lundi 29 mars 2021

David Vann - Komodo

David Vann - Komodo


Femme en apnée

J'ai rarement autant l'impression de pouvoir entrer en intelligence et sensibilité instantanées avec un auteur qu'en ouvrant un roman de David Vann. On se demande souvent ce qu'est le style, ce qu'est un grand écrivain, à quoi peut bien tenir qu'un univers doté d'une syntaxe puisse à ce point faire office de carte d'identité, mais le fait est que, depuis la traduction en France de Sukkwan Island, en 2010, j'éprouve vraiment le sentiment que David Vann est entré dans ma vie. 

Komodo, son huitième roman, ne fait pas exception. On y retrouve d'emblée tout ce qui fait cette patte tendre et acérée, duveteuse et griffue, à savoir un univers d'une exceptionnelle densité (sous-marin, ici), un décorticage au scalpel du chaos existentiel et des liens familiaux, et cette façon qu'il a de nous maintenir sur un fil, dans l'omniprésence d'un danger que l'on ne peut discerner qu'entre les lignes. Car cette sensation se loge toujours dans le banal ou l'anodin ; l'inquiétude ne niche toujours au creux du moment le plus apparemment serein, et il n'est pas un instant de paix qui ne soit hanté — « Je me sens détendue, heureuse même, un sentiment si rare que je m'en méfie un peu, je ne le reconnais pas. » L'auteur a une manière bien à lui, presque indolente, impassible, de dire le drame ou le tragique, si bien que, quand la chose finit par advenir, on en reste abasourdi. Le mal est glissé à l'intérieur même de la banalité, comme quelque chose d'incident ou de négligeable. Ainsi apprend-on en passant, l'air de rien, que le père de Tracy, protagoniste principal du roman, jeune femme d'une quarantaine d'années éreintée par la vie de famille, le couple et le maternité, s'est suicidé lorsqu'elle avait huit ans — rappelons que le propre père de David Vann, alors âgé de treize ans, s'est lui-même suicidé. Or c'est un des miracles de sa littérature que de savoir à chaque fois nous saisir d'effroi, pas seulement en faisant grésiller la bande-son, nous ne sommes pas dans l'épouvante, mais à un moment où l'on ne peut pas même y songer, jamais loin du contretemps.

Partant d'une idée très simple (Tracy, accompagnée de sa mère, part retrouver son frère, Roy, dans l'île de Komodo, en Indonésie, pour une semaine de vacances qu'elle espère paradisiaques), David Vann va, page après page, tracer, préciser, circonstancier les contours des sentiments les plus âpres et les plus inavouables, ceux que l'on tient bien enfouis — « cette envie de mordre et de déchiqueter »  —, les profondeurs sous-marines se parant ici des vertus du luxe et de la quiétude. Mais rien de tout cela n'est gratuit, il n'y a pas de complaisance. Et l'on ne peut jamais, lisant Vann, ne pas éprouver quelque chose d'une souffrance profonde, d'une amertume, d'un regret, d'une « désolation ». Il pose trop crûment, trop durement, la question de la liberté. « Puis-je être libre ? » finit d'ailleurs, presque ingénument, par se demander Tracy. De la liberté, donc de tous les filets dans lesquels l'individu est pris dès sa naissance. Or c'est aussi la conscience de ces déterminismes qui rend la liberté douloureuse. Quand on comprend que la vie n'est jamais ce qu'on aurait rêvé qu'elle soit. Quand Tracy se demande pourquoi elle a tant voulu se marier, et pourquoi précisément à cet homme-ci. Et pourquoi elle a tant voulu avoir des enfants et fonder une famille. Vann ne cache rien des rancœurs et des pulsions de Tracy, qui ne sont que ce qu'il reste de l'humanité quand le vernis craque. Et il le fait à rebours d'une époque qui n'aime rien tant que désigner le geste du mal pour y plaquer le nom du coupable. Car Vann, d'une certaine manière, c'est l'anti-populisme pénal. Il ne montre pas du doigt le coupable : il décortique le mal, son histoire, son procès, et plus encore son caractère irréfrénable. Et ce qu'in fine nous en percevons, l'acte, n'est que la conclusion presque mécanique d'une machine folle lancée depuis les origines. L'enchaînement des causes est toujours premier chez Vann, c'est ce qui donne à son œuvre sa puissance destinale inouïe. Et que les choses tournent à la tragédie ou s'ouvrent soudainement sur un motif d'espérance ne tient que très marginalement à l'usage que nous faisons de notre libre arbitre. Là encore, nul besoin de hauts faits pour le vérifier, le trivial de la vie y suffit amplement — « Je retourne à la hutte pour enfiler mon maillot de bain humide, récupérer ma crème solaire, ma serviette et ma casquette, veste, chaussettes et cagoule, etc. Des routines, même en un ou deux jours. Nous sommes ainsi faits, à bâtir notre structure dans le néant. »

