire que le groupe est gaillardement emmené par une Alissa White-Gluz qui, outre sa belle et quasi turquoise chevelure, a pour elle d'être canadienne et de s'exprimer en français. Pour ce qui est de la musique, c'est musclé, ça joue vite, lourd et sauvagement binaire - j'avais d'ailleurs été un peu surpris d'apprendre qu'Arch Enemy ouvrait le set de Nightwish. Mais s'il s'agit en effet de death mélodique, la qualité du son, passable, nous aura surtout donné à profiter des aptitudes gutturales de la belle - dont tout le monde saluera au passage la présence scénique. Pas un truc à écouter pour se détendre dans son bain en lisant Julien Gracq (par exemple), mais ce n'était pas désagréable ; et puis, précisément, ça permet de nous y plonger, dans le bain - mais d'eau froide.
En ouverture de leur set, et c'est heureux, Nightwish joue la rupture en délaissant les sempiternelles intros pré-enregistrées, grincements sordides, nappes frénétiques, rires carnassiers et autres choeurs à la Verdi dont sont friands nombre de ses confrères, et, ô joie sans partage, démarre sur les chapeaux de roue avec avec l'excellent(issime) Shudder Before the Beautiful, entame hypnotique du dernier album. Lequel y passera d'ailleurs dans sa presque totalité - je regretterai seulement l'absence du charmant(issime) Edema Ruth, sur le refrain duquel la foule aurait assurément gazouillé et headbangé à l'unisson.
J'aime chez Nighwish deux registres distincts, la sombreur metallesque autant que l'entrain tubesque. On est content d'ailleurs de constater que les deux conviennent parfaitement à Floor Jansen, laquelle m'aura agréablement surpris : non seulement elle parvient, nonobstant une carrure de costaude et un mètre quatre-vingt-trois (sans talons) à faire preuve d'une certaine grâce dans le sourire et l'attitude corporelle, mais c'est une vraie bonne chanteuse de metal - peut-être pas le charisme et la profondeur de voix d'une Tarja, sans doute, mais enfin il faut savoir tourner la page. Une idée, pour la Floor : peut-être user un peu plus des graves, qui, je trouve, lui vont très bien.
Pour ce qui est du show lui-même, il n'y a pas grand-chose à en dire, si ce n'est qu'il ne diffère guère des centaines de vidéos du groupe en concert que l'on trouve sur Internet. Marco Hietala, qui a tout pour lui et passe pour un excellent frontman m'a semblé un peu en retrait ; de même que l'esthétique globale, ce soir un peu éloignée de leur registre peu ou prou celtique, n'aura laissé que peu de latitude à la cornemuse et à la flûte irlandaise de Troy Donockley. Pas de regrets pour autant, non, mais j'aurais espéré quelque chose d'un peu moins millimétré, un peu plus ouvert à l'aléa - à l'ancienne dirai-je, du temps que l'on pouvait humer la fumette, la barbaque et la sueur. Mais il est vrai que c'est là une tendance générale, spécialement dans ce type de très grande salle : la profusion de technologies, artifices, lasers et autres fumigènes, si elle donne un tour peu ou prou féérique au spectacle, limite aussi la prise de risque. Et puis il y a le son qui, à Bercy, depuis deux ou trois ans, ne me semble plus tout à fait aussi abouti qu'avant : cela sature un peu de tous les côtés, et la balance est tout de même un peu approximative, la section rythmique - notamment la batterie - étant souvent bien trop poussée.
Nightwish conclue le concert comme sur l'album, avec The Greatest Show on Earth. Un peu longuet en studio, heureusement un peu raccourci pour la scène, ce n'est quand même pas le meilleur de Nightwish, qui s'emberlificote dans des plages symphoniques orchestrales un peu vaines - sans parler d'un visuel parfois un peu abstrait. Mais je m'en fiche : juste avant, j'ai eu droit à The Last Ride of the Day, et rien que pour cela je serais allé les voir - et les applaudir.
