dimanche 25 avril 2010

Absence - Dictionnaire de la Mort

Dictionnaire de la Mort, (s/d) Philippe Di Folco - Éditions Larousse, collection In Extenso
Premiers paragraphes de la notice Absence - Marc Villemain.

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L'absence est le problème des survivants, non du mort.
Que celui-ci ait pris ou pas ses dispositions afin de léguer aux siens tout bien, spirituel ou matériel, qu'il aura jugé nécessaire ou souhaitable de leur transmettre, c'est à ceux qui lui survivent, et à eux seuls, d'apaiser l'affliction consécutive à son absence. La disparition de l'autre est donc ingrate à double titre : non contente de nous attrister, elle nous accule à surmonter notre chagrin. Ce pourquoi nous disons qu'il faut faire avec, ce qui signifie en réalité qu'il faut faire sans : sans l'autre, sans les représentations affectives, sociales et psychologiques que nous avions de notre existence avec lui, et qu'il nous faut maintenant vivre dans sa non-présence. Cette définition de l'absence comme strict négatif de la présence conduit évidemment à considérer la présence de l'absence. Au-delà de la figure de rhétorique, quiconque a éprouvé ou éprouve la désolation d'une absence sait et mesure combien l'absent peut être présent : par la pensée bien sûr, par les  rêves, d'autant plus perturbants qu'ils sont porteurs d'une vision autonome de l'être absent, mais aussi, et c'est souvent le plus troublant, jusqu'aux événements les plus anodins de l'existence. "C'est un volet qui bat / C'est une déchirure légère / Sur le drap où naguère / Tu as posé ton bras", chante Serge Reggiani. L'absent est partout, donc, à tout le moins partout où il a laissé une trace qui nous implique. ...


mercredi 22 avril 2009

Ce que nous sommes


Nous sommes des solitudes qui, de temps en temps, acceptent qu'on les accompagne. Elles s'acculent à l'unisson.

 

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jeudi 8 janvier 2009

Où vont les gens ?

Je regarde passer les avions, de la fenêtre de mon bureau : à l'instant, il en est trois qui viennent de croiser leurs fumées. Mystère des visions et autres réminiscences qui s'inscrivent en nous, j'ai cru, une seconde, que l'un d'entre eux se dirigeait droit sur la tour Montparnasse. L'illusion optique évanouie, les avions ont passé leur chemin, estompant derrière eux une traînée de poudre blanche dans le ciel obstinément froid et bleu. À l'intérieur, des gens, plein de gens, qui ont une autre vie que la mienne et qui, à cet instant précis, s'arrachent à la Terre. Je suis là, moi, bien assis, calé dans mon fauteuil, le regard tourné vers la fenêtre haute ; eux se détachent de ce qui pèse ici-bas, apesanteur. Le spectacle des avions dans le ciel me donne toujours l'impression que les gens fuient vers un avant irréversible. Je suis sûr que beaucoup y trouvent un plaisir assez trouble, mâtiné d'excitation pour le lointain et d'angoisse pour une origine dont rien ne dit qu'ils la retrouveront. Où vont tous ces gens, que vont-ils faire là-bas qu'ils ne peuvent ici, quelle affaire à conclure, quel espace, quel royaume à découvrir, quelle routine ou quelle improbable histoire à vivre ?

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vendredi 7 novembre 2008

Ecrire, dit-il

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J'ai consacré un petit essai, que je n'ai pour le moment pas publié, à essayer de comprendre sur ce qui pouvait pousser un type dans mon espèce à passer quelques heures quotidiennes devant un bureau et essayer d'y écrire - ce blog, des articles, des critiques, des livres. Bien sûr, à l'origine, les choses sont complexes,
travaillées, taraudées, bigarrées, et elles le sont sans aucun doute pour tout écrivain : quelques bonnes raisons, quelques mauvaises, en proportions peu ou prou égales. Dorénavant, et exceptés ces moments, trop rares il faut bien le dire, où l'écriture fait écho, où à un style semblent coïncider une pensée ou un désir, où l'on se prend, finalement, au jeu de l'euphorie de soi-même, dorénavant, disais-je, je sais bien pourquoi j'écris : j'écris pour elle.