On est souvent, chez Vann, aux confins de plusieurs registres : d'autres mondes semblent toujours imaginables. Mais ça ne bascule jamais car la vie oblige à tenir ferme, condamne à garder les pieds sur terre. C'est une lutte, et c'est cette lutte, celle de Tracy, qu'il raconte dans un très puissant élan d'entendement ontologique et de compréhension intime. Éreintée par un sentiment impérial d'impuissance et de dépossession, Tracy s'approche douloureusement du moment où elle ne pourra plus, ne voudra plus lutter — « La proue en bois sombre passe trop vite et le capitaine renverse les gaz. Ce serait parfait d'être déchiquetée par l'hélice et de ne plus jamais avoir à réfléchir. » S'il est des femmes (et il en est...) qui pensent qu'aucun homme ne pourra jamais comprendre ce qu'elles vivent et sont, que celles-là lisent donc Komodo. Comme tressé à la peinture magistrale de fonds sous-marins eux aussi à couper le souffle, on n'a pas si souvent écrit le sentiment de perdition et de délabrement intérieur d'une femme et d'une mère avec autant d'empathie et de crudité.

David Vann, Komodo - Éditions Gallmeister
Traduit de l'anglais (américain) par Laura Derajinski


dimanche 5 avril 2020

David Vann - Désolations

David Vann - Désolations


La belle île de David Vann

« Pas de vent, pas de ressac, pas d’oiseau, pas d’autre humain. Le monde étincelant. Le bruit de son cœur, le bruit de sa respiration, le bruit de son propre sang battant dans ses tempes, les seuls qu’elle entendrait. Si elle parvenait à les faire cesser, elle entendrait le monde. » Ce passage, choisi parmi tant d’autres, pourrait assez bien résumer l’univers où David Vann nous jette depuis Sukkwan Island, cet univers où la trajectoire humaine est lourde de l’irréfragable hiatus entre l’homme et la nature autant que de ce qui, entre les humains mêmes, semble condamné à l’incommunicable. Le caractère inexorable de cette quête, qui est à la fois quête de l’individualité et sensation d’étrangeté devant sa propre appartenance au genre humain, se déploie toujours dans une temporalité épaisse, touffue, dermique : c’est une physiologie du passage du temps, ce temps dont les personnages ont toujours le sentiment qu’il les a dominés, parfois vaincus, attisant chez eux le regret de n’avoir su le tordre à leur volonté ou à leurs rêves. D’où ces humains laconiques, engourdis, vécus, s’habitant peut-être moins qu’ils ne se voient déambuler dans la vie, répétant leurs erreurs ou leurs échecs avec l’implacable sensation d’y être acculés. Il y a d’ailleurs dans l’écriture de David Vann comme un écho à Raymond Carver, peut-être cette manière impressionniste de saisir la profondeur humaine en évoquant ses seuls contours, en redonnant au moindre raisonnement, au moindre geste, son trouble essentiel et poétique, en laissant toujours planer la sensation d’une main invisible.

