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Marc Villemain
7 juillet 2008

THEATRE : Délivrez Proust - Philippe Honoré

D_livrez_Proust
Voilà donc qu'on nous invite à une DÉCLINAISON LOUFOQUE ET SENTIMENTALE AUTOUR DE PROUST. Après tout, pourquoi pas : soyons modernes. C'est un des grands dadas de notre époque que de vouloir trouver du rire et du loufoque en tout, quitte à en fabriquer ex nihilo si vraiment on rentre bredouille. En fait de loufoque, nous ne trouverons rien ici qu'un empilement de caricatures, un peu comme pouvaient l'être les pièces que les bouffons jouaient pour complaire au roi, naguère : juste ce qu'il faut d'humour gras (ah, les "matières de Marcel" !), de pochade sociale (la bouche en cul-de-poule de Madame Verdurin), et d'anachronisme car ça fait toujours rire - cf. Les Visiteurs. Bon, on rit sous cape, c'est sûr, mais pas toujours à bon escient, et rarement pour la bonne cause.

L'intention, cela dit, n'était pas déplaisante - mais il est vrai que l'enfer en est pavé : donner envie de Proust, dédramatiser l'épaisseur de La Recherche, rire, car cela est risible en effet, bien sûr, des us et coutume de la belle société d'époque, faire entendre ses résonances dans notre temps contemporain. Mais le didactisme ici devient vite très lourd, tant il est éculé, attendu, vaguement poujadiste. Les deux acteurs, Anne Priol et Pascal Thoreau ne sont pas mauvais, ils se donnent, essaient d'y croire, d'habiter autant que faire se peut un texte hilare, parfois même semblent y chercher autre chose, jusqu'à éprouver une émotion sincère ; aussi la chute est-elle un peu plus tenue, le texte prend enfin le dessus sur la grimace. Mais voilà : d'un texte un peu sot et mal mis en scène, il est difficile de tirer autre chose que des soupirs. Jusqu'à l'exaspération pour ceux qui ne supportent pas que Proust fasse l'objet d'un tel simulacre ludique ; avec un peu plus d'indulgence si l'on accepte que Proust a aussi le droit d'être mal interprété.

DÉLIVREZ PROUST, d'après Marcel Proust, de Philppe Honoré - Mise en scène de Philippe Person, avec Anne Priol et Pascal Thoreau.
Théâtre du Lucernaire, Paris.

Commentaires
M
Sans doute, même si le phénomène est tout de même loin d'être nouveau. Le problème, c'est quand le registre n'est pas assumé : on veut faire rire pour pas cher, et en même temps on voudrait faire chic. Je ne déteste pas rire gras, c'est aussi une dimension de l'humain (nous ne sommes pas des anges), mais pour peu que j'entende le second, voire le troisième degré ; or, de plus en plus, le vulgaire se mêle à la matière noble ; résultat : cela enlaidit le noble, et rend le vulgaire simplement pornographique. Personne n'y gagne. <br /> <br /> Oui, j'ai parcouru le dossier sur l'humour, où il y a pas mal de choses à prendre, ainsi que le propos de Finkielkraut ; il lui est certes difficile de nous surprendre, puisqu'il dit à peu près la même chose depuis quinze ans, mais, sur cette question précise, je suis plutôt d'accord avec lui, en effet.
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T
Après les livres de vulgarisation scientifique dite ludique, voici venu le temps des livres de vulgarisation littéraire (ludique, forcément). Je pense qu'il s'agit d'une niche éditoriale qui va être de plus en plus exploitée.<br /> On pourra lire le dossier du numéro d'été du Magazine Littéraire, consacré à l'humour, et en quoi l'humour n'est pas le rire (gras) et le comique (cf. l'entretien de Finkielkraut, intelligent sans vouloir trop l'être).
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