Sur mon père
Je me souviens que je n'avais pas eu la présence d'esprit de le penser en lisant Tolstoï, et qu'il me fallut lire le petit livre que lui consacra sa fille aînée Tatiana (Sur mon père, réédité par Allia en 2003), pour réaliser que mon père était tolstoïen.
Journal du 22 juillet 1995
J'étais jeune encore ; immature, plutôt. Je n'allais pas facilement sur la tombe de mon père - je n'y allais que parce que je m'y sentais obligé, c'est ainsi. Cette fois-là, j'avais vraiment envie d'y aller. Y songeant, je notais alors ceci, cette phrase étrange, obstinément adolescente : J'ai dû réprimer un mouvement comme un relent que l'on retient en société, le signe de croix qui grondait en moi.
Regarde-moi !
Jardins du Luxembourg. Les enfants ne cessent d'interpeller leurs parents pour leur montrer se dont ils se sentent fiers : Papa, regarde ! Maman, regarde ! (tout juste sont-ils parvenus à se suspendre à une corde ou à glisser sur un toboggan sans se ramasser). Et nous ? Nous devenus des grands, en aurons-nous jamais fini de vouloir prouver à nos parents ce dont nous sommes fiers - ou simplement pas trop honteux ? Qu'il ne soit plus là n'y change rien : je m'entends parfois, comme dans un murmure, lui lancer, à mon tour : Papa, regarde !