Peut-être pas la folie des grands jours, donc, mais je ne ferai pas la fine bouche. Et puis, derrière le lyrisme toujours majestueux de leur musique, il y a toujours chez Nightwish quelque chose de festif et de très bon enfant. Et si c'est parfois un peu répétitif, parfois un peu propret, cela n'enlève rien au fait que je possède tous leurs albums, que je les écoute régulièrement, et que j'étais surtout bien heureux de pouvoir leur témoigner ma fidélité - leur excellence seule, depuis bientôt vingt ans, attisant mes attentes... t
- Shudder Before the Beautiful
- Your Is an Empty Hope
- Ever Dream
- Whismaster
- My Walden
- While Your Lips Are Still Red
- Elan
- Weak Fantasy
- 7 Days to the Wolves
- Alpenglow
- Storytime
- Nemo
- Stargazers
- Sleeping Sun
- Ghost Love Score
- The Last Ride of the Day
- The Greatest Show on Earth
Hubert-Félix Thiéfaine fait oublier Bob Dylan (+ extraits vidéo)
Palais Omnisports de Paris-Bercy - samedi 22 octobre 2011
Je perçois bien ce que le titre de cette note d'après-concert pourrait avoir de vaguement sacrilège. Comment ? L'icône de la protest song, celui dont on s'est plu récemment à faire courir le nom pour l'attribution du Nobel de littérature, Bob Dylan, donc, éclipsé par Hubert-Félix Thiéfaine, illustre Français méconnu, incorrigible amateur de cancoillotte et chantre repenti de la Ganja ? C'est que le passage de "HFT" au Palais Omnisport de Bercy, ce samedi, ne souffre aucune comparaison : au Bob Dylan en demi-teinte que nous avons applaudi avec force loyauté quelques jours auparavant, Hubert-Félix Thiéfaine, avec ce lyrisme un peu rentré qu'on lui connaît, cette inapaisable fêlure qu'il trimballe par devers lui, a donné une authentique leçon. D'ailleurs, si j'avais déjà connu Bercy survolté, c'est bien la première fois que je vois Bercy debout, entendez tout Bercy, fosse et gradins. Deux heures trente durant, celui qui, à soixante-trois ans, sort d'une épreuve dont il ne cache pas ce qu'elle a eu ou aurait pu avoir de définitif, a donné à beaucoup l'impression de ressusciter sous les yeux d'un public qui n'en espérait pas tant.
Dans le sas qui mène à la fosse, les choses avaient bien commencé : cela sentait bon l'herbe tendre, de Provence et d'ailleurs. Nostalgie d'un temps d'avant les lois de l'hygiénisme sanitaire et social et à laquelle les organisateurs ne peuvent pas grand-chose, si ce n'est, pour la forme, se fendre au micro d'un rappel à l'ordre déjà résigné. Les choses vont très vite : on sait d'emblée, dès les premiers accords, que c'est réussi ; ce sont des choses que l'on sent : une manière de s'installer sur la scène, de cristalliser l'entente entre les musiciens, de regarder la salle, d'être immédiatement dans sa voix. Pour ne rien dire de la qualité d'un son dont, il est vrai, n'ont joui ni Mark Knopfler, ni Bob Dylan, quelques jours plus tôt. Thiéfaine n'a pourtant pas spécialement facilité les choses en commençant son récital par un titre très peu connu, mais très beau, long, grave et hypnotique, Annihilation (Qui donc pourra faire taire les grondements de bête / Les hurlements furieux de la nuit dans nos têtes.) Thiéfaine réussit là où tant d'autres échouent car il semble ne jamais éprouver le besoin de se distinguer. Son génie, car c'est bien de cela qu'il s'agit, n'a pas besoin de se donner des apparences. Thiéfaine est sur scène comme on s'imagine qu'il est depuis à peu près toujours, pudique, troublant, habité, d'une théâtralité qui n'est pas de spectacle mais de métaphysique. Et s'il faut bien reconnaître que son public est, au bas mot, hétéroclite, qu'il a lui aussi sa part de dingues et de paumés, rien ne fait oublier à Thiéfaine l'origine de son chant.
Car Thiéfaine est un bloc. Est-ce, au fond, sa musique, toute sa musique, que l'on aime ? ou n'est-ce pas plutôt que nous nous sommes sentis, dès l'adolescence, en collusion immédiate avec ces univers viscéraux, opaques, abscons, prophétiques et surréalistes en diable, volontiers morbides, obstinément réfractaires à toute taxinomie. Le public, dans son immense majorité, ce soir comme tous les autres soirs, écoutait déjà Thiéfaine il y a vingt ou trente ans de cela ; et si les deux derniers albums ont probablement élargi un peu son audience, c'est pour toucher un auditoire qui n'est probablement pas thiéfainiste : je veux dire par là qu'il n'adhérerait pas aussi spontanément, pour des raisons qui tiennent autant à l'évolution des goûts qu'à l'esprit du temps, à ses premiers albums. Le fil rouge est là pourtant : du Chant du fou (1978) à La ruelle des morts (2011) en passant par Alligator 427 (1979) ou Soleil cherche futur (1982), il s'agit du même ressassement lyrique, de la même sonde jetée à la face de la même part fêlée de l'humanité. Que Thiéfaine s'exprime en musique est une chose, mais on ne peut le dire ainsi que si on a conscience de la vision du monde qui s'y joue. D'ailleurs sa musique est-elle trop touffue, trop imbriquée, trop mêlée pour se laisser piéger au carcan du registre ; du rock, du blues, de la folk, il aime certainement cette pulsation unique et centrale et roborative qui charrie l'abandon, l'hypnose, la méditation organique ; aussi sa musique est-elle aussi profondément littéraire que ses textes : il s'agit bien, par une voie ou une autre, par le rythme ou par le verbe, d'investir la langue de l'humain, de jouer de ses élasticités, de renvoyer à l'univers son goût de cendre, de brumaille et d'hébétude.