Le drame que met en scène Désolations (auquel j’aurais préféré, d’ailleurs, que l’on conservât le titre originel de Caribou Island), est le syndrome parfait de cette humanité que taraude l’indicible et insoluble tension de l’existence, comme douée d’une prescience de la tragédie, empêchée dans ses propres mouvements par le simple handicap que constitue le seul fait de vivre, avec soi ou les autres. L’individu vit une vie qui ne lui ressemble pas ou à laquelle il n’avait pas aspirée, les couples ne retrouvent plus la sensation, pas même l’idée de leur origine : les êtres échouent autant à déployer leur singularité qu’à trouver le moindre miroir en l’autre. Il y a un mouvement permanent entre le désir naturel de l’homme et sa construction raisonnée de la vie. Gary ne réalisera pas davantage son rêve d’enfant qu’Irene ne transcendera le drame qui préluda à son existence ; l’amour et le dévouement de Rhoda n’auront pas plus d’effet sur la destinée de ses parents qu’elle ne parviendra elle-même à s’extraire de la vie qu’ils menèrent ; Carl échouera autant à trouver son chemin qu’à se ranger dans la société des hommes.

L’Alaska, dont David Vann est originaire et où il fait évoluer ses personnages, n’est pas étranger à l’impression que ceux-ci donnent d’être incessamment à la recherche de leur propre souffle. C’est ici que l’humain et la nature conversent, en une sorte de commerce prudent qui tient autant du défi que de l’osmose. L’homme ne se bat pas tant contre qu’avec sa nature : il cherche moins à la discipliner qu’à exhausser en lui l’optimisme nécessaire pour s’y mouvoir. D’où la beauté pathétique de son impuissance, où réside aussi sa poésie. David Vann excelle à dépeindre et désosser ce fatalisme ; son écriture lente, ses descriptions minutieuses, sa pénétration psychologique, la concision de ses rebonds, donnent un éclat décisif et assez exceptionnel à la brutalité des scènes où, soudain, quelque chose vient à basculer. Celle qui ouvre le livre est à cet égard une belle leçon de littérature : ce qu’elle a de terrible en soi est d’autant plus saisissant que résident déjà, en sa concision rétrospective, non seulement l’insoluble de l’existence, mais toute l'art narratif de David Vann. Qui va jusqu’à signer le petit chef-d’œuvre dont Sukkwan Island aura été l’esquisse.

David Vann, Désolations - Éditions Gallmeister
Traduit de l'anglais (américain) par Laura Derajinski
Article paru dans Le Magazine des Livres, n° 32, mai 2011

 

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samedi 28 mars 2020

David Vann - Sukkwan Island

David Vann - Sukkwan Island


Le silence éternel, etc.

Voilà un livre qui n’est pas loin de me laisser muet ; parce que je ne suis pas sourd : j’entends bien que ce que j’ai lu peut être lu comme un appel au silence, amer, incertain, davantage que comme une invite à une parole qui ne saura jamais rendre compte du climat d’étrange nature où David Vann nous oblige à plonger. L’histoire fait depuis longtemps rêver les hommes : Jim, las de la ville et de sa propre vie, emmène son fils, Roy, treize ans, vivre toute une année dans une île d’Alaska dépeuplée de tout, à commencer d’humains. C’est le rêve du père, le rêve réalisé, ce retour à la sainte nature, cette folle et belle et primitive éthique vers laquelle l’homme de la civilisation se tourne dès qu'il se sent lui-même dépeuplé, désertique, solitaire en cette terre, dès qu'il se voit y perdre pied jusqu’à ouvrir grand les portes d’un ailleurs où il pourrait recommencer les gestes d’antan, ceux de l’humanité naissante. Se dénuder de l’existence, recouvrer le fil rompu et puiser à l’origine de ce que nous fûmes, enfin refaire le trajet à l’envers pour repartir – en mieux, si c’est possible. « Nous y voilà, dit son père. Pour sûr. Et tous deux, au beau milieu de la nature, ne connaissaient pas les folies de l’humanité et vivaient dans la pureté. On dirait la Bible, Papa. » Mais la nature a de ces caprices que le biblique néglige, et ce sera dur ; même dramatique. Alors à sa foi le père s’accroche, quitte, le jour, à essuyer les larmes de la nuit. Ces larmes qui tétanisent le fils impuissant, et qui, peut-être, expliquent que, lui aussi, s’accroche. Avec, tout de même, « l’impression qu’il était seulement en train de survivre au rêve de son père. »

