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Marc Villemain
22 mai 2019

Mado lu par Alexandre Burg ("Garoupe)"

 

Mado... et Virginie

 

Mado raconte l’histoire de Virginie qui raconte Mado. Virginie et Mado sont jeunes, 9 ans au début du récit puis très vite 14 ans, entre les deux une rupture amicale due aux agissements des frères jumeaux de Mado, avec des caractères bien trempés mais bien différents. À l’exubérance de Mado répond la timidité de Virginie, à l’assurance de Mado répondent les hésitations de Virginie.

 

Mado raconte surtout la découverte pour Mado et Virginie de l’amour naissant entre elle, de la passion dévorante qui va les unir pendant un an avant de les terrasser l’une et l’autre.

 

Désir, jalousie, peur : telle pourrait être la sainte trinité de la passion selon Marc Villemain. La passion serait une pièce de monnaie dont Mado serait alternativement une face et puis l’autre pendant que Virginie en serait la tranche : l’une oscille constamment de tempérament, de la douceur à la violence tandis que l’autre montre une constance certaine et dans l’affect et dans la jalousie.

 

« Il y avait la brusquerie de Mado, cette manière insensée qu’elle avait de passer de la plus insatiable des tendresses à la tyrannie la plus dévorante. » Telle est Mado, être bicéphale, qui montre tantôt un visage et tantôt l’autre et fait souffler le chaud et le froid sur le corps et dans le cœur de Virginie. Autant Mado parait sûre d’elle, forte de la puissance de ses 14 ans insouciants et inébranlables, autant Virginie semble balbutiante, incertaine, se découvrant petit à petit comme une pellicule sur laquelle Mado ferait office de révélateur.

 

Je me souviens encore du bonheur de lecture que fut le précédent livre de Marc Villemain, « Il y avait des rivières infranchissables »… « Mado » ne lui rend rien, au contraire. Aussi tendre, aussi fort, aussi bouleversant, aussi bien écrit, aussi envoûtant que le précédent, Mado le sublime et le pousse encore plus haut. Marc Villemain est un véritable peintre des sentiments et ce n’est pas donné à tout le monde. C’est même tellement rare qu’il ne faut pas passer à côté de ce nouveau texte. On voudrait que cela ne s’arrêtât jamais, que le bonheur soit sans cesse renouvelé.

 

Je suis toujours sceptique devant les billets par trop dithyrambiques, qui font étalage de superlatifs tous plus extraordinaires les uns que les autres. Mais las, je me rends et m’abaisse à cet exercice de flatterie car il n’est pas vil, car il n’est pas indu, car il est justifié.

 

Il faut détenir au fond de soi une humanité gigantesque et une véritable appétence pour autrui, toute génération confondue, pour rendre à ce point compte de la pureté et de la beauté des sentiments, quelle que soit la fin qui soit réservée à tant d’amour.

 

Ne vous laissez pas avoir par le titre qui ne parle que de Mado. Certes c’est par elle que tout arrive, des agissements de ses frères à l’histoire entre elle et Virginie ; mais le livre parle autant de Virginie que de Mado. Comment ne pas faire autrement, tant ces deux gamines sont différentes et portent cette histoire, chacune sur une épaule, leurs têtes étant posées sur l’épaule de l’autre restée libre.

 

Et puis, il n’y a pas que Mado et Virginie dans cette histoire. Virginie est la narratrice du roman : c’est la seule voix qui s’exprime en racontant son passé mais ce n’est pas la seule voix qu’on entend. La voix de Virginie est déjà double : elle se raconte aujourd’hui, adulte, portant un regard sur elle-même dans le passé, adolescente, avec Mado. Il y a aussi la voix de sa fille, qui n’existe qu’à travers ce qu’en raconte sa mère mais qui, par sa présence, justifie le récit que nous fait Virginie de son passé, car sa fille va aussi sur ses neufs ans, âge auquel Virginie a vécu l’événement majeur qui a constitué les bases de l’adolescente et de l’adulte qu’elle est devenue (les frères de Mado l’ont laissée, nue, sur la plage, après lui avoir volé ses vêtements).

 

Et puis il y a la plage, la mer, la cabane de Virginie, son repère secret et celui qui abritera leurs amours naissantes, celui qui sera le témoin de leurs trahisons…

 

Je pourrai continuer à vous dire toute la beauté de ce texte, toute sa force, toute sa férocité aussi, sa brutalité et sa tendresse. Mais laissez-vous prendre dans les filets de Mado et de Virginie, vous ne le regretterez pas.

 

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