Ce qui permet peut-être de comprendre pourquoi chaque concert de Thiéfaine ressemble toujours un peu à une rétrospective : non de sa carrière mais de sa trajectoire, de son existence. Que le dernier album - qui n'est pas mon favori, mais peu importe - soit largement évoqué (Fièvre résurrectionnelle / Infinitives voiles / Petit matin 4.10 heure d'été / Garbo XW machine / Ta vamp orchidoclaste / La ruelle des morts / Les ombres du soir / Lobotomie Sporting Club), cela ne représente jamais qu'un tiers du concert. Et si le public célèbre le culte de Loreleï Sebasto Cha ou de La fille du coupeur de joints, c'est bien sûr pour éprouver le plaisir un peu grégaire de la communion, mais c'est aussi parce qu'il sait que ces chansons-là sont devenues bien plus que des chansons : des rituels, des butées, des repères, des balises posées sur le kaléidoscope de l'existence. Thiéfaine les chante avec la même naïveté intacte, la même énergie lasse, cela réveille toujours en lui ce qui ne bouge pas, qui ne s'altère pas, ce temps où il eut l'énergie, donc, d'écrire ces chansons qui sont aussi incongrues qu'elles sont devenues populaires, aussi désinvoltes d'apparence qu'ancrées dans un certain imaginaire.
Qu'est-ce qu'un concert mémorable ? Etant entendu que se joue toujours, lors de tout concert, autre chose qu'une seule réussite musicale ou technique : c'est toujours un passage à l'acte ; non une épreuve, mais une mise à l'épreuve de soi-même. D'aucuns y font peut-être face avec nonchalance ou désinvolture - le temps les oubliera. Pour une personnalité comme celle d'Hubert-Félix Thiéfaine, on peut imaginer que son expérience de la scène, si elle atténue peut-être certaines angoisses (et encore cela vaudrait-il la peine d'être vérifié), ne change rien au fait qu'il y engage toujours beaucoup. Il ne s'agit pas tant de contenter un public qui à payé pour cela que de se rappeler à soi-même la relative gravité, au moins l'importance de chaque chose. Thiéfaine est de ces artistes (ce en quoi d'ailleurs il en est un, et parmi les plus grands) qui ne cherchent pas sur scène à prouver ou à justifier leur condition d'artiste, mais qui continuent à vouloir y sublimer la mélancolie, l'incomplétude, les affres, pourquoi pas, de l'existence. Bien sûr, il y a du spectacle. Bien sûr, il y a des lumières, des fumées, des effets. Mais c'est comme si même Thiéfaine ne les voyait pas, comme s'il passait par-dessus. Il chante la mort, les fous, les dépendances, les trous noirs et la société, et il chante toujours pour la première fois car il a en lui la puissance fragile et délicate et taraudée du poète. Le moment, évidemment touchant, où il entonne Mathématiques souterraines avec son fils Lucas (souvenez-vous de Tita Dong Dong Song : "Lucas look at me"), dévoile une joie discrète, mêlée de fierté paternelle et de pudeur personnelle ; cela aurait pu être lacrymal, et après tout, le meilleur des publics a bien droit à sa sensiblerie. Seulement, voilà, rien, chez Thiéfaine, n'est jamais clinquant, rien n'est jamais inélégant. Thiéfaine est passé à travers l'exhibitionnisme du temps, il est celui qui peut s'enorgueillir de remplir Bercy (ou peu s'en faut) tout en sanctuarisant son art, celui qui peut transformer chacun ou presque de ses disques en disques d'or sans que jamais aucune lubie ne le fasse dévier de son chemin d'airain. Ce n'est pas pour cela qu'il s'est agi d'un concert exceptionnel mais, sans cela, sans cet état d'esprit-là, il n'aurait été qu'un très grand concert.
