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Marc Villemain
pensees profondes
12 novembre 2006

Baccalauréat


Qui est autorisé à me dire : "tu dois" ?
Ce fut le sujet de l'épreuve écrite de Français du baccalauréat, lorsque je le passais. Rétrospectivement, je me dis que c'est assez drôle d'être tombé sur cette question : je n'ai eu de cesse, depuis, de me la poser. Je n'avais récolté alors qu'un modeste 12/20, mais sans doute ne ferais-je pas beaucoup mieux aujourd'hui — ne serait-ce que parce que je continue d'ignorer la réponse.

7 novembre 2006

Les cahiers au feu


Avant de me débarrasser une fois pour toutes de mes journaux intimes - les vrais, ceux que l'on écrit à un âge où l'on ne se supporte pas plus soi-même qu'on ne supporte ce qui nous entoure - je ne peux évidemment pas m'empêcher de les parcourir, ne serait-ce que pour m'assurer qu'il n'y aurait pas là, allez savoir, un souvenir, une anecdote, un bon mot pourquoi pas, qui pourraient m'être utiles. Eh bien non ! Comme prévu : peu de choses - rien. Sauf lorsque j'y suis authentique - ce qui est rare. Alors, ça et là, perce quelque éclair de lucidité douloureuse - ainsi cette note du 15 mai 1993 :
     
     "Deux heures du matin - Lecture du Journal de Kafka. C'est à désespérer d'écrire. Serait-ce alors la vanité qui me susurre d'essayer quand même ?".

2 novembre 2006

Je passe

Enfant, je posais des questions : je voulais comprendre le monde - j'étais un enfant.
Adolescent, je l'avais compris : j'ai voulu le changer - j'étais un adolescent.
Au sortir de l'adolescence, j'ai hésité : le changer, oui, pourquoi pas, il est trop laid ; mais je voulais aussi, et tout autant, y goûter : cela fit de moi, peu ou prou, un socialiste.
Jeune adulte, je me suis fait honte ; il me fallait trancher : j'ai amorcé un mouvement de recul, de retrait - mais discret.
Adulte, les premières fatigues venant, j'ai commenté le monde - aidé en cela par la foule de ceux qui s'obstinent (à échouer) à le changer.
Premiers pas dans le vieillissement ; je commentais le monde avec colère : je le commente avec lassitude - avec réticence.

Plus tard, vieux et malade. Le monde n'est plus en moi. Je ne lui demande rien. Facile : il n'attend rien de moi.
Elle et moi - souvenirs et clins d'œil.
Et le marbre.

D'autres continueront. Mais ce sera plus dur.

26 octobre 2006

La phrase existe-t-elle ?

J'entendais l'autre jour ce cabotin de Jean d'O(rmesson) expliquer que son mot préféré, ou plutôt ses deux mots préférés ("mais ce sont les mêmes") étaient "Dieu et (ou est) amour". Je ne suis en vérité pas convaincu qu'il le pensât réellement, mais enfin disons qu'on ne pouvait pas s'attendre à autre chose de sa part.

L'anecdote eut pourtant ceci d'intéressant pour moi qu'elle m'inspira une réflexion dont je sens bien qu'elle irradie depuis longtemps, mais que je ne m'étais finalement jamais faite avec une telle acuité : si j'exerce mon métier d'écrivain, c'est que je cherche la phrase qui dira l'existence - toute l'existence ; qui saura en dire la seule chose qu'il faut en savoir. La phrase, car bien sûr il n'y en a qu'une - puisqu'elle dira tout. Comment expliquer qu'une telle chimère, que l'on pourrait assez facilement apparenter à la quête du Graal, puisse prendre corps ? et comment expliquer qu'elle se pose sans doute à tous les écrivains ?

24 octobre 2006

C'est la ouate

Il est déconcertant de vouloir écrire, d'en éprouver le désir - de l'éprouver, même, avec une certaine vivacité - et de ne rien trouver à écrire. Ce n'est pas le syndrome de la page blanche, ou pas tout à fait. On sent surtout s'interposer entre soi et le monde une sorte de pellicule, ou un écran de ouate - des poussières parasites qui tuent dans l'œuf toute représentation, tout sentiment naissant. L'indifférence ne nous emporte pas, ou pas forcément ; nous sommes plus près d'un état que recouvre une forme de mutisme ou d'atterrement. Quelque chose d'impérieux en tout cas, et d'impérial. La volonté ne peut, seule, en venir à bout, pas plus que le désir, ou même le travail. Il faut attendre. Attendre, non que cela passe, mais que ce qui naît et semble vouloir se mouvoir en soi ait achevé sa course, soit allé au bout de ses petites œuvres. Il faut laisser aller la chose en soi, accepter d'attendre qu'elle se soit épanchée et ait tout recouvert, dans une attitude d'ouverture, de consentement, de contemplation active. Cela tient à un fil. Est-ce à dire que la machine en nous à fabriquer les mots peut s'émanciper de l'idée ou de la pensée ? Je ne crois pas - même s'il n'est d'aucune utilité d'avoir quelque chose à dire pour l'écrire. Simplement que l'idée et la pensée ont besoin de temps, et qu'elles nous manipulent.

16 octobre 2006

Les uns et l'autre

Le statut bâtard du blog, qui joue de l'ambiguïté entre la fausse sincérité du journal intime et l'engagement d'une parole qui vole aux quatre vents, permet de dire sur soi des choses parfois impossibles à dire à l'autre - spécialement l'autre dont on sait qu'on a l'oreille, peut-être le cœur.

Nous parlons pour tous, et tous peuvent nous entendre, mais nous n'écrivons au fond qu'à ce seul autre.

3 octobre 2006

Soyons lucides :...

... ce n'est pas parce que mes livres n'ont pas de succès qu'ils sont bons.

3 octobre 2006

Variante :...

... ce n'est pas parce que j'écris de mauvais livres qu'ils doivent avoir du succès.

29 septembre 2006

Ecrire et bruire

Une brasserie parisienne où j'ai quelques habitudes. Aucun goût notable, aucune originalité, rien pour se distinguer, aucune sociologie attitrée, aucun code ni signe de reconnaissance, juste les gens du quartier, ou ceux qui y travaillent, et les touristes. Ambiance sonore maximale : on se croirait dans une de ces discothèques des années quatre-vingt, criardes, kitsch, plutôt sans âme. Mais, comme partout où l'homme a ses habitudes, bien sûr on est gentil avec vous. Je connais les serveurs, ce sont des bosseurs, ils sont efficaces, serviables, toujours une attention pour moi. L'un d'entre eux me demande comment je fais pour lire dans tout ce bordel : faute de mieux, je lui réponds que c'est un bon exercice. N'empêche, je ne pouvais jusqu'à présent ni lire ni écrire sans qu'ait été fait le plus total silence : le passage d'une voiture dans la rue, le goutte-à-goutte d'un robinet défectueux, le bruit de pas des voisins dans l'escalier, un lointain grésillement, tout me troublait au point de m'empêcher d'écrire - ou au point de m'en donner le prétexte. Ici, maintenant, dans ce capharnaüm où tout s'efface tant tout est recouvert,  je peux lire et écrire - je veux dire que je peux vraiment le faire Sans doute parce que la lourdeur ambiante, cette vulgarité qui bruit de tous les bruits de la mécanique quotidienne, m'oblige, par esprit de contradiction et comme pour rétablir l'équilibre, à une certaine dignité dans la pose ; mais plus sûrement parce qu'alors je trouve quelque chose d'autre à fuir que moi-même.

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