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Marc Villemain
4 avril 2007

Marty Friedman au Trabendo : mortel ! (comme on le dirait de l'ennui)

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I
l semble que les queues de cheval eighties qui aimèrent en leur temps ce navet culte que fut Top Gun se soient données rendez-vous hier soir au Trabendo, à la Villette. Y était annoncé Marty Friedman, guitariste américain tombé dans la guitare après avoir passé sa jeunesse à écouter Kiss et les Ramones - et avant de connaître le succès quasi planétaire avec Megadeth. Eh bien ce fut très, mais vraiment très ennuyeux. Les quelques amateurs de guitare qui, bouche bée au premier rang, tentaient de relever quelques accords ou positions, devraient passer à autre chose : décidément, Friedman n'est pas le Coltrane de la guitare heavy. Je suis un peu sévère, mais deux petites heures en sa compagnie suffisent à constater qu'il n'a rigoureusement rien inventé. Quant à ceux
(c'est un peu mon cas...) qui avaient juste envie de regarder cinq doigts descendre le manche d'une six cordes à la vitesse de la lumière et d'en prendre plein la poire, ils peuvent également trouver motif à déception. Ce qui manque le plus à ce guitariste (dont je ne voudrais tout de même pas laissé entendre qu'il n'a pas de talent, car il a indiscutablement une technique et une oreille), c'est l'inventivité. Celle de son jeu comme celle de sa musique, qui s'avère très convenue - globalement, un mélange de vieux rock hyper-speedé et d'harmonies sirupeuses dont on se dit qu'elles auraient pu faire la bande-son de Deux flics à Miami ou de Dawson.

Outre que le beau Marty est un peu agaçant, genre petit teigneux prétentieux qui jette son médiator au public chéri après chaque solo et ponctue toutes ses phrases d'un all right compulsif, sa musique est aussi lourde qu'une plaquette de beurre distillant ses graisses dans un kouglov - bon, d'accord, je sacrifie un peu au plaisir du bon mot. A sa décharge, il faut dire qu'il prend le risque d'un genre assez peu usitée dans le heavy : l'instrumental. Or il faut pour cela ne pas tomber dans le piège qui consiste à jouer le thème à la guitare comme s'il était chanté, sauf à ce que le thème soit particulièrement inspiré, ce qu'il est rarement ici. Il y a certes quelques bons moments, quand Friedman lâche un peu son jeu et allège une musique dont la caractéristique principale est tout de même d'être très excessivement carrée, ne laissant pour ainsi dire aucune place à l'aléa de la liberté. Il est heureusement soutenu par le second guitariste (Ron Jarzombek), moins connu, plus réservé, mais au jeu très appréciable, aussi vif et précis que celui de la star. Pour ce qui est des autres, mon vieux complice Lionel, qui s'acharne, non sans un certain sens du sacrifice, à m'accompagner dans mes errances metalleuses, me fit remarquer que le bassiste (dont l'instrument semble être doté de deux cordes superflues) a l'air d'avoir été croisé avec un bouledogue. Quant au batteur, dont les tatouages font office de tee-shirt, il joue exactement comme le ferait un métronome : c'est une enclume qui aime le bruit (les fûts), et assez peu la finesse (les cymbales).

Je le disais, la musique exclusivement instrumentale est un défi pour les musiciens de metal. Ne parviennent à le relever que ceux dont la culture est plus large sans doute que celle de Marty Friedman et qui se sont ouverts à d'autres horizons que le seul rock US. On peut penser ici à ce vétéran qu'est Uli Jon Roth, même si son amour de Vivaldi est parfois un peu écoeurant : au moins est-il sincère, grand musicien, fin compositeur, et n'hésite-t-il pas à sortir des sentiers battus. On peut penser aussi aux longs passages instrumentaux de Dream Theater, parfois un peu tarabiscotés, mais empruntant plus ou moins consciemment à un jazz-rock qui leur permet d'ouvrir largement la palette sonore et de se jouer des registres harmoniques. Toutes choses qui, hélas, font défaut à Marty Friedman, dont nous attendons toujours le grand oeuvre - et au passage la preuve qu'il aime autant la musique que son instrument.

Son nouvel album s'appelle Loudspeaker. Voilà qui convient parfaitement.

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