1er extrait : Entrée sur scène / Annihilation
Hubert-Félix Thiéfaine - Entrée sur scène + Annihilation - Bercy, 22/10/2011
2ème extrait : Loreleï Sebasto Cha
Hubert-Félix Thiéfaine - Lorelei Sebasto Cha - Bercy, 23/10/2011
3ème extrait : Le chant du fou
Hubert-Félix Thiéfaine - Le Chant du Fou - Bercy, 22 octobre 2011
4ème extrait : Confession d'un never been
Hubert-Félix Thiéfaine - Confession d'un never been
5ème extrait : Mathématiques souterraines (avec Lucas Thiéfaine)
Hubert-Félix Thiéfaine (et son fils Lucas) - Mathématiques souterraines
6ème extrait : Autorisation de délirer / Alligators 427
Hubert-Félix Thiéfaine - Autorisation de délirer / Alligators 427
7ème extrait : La fille du coupeur de joints
Mark Knopfler éclipse (un peu) Bob Dylan à Bercy (+ extraits vidéo)
Soirée excessivement sage, hier à Bercy, qui accueillait donc ce que l'histoire du rock et de la musique folk, blues et country, dans la très large acception de ces termes, a produit de plus consistant et de plus enthousiasmant depuis plusieurs décennies : deux de ces hérauts qui, à leur manière, ont donné naissance à des courants musicaux pétris de tradition et d'intuition, aussi soucieux de leurs héritages que de leur legs, et, pour l'un d'entre eux au moins, incarné la protestation d'une époque. On n'en mesurera que mieux l'incongruité d'une salle sans fosse, transformée en un respectable parterre de sièges en velours rouge (il est vrai que le public n'a plus vingt ans - ni même quarante -, et qu'on vient davantage, ce soir, pour célébrer une grand-messe en famille que pour éprouver la transpirante énergie du rock'n'roll.) Il faudra attendre le dernier quart d'heure du set de Mark Knopfler pour que le public envoie valser tout ça et se rue sur les devants la scène, apportant un peu de chaleur à cette salle tristement orwellienne - où l'on finit presque par se battre pour, entre les deux parties, gagner le sas de décompression et griller sa cibiche, dûment encadrés par des gorilles fluorescents exhibant musclette et oreillettes : soit dit en passant, le public des CSP + ne se tient pas mieux que les autres. Bref.
A ces deux hérauts, d'ailleurs, le gigantisme ne va pas. On ne comprend (que trop) les raisons qui conduisent à limiter la charge des tournées et à les concentrer en une poignée de dates : mais ce qui convient à Rammstein ne convient pas à des musiciens tels que ces deux-là, dont on voudrait pouvoir entendre le timbre cassé et le murmure des doigts sur les frettes ; pas plus d'ailleurs qu'il ne convient à un public qui, s'il aime cette musique, doit en aimer d'abord l'émotion contenue, la nostalgie un peu joueuse, l'intimisme - et, pour Knopfler, la virtuosité.
A cette note dubitative s'ajoutent quelques autres motifs de mécontentement, même relatif. Ainsi du sentiment d'avoir été un peu floué : ceux qui prêtaient foi aux organisateurs clamant que Knopfler et Dylan se partageraient la scène en sont pour leurs frais : de la formule, il fallait retenir l'ambiguïté. Ainsi y eut-il deux concerts parfaitement distincts, Knopfler et Dylan jouant successivement et sensiblement le même temps (assez court), le premier ayant pour charge supplémentaire de jouer à l'étalon : ceux, immensément majoritaires, qui s'attendaient à le voir rejoindre Dylan sur scène attendent toujours. Le son, enfin. Très correct, il faut bien dire, pour Knopfler (on peine à écrire : pour la première partie), il fut à tout le moins approximatif pour Dylan. La section rythmique, notamment la contrebasse, claquait bizarrement, avec quelque chose de creux, métallique, saturé : quant à la voix de Dylan, sur-mixée, sur-amplifiée, des spirales d'écho lui faisaient perdre un peu de sa singularité, même si le débit sec, traînant, n'a, en soi, rien perdu de son charme.
Il ne s'agit pas ici de comparer les deux parties du concert. Si Knopfler et Dylan ont bien des choses en commun, les deux ont évolué sur des registres un peu différents, Dylan n'hésitant plus à traîner ses guêtres du côté d'un quasi rockabilly, Knopfler revendiquant de plus en plus ses tentations gaéliques. Par ailleurs, Knopfler incarne dans le rock l'image même du cool, cette grâce un peu dégingandée, ce petit air de chien battu, ce visage d'adolescent au cheveu gris, ce refus presque maniéré du spectacle, du jeu visuel, du show : il joue à Bercy comme il jouerait dans la salle municipale de la plus modeste contrée, et s'il est vrai que c'est là un esprit dont on appréciera, en ces temps de grande débauche, la profonde humilité, l'on ne peut pas non plus réprimer la petite voix qui nous souffle que, dans ces conditions, autant ne pas choisir Bercy... S'agissant de Dylan, c'est un peu différent : c'est qu'il est un peu plus cabotin. Aussi ne déteste-t-il pas surjouer son rôle de personnage renfermé, un tantinet ombrageux, et, pour ainsi dire, presque désagréable. Pas un mot, pas un signe, pas un salut, pas même un rappel, un simple geste de la tête pour dire adieu et signifier que c'en est fini (il aurait pu, peut-être, faire mine de soulever son chapeau.) Autant le groupe de Knopfler existe, ses musiciens se regardent, se sourient, se répondent, autant le groupe de Dylan a quelque chose d'un agrégat d'individualités, qui marquent leurs territoires propres, un peu avares d'elles-mêmes, cherchant à créer, avec plus ou moins de subtilité, une sorte de posture d'hommes en noir tels que, peut-être, un Tarantino pourrait vouloir les filmer. Enfin quoi, oui, il m'a manqué de voir un groupe, quelque chose de cohérent, homogène, fraternel. Le jeu de jambes un peu stéréotypé de Dylan et ses quelques pas de danse ne suffisent pas à donner beaucoup de chaleur à cette représentation roborative, certes, mais un peu froide, et à chasser la vilaine idée que tout cela est tout de même fait un peu par-dessus... la jambe. Cela ne signifie pas que ce soit mauvais, c'est entendu, et Blind Wille McTell, Things Have Changed, Ballad of a Thin Man, All Along the Watchtower, constituent de jolis moments, qui plus est interprétés par des musiciens très en place : simplement, là, ce soir, ces titres n'accédaient pas au niveau de la légende.