Il n’y a pas grand-chose d’autre à raconter que cela. Que cette lente introspection d’un père qui ne sait plus y faire avec la vie et d’un fils qui n’en a pas encore la possibilité, que l’inexorable élan vers la chute – entrecoupée, en une même pas page, deux seuls et fulgurants paragraphes, d’un imprévisible où se concentrera l’absolu contentement du lecteur, son plaisir suprême, suprême car équivoque, à se sentir piégé, condamné à relire tout ce qui précède, et à découvrir tout ce qui vient à l’aune de cette seule et décisive entaille. Tout cela dans un style sans histoire, on oserait dire terne et sans mémoire, à l’image d’une humanité dont on traque ici la grandeur impossible, l’inextinguible soif de fuite, l’interdit du remords. Et ce n’est pas la fin de l’histoire, un peu maladroite, peut-être superflue, qui suffira à ôter la moindre qualité à ce premier roman de toute beauté.

David Vann, Sukkwan Island - Gallmeister Éditeur
Traduit de l’anglais (américain) par Laura Derajinski 
Article paru dans Le Magazine des Livres, n° 25, juillet/août 2010

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mardi 28 mai 2013

David Vann - Impurs

David Vann - Impurs


Lorsque par
ut Sukkwan Island, son premier roman, je me souviens m'être dit, découvrant cette voix nouvelle de la littérature (un peu) américaine : pourvu que cela ne soit pas qu'un heureux accident, pourvu que l'avenir vienne confirmer ce que j'entends là, une voix, donc, non seulement nouvelle, mais fascinante, obsédante, distincte mais visiblement peu soucieuse d'épater la galerie, douce comme un cauchemar dormant. Puis vint Désolations, où l'auteur, remâchant de semblables visions, continuait de suivre à la trace le pas des humains égarés. Avec Impurs, David Vann achève de s'imposer comme l'un des écrivains les plus doués et originaux de sa génération. Tout comme dans ses romans, où advient ce qui doit advenir, où les choses s'avancent avec l'implacable souveraineté du destin, il y a un quelque chose de placide et d'imperturbable dans cette manière que son oeuvre a de cheminer, d'étendre, en les déployant, ou comme en cercles, ses motifs premiers et supérieurs. Toutefois, quand Sukkwan Island et Désolations semblaient noués d'un même lien, que quelque chose en eux semblaient miroiter d'une même eau, Impurs marque une certaine rupture. Relative, assurément, tant on s'y trouve d'emblée en terrain connu, perdus dans ces paysages lointains, vaguement fantomatiques, où l'on ne croit jamais très longtemps au silence, ou qui finissent par nous faire désespérer de lui, même lorsqu'il semble nous recouvrir entièrement ; relative aussi parce que, dans ce livre comme dans les précédents, nous sommes saisis par une même sensation de déréliction, ou d'épuisement de la vie - et j'ai un peu le sentiment, à la longue, que ce tropisme, peut-être cette angoisse, est au coeur de l'oeuvre de David Vann. Disons plutôt, alors, qu'il franchit ici un nouveau palier.

