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Marc Villemain
7 mars 2007

Sur la terre comme au ciel


Pourquoi croyons-nous en Dieu ? Pour trouver la force de quitter la terre apaisés.
Pourquoi n'y croyons-nous pas ? Pour trouver celle d'y rester.

Commentaires
F
Extrait de mon roman, Frédéric, Ludwig et le troubadour :<br /> <br /> "Le lendemain matin, deux jours nous séparaient de l'ouverture de la master class. Nos valises étaient faites. Nous étions à Menton vers 10 heures 30. La capitale française du citron était bien agréable. Tout était prêt, dans la grande demeure des Arts et de la Culture, pour accueillir les quatorze participants. Trois pianos, prestement analysés par Frédéric, étaient à disposition, en attente de découvertes. Nous profitions de notre journée à visiter la ville, à faire les fous dans le vieux port, enjambant le grand escalier qui aboutit à l'église Saint-Michel. Ciel, encore du baroque ! <br /> Le chrisme XP, les missels alignés aux bords des bancs de l'allée centrale, les images de la cène, de l'esprit saint, de la Résurrection, la bienveillante sérénité des lieux paraissaient si loin des épées rouges de fervents cardinaux, des visions apocalyptiques engendrées par des convictions sans appel. La peur et l'angoisse ne sont-elles pas les roues motrices de cette foi.<br /> Nous étions jeunes, beaux et vivants et dans l'encensoir, il n'y avait pas la moindre tentation nébuleuse de suivre le Diable ou Dieu.<br /> Là, près du confessionnal - ce petit espace sombre coupé au milieu par la frontière du bien et du mal, par les petits trous filtrant le poids des péchés, par cette conscience maligne qui pose dans les mains la pénitence, par cette absolution sans cesse renouvelée pour garder les fidèles - là, près du confessionnal, Jésus est en croix.<br /> Dans ses yeux proches de cette mort prédestinée, il y avait peut-être la révélation de sa vie, il se faisait dans l'obscur après-midi du Golgotha l'entière lumière d'une conspiration gigantesque, de quarante jours à combattre le Mal au nom du Bien, à moins que ce ne soit le contraire. Dans ses yeux, il y avait peut-être la clé de la douloureuse vérité : Dieu et Satan ne faisaient qu'un ou du moins étaient-ils liés au point d'avoir modelé ensemble le premier adam. Dans le jardin des délices dessiné par les architectes associés, créateurs de l'espèce humaine, se dressent l'arbre de vie et l'arbre de mort. Et voici Eve, séduite par l'animal rampant qui conduit l'humanité entière dans le discernement et la reconnaissance du Bien et du Mal, par le biais de la conscience, dont le poids, semble t-il, conduit certains humains vers des routes pathogènes.<br /> Puis, plus tard, il y a eu d'autres Jésus, là où on ne les attendait pas, guidés par l'amour et la bonté. Il y a eu d'autres adams, organisateurs de mythes ravageurs, profitant de la difficile acceptation du néant, utilisant la prédiction du chaos pour obtenir un droit au privilège d'une immunité totale. Ces adams là n'ont-ils pas fait Dieu à leur image ? Soit !<br /> Dieu existe, les Dieux existent, ils tendent leurs filets sous les pieds des espérances, des peurs et de la consolation des humains en participant à une logique du monde. En Egypte, Awonawilana se transforme en Soleil, Le Père des Indiens Winnebago crée le monde par la pensée, celui des Uitoto, en Colombie, crée l'existence en transformant ses rêves en réalités.<br /> Les Dieux existent puisque les humains existent.<br /> <br /> Prise de frissons dus vraisemblablement à la fraîcheur humide des lieux, je pris Frédéric par le bras. Aveuglés par le passage de l'obscur au clair, protégeant nos pupilles avec l'ombre de nos mains, nous avons pris le grand escalier à l'envers. Ludwig, le torse bombé, la tête haute, chantait l'ouverture de Tannhäuser, Frédéric riait aux éclats. Après de longues déambulations dans les rues de la ville, un banc décoré de mouvances passagères crées par un vent léger animant le feuillage des citronniers, finit par avoir raison de nos corps lestes d'une chaleur estivale."
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M
Je ne m'autoriserai pas à me revendiquer de quelque lucidité que ce soit... Cela dit, on peut se sentir obligés à la lucidité. Je veux dire : il peut arriver qu'on y soit poussé, malgré soi, presque mécaniquement. Ne serait-ce que parce que les illusions d'autrefois ont pu nous devenir, au fil du temps, plus effrayantes encore que ce que nous révèle notre lucidité...<br /> Mais je vais bien... !
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M
Autant de lucidité finit par m'effrayer...<br /> Dites, vous allez bien?
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