C'est l'avantage de Knopfler, dont on n'attend pas une quelconque prestation, mais seulement une sorte d'excellence dans l'interprétation. Et si ses compositions, depuis quelques années, n'ont pas l'éclat, l'originalité, pour ne rien dire de l'ambition des premiers temps de Dire Straits, elle sont assumées et revendiquées avec un tel naturel, une telle aisance, qu'elles touchent sans peine un public qui plus est conquis par ce jeu de guitare somptueux, précis, fluide, riche d'une très belle variété de timbres et de sonorités ; Knopfler, pour moi, a toujours été au rock ce que Metheny est au jazz, le genre de type à pouvoir tout jouer tranquillement, le virtuose capable d'aller arracher le silence, soucieux de donner une atmosphère à chaque composition. L'efficace et straitsien What it is, en ouverture, fera semblant de donner le ton, et il n'est pas désagréable d'entendre ces musiciens, violon, accordéon, banjo, cornemuse, investir l'héritage celte et y puiser une certaine gaieté désuète. Et si le rappel (au moins, il y en eut un) convoque un titre qui m'a toujours semblé un peu faible de Dire Straits (So far away), on est content, tout de même, d'avoir un aperçu de l'album promis pour 2012, avec ce chouette morceau qu'est Privateering. Sur scène, donc, la prestation est un peu molle, sage, attendue sans doute, mais, musicalement, il n'y a pas grand-chose à redire.
Avec Dylan, on a parfois l'impression que le public force un peu son enthousiasme, et sans doute a-t-il raison de le faire : on ne négocie pas son admiration avec une légende, on la lui accorde, inconditionnelle. Et parce que c'est lui, on réclame sans plus tarder un rappel, ne serait-ce qu'un seul. Mais non. Les lumières de la salle ne mettent pas dix secondes à se rallumer. Les gens se regardent, l'air un peu surpris, déçus, pas même le temps de fredonner sur les derniers accords de Like a Rolling Stone. Sûr que certains, en rentrant, vont ressortir quelque vieille galette : c'est du sûr.
Premier extrait : Mark Knopfler - Privateering (inédit, il devrait figurer sur un prochain album, courant 2012) + le tout début de Song for Sonny Liston.
Mark Knopfler, Privateering - Bercy, 17 octobre 2011
Deuxième extrait : Bob Dylan - Entrée sur scène + Times Have Changed
Bob Dylan, Times Have Changed - Bercy, 17 octobre 2011
Iron Maiden à Bercy, 27 juin 2011 (+ extrait vidéo)
Que peut-on dire de ce groupe qui n'ait déjà été dit, et que puis-je bien dire d'honnête après un concert d'Iron Maiden ? J'avais sept ans lorsque le groupe fut fondé, en 1975, à l'instigation notamment de Steve Harris, le bassiste ; j'en avais à peu près douze lorsque parut Killers, leur deuxième album, en 1981 ; j'en ai quarante-deux quand je les retrouve, là, dans un Bercy qui craque et déborde de toutes parts, où l'on croise aussi bien des ados à tignasses et bouches molles que des bikers des profondeurs, le gros de la troupe étant constitué de l'introuvable classe moyenne, indécise, bigarrée, sans parler des familles au grand complet, dernier né et grand-parent inclus - quelque chose d'une kermesse à laquelle ne manquera donc que les gauffres et les barbes à papa (on observera d'ailleurs, plus tard, que c'est moins un pogo qui s'improvise dans la fosse sur l'inévitable Running Free qu'une ronde ou une chenille) : il y a belle lurette que le rock endiablé ne fait plus peur, pas même un vague malaise ou une très légère inquiétude, pas même un petit frisson d'interdit à braver, non, rien, on y va aussi pour pouvoir dire qu'on y était ; Robert Hossein y donnerait un nouveau spectacle qu'on ne serait pas plus surpris - mais ce n'est pas bien gentil pour mes Iron's, ça.
