mercredi 29 mai 2019

Mado lu par Sophie Pujas (Le Point)

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Lire l'article sur le site du Point, 27 mai  2019

Mado et Virginie n'ont pas 15 ans. L'âge de toutes les sauvageries. Amies depuis l'enfance, c'est ensemble qu'elles vont découvrir le désir. Et la passion, aux allures de brève utopie, de parenthèse aussi périlleuse qu'enchantée. Virginie se laisse tout entière subjuguer par l'imprévisible et incandescente Mado. Couve un vent de tragédie – de celles que l'on porte en soi. Devenue une adulte sans joie, mère d'une petite fille qu'elle ose à peine aimer, Virginie ressasse ces mois brûlants. Que s'est-il passé pour qu'elle perde Mado, et que celle-ci demeure son unique et insurmontable amour ? « Au fond, je me contrefiche de me souvenir. D'ailleurs, je ne crois pas aux souvenirs, nous sommes bien trop doués pour les truquer. Non, je cours après des sensations dont je connais l'arrière-goût et que, pourtant, je sais perdues, une ribambelle d'instants heureux et fugitifs, du bonheur en moignon – ma seule mémoire véritable. » Périlleux exercice que de donner voix à l'extrême jeunesse et à sa folie. Marc Villemain raconte en orfèvre cet éveil des sens, cette initiation à haut risque, avec un sens aigu du détail impressionniste et capital, de la sensualité des paysages comme de la brutalité des caresses. Somptueux.

Sophie Pujas

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mardi 3 novembre 2015

Sophie Pujas - Maraudes


Sophie Pujas - Maraudes

Un jour elle avait disparu, simplement pour voir si quelqu'un partirait à sa recherche. Personne.
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J'avais été impressionné par le premier livre de Sophie Pujas, Z. M., paru dans la très jolie collection que dirigeait J.B. Pontalis, à la fois portrait et récit très sensible de sa relation à la peinture de Zoran Music. C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'ai retrouvé dans Maraudes, en plus des coins et recoins de Paris, ceux d'un univers fragile, grâcieux, un brin nostalgique quoique sans la moindre désuétude, servi par une écriture souvent remarquable, précise, douce et impressionniste.

Etre ou ne pas être parisien, voilà qui, pour le lecteur, ne change pas grand-chose. Car s'il s'agit bien d'arpenter la capitale et d'y marauder quelques sensations, l'oeil de l'écrivain est ici notre seul viatique. Or la beauté de ce livre tient (pour partie) à ce que, en réinventant sa ville, en en recréant la matière, Sophie Pujas parvient à tisser quelque chose d'assez universel tout en y incorporant, et avec le plus grand naturel, sa pure singularité. L'oeil de l'écrivain transforme tout en mots, le dernier chic parisien comme la misère devenue ordinaire, et ces "il", "elle" ou "on", tous anonymes mais tellement incarnés, finissent par laisser penser qu'elle a croisé sur sa route l'humanité toute entière. Humanité qui d'ailleurs est rarement bien gaie, tant “le chagrin est une addiction puissante”, et même si la vie ménage toujours quelques espaces ou instants au bonheur et à l'amour - tels ces deux jeunes gens venus saluer, rue de Verneuil, la mémoire de Serge Gainsbourg “avant de tomber de sommeil au matin, tomber très doucement dans les bras l'un de l'autre, blottis dans leur joie, avant de se réveiller dans cette ville qu'ils ont rêvée à distance et qui a le talent de ne pas les décevoir.

Ce qui est étrange, et très beau, est que nous ne sommes jamais dans la déploration ; il n'y a pas place ici pour le moindre soupir, et si l'ensemble est joliment mélancolique, c'est moins parce que les choses sont ce qu'elles sont que parce que, convenons-en, “le temps n'est pas à la mesure de nos coeurs.” Pujas ne juge ni du beau, ni du laid : elle considère les choses en elles-mêmes et en prend acte, ces choses qui, s'imposant, recouvrent alors leur incontestable nature primitive. La ville est tendre et brutale, imprévisible et fonctionnelle ; or, si l'on est curieux de ses dissimulations, elle peut s'exhausser soudain d'une dimension nouvelle, plus onirique, mais aussi, et c'est là une étrangeté dont seule la littérature peut se faire l'écho, sans doute plus vraie. C'est sur cette possibilité qu'offre la littérature, bien sûr de réinventer le monde mais peut-être plus encore d'apprendre à le faire sien, que Sophie Pujas déploie une phrase dont il faut applaudir l'économie autant que la petite musique, illustrant de la plus belle manière cette pensée, simple, première, probablement fondatrice de ce récit, suivant laquelle “s'égarer est un art de vivre.” t

Retrouver Maraudes sur le site de Gallimard / L'Arpenteur

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