 

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jeudi 6 novembre 2008

Quand l'ignorance vaut mieux que la connaissance


Ne jamais chercher à être soi, et se défaire de l'idée d'y parvenir. Ne serait-ce que parce que nul ne sait ce que pourrait être un soi pur, et que le désir même de se trouver altère notre quête. Mais surtout parce que si chacun était soi, alors la surface de la terre ne serait plus que
cadavres. 

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mercredi 5 novembre 2008

Au fil de la vie


L'homme alors se retourne, stoppé net dans son élan vers l'avant. Il regarde, s'interroge, ne voit rien, se convainc de scruter mieux et davantage cette lande qui maintenant lui obscurcit le regard. Un banc de brume recouvre tout ce qui peut-être pourrait encore subsister. Est-ce amertume, est-ce dépit, alors il tombe à genoux,
tremblement désolé. Aucune parole ne lui vient, seule une voix de lui inconnue prie le ciel que la clarté descende enfin, qu'enfin il retrouve le fil perdu.

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mercredi 15 octobre 2008

Le chagrin


Le chagrin n'empêche pas de vivre. Il vous rend juste invivable - ce qui, en effet, peut empêcher de vivre.


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jeudi 25 septembre 2008

L'intérêt de vivre

Je suis souvent frappé par l'importance que prennent dans nos existences immédiates le plus infime des événements, le plus anodin des gestes, la plus pauvre des paroles. Nous ne sommes jamais en mesure, au moment où la chose se produit, d'en relativiser la cause et l'effet, de la situer dans une perspective cosmogonique. Je me dis que cette forme douce et intégrée de l'hystérie résulte d'une inadéquation paradoxale à la vie qui est sans doute constitutive de ce qui nous rend humains. Naturellement, nous ne nous le disons jamais ainsi, pas plus que nous n'acceptons d'en accepter l'idée pour nous-mêmes : la chose serait insupportable, et la vie proprement invivable : en avoir conscience, ou simplement s'en faire la remarque, reviendrait à compromettre la vie même, qui n'est possible qu'à la condition d'y trouver intérêt. Or à quoi peut-on trouver intérêt ? A un être que l'on distingue d'amour, aux sentiments généraux que nous éprouvons, à l'effort de vivre selon quelques préceptes supérieurs, aux choses de l'esprit, autrement dit à ce que nous activons en nous pour dépasser l'être vivant des origines que nous continuons d'être aussi de manière indéfectible. Ainsi toute notre dignité consiste donc en la pensée, comme le résumait Pascal ; sans doute alors faut-il vivre en acceptant que l'acte de penser induit de vivre dans le pourtour magnificent de la mort qui nous couronne.

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jeudi 18 septembre 2008

Exquise esquive


Plus jeune, il nous semblerait intolérable, même scandaleux, d'être pascalien : nous voulons croire que nous agissons selon la morale et que nos actes dessinent une destinée. Une fois qu'on a compris que l'affairement et le remuement obéissent davantage à un désir d'esquive qu'à une intention singulière, l'on peut enfin s'accepter, et regarder l'infini venir.

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mercredi 17 septembre 2008

Au bout du trait


Plus nous avançons dans la vie, plus le paysage, derrière nous, s'épure. Ce n'est pas moins riche, mais c'est plus net. Les contours de nos actes, les lignes du temps s'affinent, jusqu'à se résoudre en quelques territoires distincts, même s'ils se chevauchent. Nous en distinguons de mieux en mieux, ou de moins en m
oins mal, le continuum latent, là où nous n'entrevoyions que désordre et basculements. Restera ce trait, sinueux, chaotique, perclus d'aléas, non exempt d'idiotie ou d'hystérie, mais au moins ce trait-là, nous saurons qu'il nous appartient en propre, que c'est à nous, à nous seuls, qu'il sera revenu de le tracer. Nous nous demanderons alors ce que nous avons tracé. Tout en sachant bien que le destin d'un trait est d'être effacé. 

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