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Marc Villemain
6 mars 2007

Pain Of Salvation à l'Elysée-Montmartre

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L
es rockeurs ne sont plus ce qu'ils étaient. Aussi les trois-quarts du public réuni samedi dernier à l'Elysée-Montmartre pour le passage de Pain Of Salvation ont-ils copieusement applaudi à l'injonction, lancée (en anglais) par une voix d'hôtesse d'accueil, de ne pas fumer dans la salle. J'avoue en être resté baba, avant de me ressaisir et d'en allumer une fissa. Non seulement le rockeur n'est plus le rebelle d'antan et a remplacé les tiags par les mocassins, mais il est sage et obéissant. Qu'obligation légale soit désormais faite à la direction de l'Elysée-Montmartre de prendre soin de notre santé est une chose, que le public applaudisse à l'ordre moral (qu'il soit royaliste ou nicolien) en est une autre. Enfin faisons taire notre agacement : l'affaire semble consommée. Et durablement, avec ça.

Groupe à part dans la galaxie metal, Pain Of Salvation en est aussi un des plus beaux fleurons. Foin de clichés pour ces musiciens exigeants, ouverts et inspirés. Soudés autour du charismatique et très talentueux Daniel Gildenlöw, le groupe renouvelle à la fois le genre et sa propre discographie à chaque nouvel album, puisant aussi bien dans la grande époque floydienne que dans le folklore, le jazz, le black metal, ou des musiques que l'on qualifiera par défaut de plus industrielles. Un tel patchwork ne suffirait toutefois pas à ancrer un style. Ce qui fait le lien, mais le mot est peut-être par trop imprécis ou vaste, c'est la mélancolie, tout à la fois rageuse et résignée. Textes et musiques s'allient pour déployer une vision assez désespérée du monde et des rapports humains, sans rémission possible, articulée autour de la difficulté des hommes à se comprendre eux-mêmes ou à communiquer entre eux. Les éclaircies sont rares, le plus souvent joueuses ou ironiques - le fameux Disco Queen. Ce qu'on aime chez Pain Of Salvation, outre la qualité des compositions toujours très élaborées, c'est sans doute que chaque morceau, texte et musique, cherche à disséquer ce que nous avons en nous de plus intime : le malaise existentiel. D'où cette douceur empreinte de tristesse sur le très beau Undertow, qui contient sa violence jusqu'à la fin, la colère qui pointe ne pouvant complètement exploser. D'où, aussi, ces moments plus brutaux, plus lourds, mais qui n'ont de sens que dans le surplomb de l'angoisse, et parce que revient toujours le temps de l'introspection. Ce double tropisme est à ce point patent que le groupe n'a pas hésité à entamer son rappel par une reprise, à tout le moins inattendue, du très beau Hallelujah de Leonard Cohen - que Jeff Buckley avait également repris avec le succès que l'on sait. On aurait pu craindre que la chanson soit peu à peu tirée vers quelque chose d'un peu heavy, plus prévisible. Or les musiciens ne sont pas tombés dans le piège et ont su restituer l'émotion originelle, conservant à la chanson son dépouillement premier, et maintenant ce que la prière, ou la plainte, peut avoir d'authentique.

DSC00063Maintenant, nous sommes bien dans un concert de rock : ce que la musique de Pain Of Salvation a d'émouvant, voire de poignant, lorsqu'on l'écoute chez soi (comme nous pouvions écouter un vieux Pink Floyd, c'est-à-dire en installant une atmosphère un peu sombre et méditative, encens et bougies compris) cède la place, en concert, à l'énergie. Et la grande modestie de la mise en scène (pour ainsi dire inexistante) conjuguée à un son d'une grande clarté, n'enlève rien au fait que le rock, c'est aussi une énergie brute et physique. Il n'y a rien de contemplatif ou de planant dans la musique de Pain Of Salvation, et les moments de douceur ou de retrait sont aussi des moments de grande puissance : simplement est-elle maintenue dans sa gangue d'émotion et de musicalité, sur un fil dont on dirait qu'il s'apprête toujours à rompre. Là réside une des grandes différences avec un groupe comme Dream Theater, par exemple, techniciens sans plus doute plus accomplis encore mais que la quête esthétique et le goût du concept éloignent parfois de ce que l'émotion doit avoir d'impérieux. Aucun risque de la sorte avec Pain Of Salvation, qui sait que ce n'est pas seulement pour les oreilles qu'on fait de la musique.