Un adolescent, Galen, hyper-sensible, cherche, comme parfois on le fait à son âge, et à défaut peut-être de l'absolu, au moins un certain sens aux choses et à la vie. Sa mère, Suzie-Q, peut bien faire semblant d'avoir les pieds sur terre : elle sait, et nous le sentons avec elle, que sa vie est derrière, que le bonheur est pour hier, que rien d'autre ne s'annonce qu'une vie sous tension, une vie à problèmes ; elle a donc jeté son dévolu sur ce garçon un peu étrange, tenté par un bouddhisme plus ou moins intégral, une espèce d'animisme pour teenager en mal de tout, jeté dans une sorte de retour à la terre organique et rédempteur ; elle l'aime, trop sans doute, mal probablement, mais c'est une mère, et c'est un fils. Il y a la grand-mère, recluse dans un institut spécialisé, pas trop inconfortable, ni trop indigne, elle veut rentrer chez elle bien sûr, mais ne sait pas même où cela se trouve, parce qu'elle perd un peu la tête, parce qu'elle oublie dans l'instant ce qui vient d'être dit ou de se produire et qu'elle finit par n'être plus qu'un danger pour elle-même. Et puis il y a la tante, Helen, en bisbille avec sa soeur, avec sa mère, on sent de la jalousie, des questions de famille, des questions d'argent, tout cela remonte probablement à l'enfance ; elle a une gamine qu'elle ne tente pas toujours de tenir en bride, Jennifer, cousine de Galen donc, adolescente comme lui, mais aussi enracinée dans le monde qu'il aspire, lui, à le fuir, et cynique, libérée, insatiable, brutale ; mais hyper-sexy, et portant son sexe en bandoulière, conquérante. Guère besoin d'en savoir plus : Impurs fait le récit d'une dislocation, de ce qui, dans une famille, et quoi qu'on en ait, est toujours un peu borderline, toujours accointé à un tropisme de violence ou de perversion.

C'est le registre, implacable, de David Vann, lui dont on a par ailleurs une image si douce, si polie. Mais voilà, l'écrivain excelle absolument dès qu'il s'agit de mettre en scène la corruption, la dépravation, l'effritement progressif du socle sur lequel on veut toujours croire que nos vies sont bâties. Certaines scènes sont simplement époustouflantes ; les scènes de famille, bien sûr, quand ça monte et que ça explose, où ce qui tenait quelques lignes plus tôt laisse place soudain au pugilat, aux insultes, aux injures et aux coups ; ces moments de pulsions sexuelles, l'onanisme cathartique de Galen, son émotion lorsque Jennifer vient à lui, dominatrice, sûre de son fait, et ces rapports entre eux, sans nul amour bien sûr, mais gluants d'odeurs, de suints et d'humiliations. Et puis il y a ce qu'à l'attention des futurs lecteurs je tairai, le dernier tiers du livre, la mère et le fils seuls à seuls, l'un contre l'autre, et que l'on ne peut lire sans éprouver un certain malaise hypnotique. David Vann réussit l'exploit de conserver à son écriture ce caractère envoûtant, distancié, presque contemplatif qu'on lui connaissait, tout en se faisant plus rêche, plus sec, plus net ; il réussit aussi, ce qui en vérité me laisse admiratif, à tenir en bride le tempo et à l'accélérer dans un seul et même mouvement où appert un souci permanent du détail, de la nuance, de la précision et de l'efficacité narratives. Les enchaînements se font donc plus vifs, et cette manière qu'il a pourtant de ne rien sacrifier à la nécessaire lenteur de la psyché, conjuguée à celle que charrient ces paysages d'étouffante chaleur, aggrave encore ce je ne sais quoi de latence qui sourd tout au long du livre et ne cesse d'inquiéter.

Ce troisième roman, qui confine au huis clos, fût-il en extérieur, s'achève donc sur une cinquantaine de pages proprement apocalyptiques. Il donnerait lieu, si d'aventure la chose se faisait, à un film bien plus horrifique que n'importe quelle adaptation de Stephen King, pour n'évoquer que le meilleur du genre - et pour esquisser, aussi, un lien délibéré entre deux littératures qui n'ont sans doute que peu de points en commun, si ce n'est, peut-être, cela : une égale puissance à faire naître des sensations qui sont à la fois étranges, de ces étrangetés qui nous viennent du dehors et contaminent nos nuits, et très intimes dans leurs résonances et leur immédiateté. Impurs n'est pas seulement le livre d'un virtuose : c'est celui d'un écrivain dont on a désormais la preuve que l'éclat de sa naissance ne devait rien au hasard.

David Vann, Impurs
Traduit de l'américain par Laura Derajinski
Sur le site des Éditions Gallmeister 

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