J'arrive très (très) en avance et colonise une terrasse où, sous une chaleur parfaitement écrasante, je m'enquille une (première) bière, jette un oeil distrait aux fans qui commencent à arriver par petits groupes, tout en parcourant, chacun appréciera, les Notes sur la mélodie des choses de Rainer Maria Rilke. Les effigies de Maiden commencent à sortir de terre tandis que les employés du ministère des Finances abandonnent la place - qui ne tardera plus à se joncher de canettes, qui sont un peu au rock'n'roll ce que les pissenlits sont au gazon. On sait déjà, à contempler la foule qui se masse, à observer et entendre sa joie anticipée, que, quoi qu'il arrive, chacun est décidé à rappeler au groupe qu'il n'est pas un titre de son répertoire qu'il ne connaisse par coeur. Alors, bien sûr, je pourrais dire, et m'échiner à montrer, que le grand Maiden s'est, selon moi, arrêté en 1985, après Powerslave - bref que seuls les cinq premiers albums témoignent à la fois d'une pureté, d'un esprit, d'une nouveauté et d'une flamme qu'ils ne retrouveront plus tout à fait. Ce qui n'induit pas que tout ce qu'ils aient fait ensuite soit mauvais ou qu'on n'y trouve pas, même, quelques morceaux de bravoure et/ou d'anthologie, cela va sans dire : simplement qu'ils ne parviendront jamais tout à fait à réitérer ce miracle-là.
Il y eut d'ailleurs un indice : c'est en entonnant Doctor, Doctor (Ufo, 1974, repris et magnifié plus tard par Michael Schenker) que le public se chauffe. Cela donne le ton, auquel ce concert n'échappera pas : si l'ouverture sur The Final Frontier était attendue, promotion du dernier album oblige, c'est avec les premières mesures de The Trooper (1984) que s'installe un enthousiasme et, disons-le, une ferveur, que rien ne viendra tarir. C'est le Iron Maiden qu'on aime, tout en tension, tout en lyrisme, énergie conquérante, batailleuse, avec sa tentation hymnique, son sens du break, sa manière de faire grossir un climat comme une houle, de faire monter la sève. Le répertoire plus récent donne certes lieu à des compositions plus alambiquées, un peu moins viscérales, et si le spectacle n'y perd rien, tant les Iron's, depuis plus de trente-cinq ans, ont eu le temps d'apprendre à transformer le plomb en or, l'impression musicale ne s'ancre pas avec autant d'évidence. Du dernier album, j'attendais tout de même le très beau et désabusé When the Wild Wind Blows (Have you heard what they said on the news today / Have you heard what is coming to us all / That the world as we know it will be coming to an end), où l'on retrouve quelque chose de l'inspiration originelle : un phrasé, un motif, une ligne mélodique imparable, et, bien sûr, cette façon de rendre compte d'une vision finalement assez grave. Autant dire que je ne fus pas déçu.
Reste que c'est dans les vieux pots que. Two minutes too midnight, bien sûr ; plus récent mais difficile à éviter, le sombre et religieux Fear of the Dark. Mais pour réunir tout le monde, le fan grisonnant voire carrément dégarni de la première heure comme celui qui a la chance de découvrir Maiden, on peut compter sur deux titres du premier album (1980), Iron Maiden et Running Free, sur le mythique Number of the Beast, et, bien sûr, le magistral et déjà culte Hallowed Be Thy Name. De mémoire bercienne (?), je ne me souviens pas avoir entendu un public chanter autant, sur lequel un groupe puisse autant s'appuyer, avoir, même, déjà observé une telle effusion, une telle unité. Car disons les choses : voilà des années qu'Iron Maiden ne peut plus échouer : ceux qui vont les voir sont, de toute façon, galvanisés avant même qu'aient résonné les premières mesures du concert. Cela participe d'un rituel : il ne fait guère de doute que le public se déplace aussi, peut-être surtout, pour rendre hommage au groupe, à une histoire, à une manière d'épopée.
On appréciera d'autant plus ce moment que ces musiciens, dont il est inutile ici de dire combien ils sont expérimentés, précis, véloces, attentifs, pourraient aisément s'en tenir à ce qu'ils savent faire. D'une certaine manière, c'est d'ailleurs un peu le cas, et nul ne pourra se dire surpris de l'arrivée sur scène d'Eddie (la mascotte), ou de la manière qu'a Bruce Dickinson de galvaniser son public depuis toujours ("Scream for me, Bercy !"), mais nous sommes ici en plein rituel. Et puis, surtout, là où un ZZ TOP, par exemple, pourra sembler un peu blasé sur une telle scène, les Iron's continueront, eux, de s'amuser comme des gamins, gesticulant, riant, courant partout, finalement ne se lassant jamais de la scène. Si j'avais su, j'aurais fait en sorte de pouvoir y retourner ce soir.