Photos personnelles

Commentaires
M
Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est le meilleur concert que j'aie jamais vu, non, ça, sûrement pas. C'était le concert honnête d'un groupe en effet plus que très estimable, talentueux, imaginatif et intègre. <br /> <br /> S'agissant de la cigarette, je baisse les bras : j'ai suffisamment argumenté et péroré sur le sujet... Toutefois, est-ce bien nécessaire de vous dire que vos arguments ne me convainquent pas, mais pas du tout... ? et que la démocratie dont vous parlez me semble plus proche du simulacre ? Enfin bon, ce n'est pas bien grave ! et je répète que je démissionne, obtempérant (fût-ce de mauvais coeur) aux injonctions "démocratiques"... <br /> A bientôt, oui, pour la suite du débat - celui-ci ou un autre.
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G
bonjour ,je cherchais juste des gens qui étaient present a ce concert afin de voir la réaction , afin de savoir si je me suis emballé pour rien ou si pain of salvation c'est vraiment géniallissssssssime ( oué on dirait un ado mais bon !! ) c'était le meilleur concert que j'ai vu , tout était la , daniel chante merveilleusement bien , le bassiste semble bien intégré au groupe , ils sont trés drole dites donc !!! je ne pensais pas autant , enfin une soirée aussi merveilleuse que courte !! et le rappel magnifique !!! enfin bref voila j'suis content que ce ne soit pas qu'une impression de ma part , vivement la prochaine fois . Ps : pour la clope , si la majorité de la salle était ravi de ne pas fumer , c'est ce qu'on appelle la démocratie ! , sachant que d'une part c'est interdit maintenant et que d'autre part la majorité du public était ravi de ne pas avoir de fumer devant les yeux pour apprécier le groupe au sommet de sa gloire , il est tout a fait logique d'accepter de ne pas toucher de clopes pendant 2 ptites heures !! surtout en plus si le groupe est de cet avis aussi !! , bref le public ne s'est pas plié a une quelconque forme d'interdiction mais au contraire a une sorte de vote démocratique presque !!! ( c'set la période ) ...voila , je dis ca gentiment , jsute opur m'exprimer sur le sujet :) <br /> merci a vous et peut etre a biento pour la suite du débat
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K
Et avez-vous jeté une oreille à leur album live "12:5" ? Toutes les chansons ont été recomposées en acoustique. Le procédé est assez banal, d'accord, mais c'est vraiment une recomposition. Des chansons hard ou sombres deviennent peut-être pas joyeuses mais plus légères, comme Ashes par exemple. C'est peut-être pas ce qu'ils font de mieux mais j'aime beaucoup.<br /> Je crois savoir d'ailleurs que pour cette tournée ils ont donné un concert acoustique en Suède. J'aurais bien aimé voir ça.
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M
Comme vous, je trouve le dernier "Scarsick" un peu moins émouvant. Et j'ai aussi une prédilection pour "Remedy Lane" (Undertow, Chain sling, This heart of mine, Beyond the pale...) et Be (superbes Imago, Iter Impius, Martius...). Ce que je connais de "Entropia" ne me plaît pas beaucoup, et j'ai pas du tout "One hour..." dans l'oreille.
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K
Sur ma gauche, il y avait un grand garçon avec des boules en mousse reliées par un fil. Enfin bref, nous ne nous sommes pas vus.<br /> <br /> Certes mais admettez que le tabac puisse mieux aller à la voix de Joe Cocker ou d'un Brian Johnson qu'à celle de Daniel Gildenlow quand il pousse des aigus. Quoi qu'il en soit, un concert rock n'est jamais parfait acoustiquement (mais mon expérience est limitée). Mais les voix (chœurs compris) ne m'ont pas déçu.<br /> <br /> Pour le bidule anglais que je racontais, ça donnait à peu près "Je suis désolé, je ne sais pas parler français mais nous pouvons vous parler suédois", et là ils parlèrent suédois. Bon, ça donnait mieux en vrai.
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