When the Wild Wind Blows (extrait)
When the Wild Wind Blows - Iron Maiden - Bercy
Rammstein à Bercy
D'un naturel aussi audacieux qu'insatiable mais dotée d'une égale conscience de ce qui lui est (ou pas) supportable, ma femme déclara donc forfait pour ce qui constituait à n'en pas douter le moment le plus attendu de l'année dans l'hétéroclite communauté du metal. Moyennant quoi, c'est à sa jumelle (autrement dit ma belle-sœur) que revint le soin de seconder mon errance metalleuse ; ce dont elle n'aura sans doute pas eu à se plaindre - à l'instar des 17 000 personnes qui firent donc déborder le palais omnisports de Bercy pour acclamer Rammstein. Car ce fut un concert un peu plus que parfait (quoiqu'un tantinet physique, dans la fosse...), et à l'issue duquel le plus sournois et le plus déloyal des journalistes aura été bien en peine d'étayer les vilaines rumeurs qui, depuis quinze ans maintenant, accompagnent ce groupe de Méchants.
A 18h30, grouille déjà sur le parvis une foule plutôt bigarrée, rockers intemporels, couples intellos et/ou babas, solitaires endurcis, adolescents dégingandés, sans compter les familles et les groupes de copains ; dans un tel attroupement joueur et chamarré, si l'on distingue bien quelques néo-romantiques goethiens, les gothiques livides, eux, peinent un peu à se faire remarquer. J'ai croisé en revanche des rockers qui n'avaient pas dix ans, et d'autres qui avaient déjà dit adieu à la soixantaine. Pour le reste, ma foi, c'est l'ordinaire du rock'n'roll, un mélange caractéristique de désinvolture, de gentillesse, de dégaine, de bière et de calumets illicites.
En guise de fumet, puisqu'on en parle, il faut préciser que les grands absents de la soirée furent l'odeur de souffre et le parfum de scandale. La grande presse généraliste, qui ne sait jamais évoquer le rock autrement qu'en glosant sociétal, relaie toujours goulûment les (nombreux) travers des rockers afin d'en tirer les enseignements d'ordre très général dont elle sustentera sa moralité. Moyennant quoi, elle pourra de conserve recommander chaudement (et avec raison) la lecture de la correspondance de Céline (qui vient de paraître en Pléiade), et jouer les Cassandre humanistes devant les biscotaux bilieux et désenchantés des ex-est-allemands de Rammstein. Il ne s'agit pas de dire que tout est toujours du meilleur goût chez ce groupe unique en son genre, en toute honnêteté cela serait excessif, mais que leurs provocations relèvent à la fois de la gratuité du jeu grand-guignolesque et du plaisir bien compris d'irriter l'esprit petit-bourgeois - l'histoire du rock, en somme. A laquelle en effet Rammstein ajoute une esthétique de la noirceur à peu près inégalée, en se faisant les chantres d'un monde invivable, taraudé par la violence et le sentiment de décadence. Du coup, on n'en comprend que mieux l'estime des Allemands pour Michel Houellebecq. C'est que nous autres, civilisations, savons maintenant, n'est-ce pas, que nous sommes mortelles...
Bon, mais retournons un peu dans la salle. Et n'hésitons pas une seconde entre la fosse et les gradins : ce sera la fosse. Ce en quoi nous avons peut-être un peu préjugé de nos forces - c'est qu'on n'a plus vingt ans, voyez-vous. Et une fois dans la fosse, bien malin celui qui trouvera le moyen de s'en extraire. Tâchons donc d'en sortir par le haut, et adaptons notre mouvement à celui des gaillards alentour, plus ou moins pogotant, seule manière de nous épargner quelques hématomes très inesthétiques.
Dans le rôle de l'étalon, le technoïde Combichrist : un viril hurleur en guise de chanteur, les rejetons des deux vieux du Muppet Show pour marteler (très) lourdement quelques rythmes (très) binaires, un clavier pour mettre un peu de liant dans tout ça, et un résultat qui réveille ardemment ce qui le plus souvent sommeille chez l'humain occidental : une danse tribale dans une bonne vieille caverne sans lumière. Si de musique il sera assez peu question, je concèderai que c'est là une manière assez efficace, voire astucieuse, de préparer les corps et les esprits à ce qui va suivre.
A savoir l'entrée, majestueuse, de Rammstein. Les musiciens arrivent de derrière un mur en polystyrène qu'ils cassent et d'où jaillit la lumière, Till Lindemann apparaissant en dernier après avoir démoli sa partie au chalumeau - difficile, ici, de ne pas songer au mur de Berlin. La scène ne tarde plus à être recouverte par les fumées, avec ses zébrures rouges du plus bel effet. Après quelques secondes dans le silence et le noir, Till entonne doucement Rammlied, qui n'est donc pas seulement taillé pour la scène mais bien pour une ouverture de concert. Le son est remarquablement clair (meilleur, semble-t-il, que la veille.) Bref, c'est d'une efficacité folle, et la fosse transpire déjà plus que de raison avant même la fin du morceau. Liebe ist für alle da, le dernier album, se taille évidemment une part de choix dans la setlist. C'est un album qui me laisse un peu sur ma faim, d'abord parce qu'il n'apporte pas grand-chose de nouveau à ce que l'on connaissait de Rammstein, ensuite parce qu'il me semble plutôt moins habité, et plus mécanique que les précédents. Il n'empêche : la scène lui donne une tout autre dimension, et l'énergie un peu raide du disque est ici métamorphosée en une charge très pulsionnelle, quasi cathartique. Un morceau finalement aussi banal que Pussy, dont le clip a comme chacun sait essuyé la colère de la censure pour cause de pornographie, a au moins le mérite de mettre tout le monde d'accord sur scène : c'est frais, ludique, et étrangement joyeux. Ce que l'on nous vendait dans la presse comme une mise en scène obscène se révèle ici simplement carnavalesque : en lieu et place de jets libidineux et crypto-spermatiques, c'est à une décharge de gros confettis que le public a droit, chacun sautant pour tenter d'en attraper, comme d'autres la queue du Mickey pendant un tour de manège.
Il faudra attendre Wiener Blut (Sang de Vienne) pour faire face au seul moment morbide de la soirée - morbide mais délicieux, n'est-il pas... La chanson est inspirée de l'histoire d'Elisabeth Fritzl, qui révéla avoir été séquestrée dans une cave et violée vingt-quatre années durant par son propre père. Très beau moment de l'album, ce morceau le sera aussi dans le concert. L'introduction est mélancolique, grave, interrompue par une montée de chœurs et des breaks très secs à la batterie, pour monter ensuite constamment en intensité. Till est d'abord inondé d'une lumière bleue, avant que le noir ne tombe et qu'un jeu de lasers verts zèbre l'espace pendant une trentaine de secondes, pendant qu'un vrombissement sourd et grave fait monter la tension. Moment qui m'a beaucoup rappelé le concert des Pink Floyd, en 1988 à Versailles. Enfin c'est l'explosion, et dans la cohue instrumentale la scène enfin inondée de lumière découvre une vingtaine de baigneurs qui pendent au plafond, leurs corps vains se balançant stupidement au bout de cordes.
Dans la fosse, il va sans dire que l'ambiance est à son comble. Comble que va conforter le choix de certains morceaux, comme nous nous y attendions - et l'espérions, il faut bien dire. Ainsi, le public laisse-t-il exploser sa joie dès que sont joués ces standards que sont devenus Du Hast, Ich Will, Keine Lust, Sonne ou Benzin (avec son déluge de feu), preuve s'il en était besoin que le dernier album ne rivalise pas tout à fait avec les précédents. Même si Rammstein se complait dans son esthétique froide, robotique, le groupe sait qu'il est apprécié en France. Après tout, la chanson Frühling in Paris, dont le public entonne évidemment l'écho donné à Édith Piaf (Non, je ne regrette rien) en porte témoignage. Le petit plus reviendra à "Flake", le claviériste, qui arborera le drapeau français dans un canot pneumatique que la foule porte à bout de bras de bout en bout de Bercy, avant de le faire revenir sur la scène, où Till l'attend sans doute pour le rabrouer, puisque la relation de domination entre eux deux, véritable sketch s'il en est, fait désormais partie intégrante de tout concert de Rammstein.
On le voit, c'est un spectacle millimétré, hautement professionnel. Il n'y a pas place ici pour la moindre improvisation. Jusqu'aux rappels,qui n'en sont évidemment pas. Ce qui n'empêche pas, loin s'en faut, d'apprécier le magnifique Engel, que Till chante affublé de deux ailes immenses et enflammées. Avant de clore un moment que tout Bercy aura assurément trouvé trop court.
C'est donc un public à juste titre enthousiaste qui se retrouve dehors quelques minutes plus tard, pour envahir les brasseries et écluser quelques bières bien méritées - car bon dieu qu'il a fait chaud... Reste que tout le monde en est convaincu : sauf à les suivre à travers le monde, on ne reverra peut-être plus Rammstein. Personne n'y croit, tout le monde sait le groupe traversé de conflits dont on pressent qu'ils vont demeurer longtemps insolubles. Mais après tout, c'est l'histoire du rock. Et puis, le plus certain est toujours l'imprévisible. Enfin, espérons-le.