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Marc Villemain
9 mars 2007

Michel Jonasz au Casino de Paris

Michel_Jonasz
J'
ai toujours été un grand admirateur de Michel Jonasz, que je tiens pour l'un des tout meilleurs interprètes, paroliers et compositeurs de chanson française. Et ils ne sont pas si nombreux, ceux qui peuvent encore inscrire leurs pas dans cette grande tradition, où Jonasz tient une place à part, en raison de ce qu'il est bien sûr, mais aussi parce que ses influences débordent assez largement du cadre.
Sans doute l'hommage qu'il rend à la 
« chanson française » dans son dernier album ne  se déposera-t-il pas en moi aussi profondément que d'autres moments de son œuvre.  Toutefois, même si l'on est, comme moi, un peu moins sensible au fond de jazz-rock mâtiné de fusion et de funk de ce dernier album, il faut bien admettre que, non content d'avoir su s'approprier le répertoire et le réarranger de fond en comble, Michel Jonasz l'interprète au plus juste, sans trop en faire ni en cherchant jamais à singer qui que ce soit. Nombreux auraient sombré dans le mélo ou le mauvais goût.

Il arrive un peu à l'étroit dans un costume gris scintillant qui aurait sans doute très bien convenu pour chanter Ray Charles, mais un peu moins Jacques Brel... D'autant que ses musiciens donnent plutôt dans le genre débraillé, dreadlocks et cool attitude. Il ne s'agit pas là d'un jugement de valeur : je pense seulement qu'un certain répertoire justifie, requiert une certaine présentation. Disons-le de manière plus esthétique : quelque chose, ici, n'est pas tout fait en accord avec le projet. Mais c'est un détail. Le tour de chant commence par Fils de..., du grand Jacques, et c'est de très bonne facture, tenu, intériorisé, d'une interprétation très juste, assez dépouillée. Le seul problème - et peut-être au fond celui qui me perturbera tout au long de la soirée - tient plutôt au public, du genre à taper dans ses mains sur chaque temps (oui, sur chaque temps !), à défaut un temps sur deux, dès qu'on le lui demande bien sûr, mais aussi de son propre chef et le plus souvent en égarant le tempo. Du genre aussi à rire un peu trop facilement - impression, ici, d'entendre des rires préenregistrés pour séries TV... Bref, je me suis parfois senti sur un plateau télé, ce qui est  tout de même assez désagréable lorsqu'on porte Michel Jonasz aussi haut dans son cœur. Je crois d'ailleurs que lui-même le sait, ou le sent, et sa manière de conduire le spectacle, de le parsemer de digressions volontiers légères, pourrait d'une certaine manière en attester. Le comble arrive toutefois lorsqu'il nous convie à un karaoké sur Les copains d'abord. Derrière la scène se déplie une toile blanche (tel l'écran sur lequel, dans l'ancien temps, nous visionnions les diapos de nos vacances d'été,) et la foule d'entonner cahin-caha la chanson d'une génération. Pour moins bienveillant que moi, c'eût été la goutte de sirop qui aurait fait dégouliner l'ambiance... Mais Jonasz, éternellement élégant, se sort toujours avec beaucoup de grâce de ce genre de situation. Mais si je comprends, ô combien, son désir de donner l'envie à chacun de redécouvrir et de chanter le grand répertoire, il n'en demeure pas moins que cela fait courir le risque d'un résultat un peu convenu, loin, bien loin, de Brassens. Et dire cela n'enlève évidemment rien à la sincérité du public, mais le risque est tout de même grand, alors, de voir transformer un répertoire profond, poétique, ironique, souvent mélancolique, en un petit tour de piste sympa - et participatif, comme dirait l'autre.
Pour ma part, je retiendrai surtout de cette soirée peut-être un peu trop professionnelle, trop bien ajustée, trop bien réglée, quelques interprétations mémorables : La mémoire et la mer de Léo Ferré, le Fernand de Jacques Brel, ou le propre hommage de Jonasz à Léo, pourtant plutôt casse-gueule. Et tant pis si je le trouve un peu trop cabotin lorsqu'il entonne L'amour sorcier de Nougaro ou Couleur Café de Gainsbourg. 

Et puis, vint bien entendu le moment où le public le réclame, lui. C'était prévu, et prévisible : nombre de ses chansons, depuis trente ans, sont passées au statut de standards, pour ne pas dire à la postérité. On l'aime aussi pour cela, pour avoir su accompagner une, deux générations, tant de moments dans l'intimité de tant de gens. Mais l'artiste est là pour rendre hommage à la chanson française, ce qu'il nous fait bien savoir (et ce choix, est-il nécessaire de le souligner, est aussi légitime qu'indiscutable). Mais le public lui lance des Micheeel ! comme d'autres des Patriiick !, alors que voulez-vous, le public chéri... Tout doucement, donc, le voilà qui entonne Les fourmis rouges, un peu hésitant - sans doute fait-il mine de ne plus se remémorer les paroles exactes... -, alors la rumeur enfle : le public, lui, les connaît, les paroles. Et cela fonctionne : l'écoute est plus amoureuse, plus instinctive, et l'on se dit que, décidément, c'est sur son répertoire que Michel Jonasz recouvre sa poésie, son authenticité, tout son talent. C'est un peu injuste, assurément, mais c'est sans doute le lot des grands artistes qui ont marqué leur temps que de ne pouvoir échapper à ce qu'ils incarnent.

Commentaires
K
J'ai toujours été rétif aux reprises de Brel et Brassens. Sans doute suis-je conservateur mais, rien à faire, dans les reprises je ne trouve plus la beauté originelle et la frustration m'empêche de trouver leur propre beauté, quand il en est une.<br /> Brassens, je ne connais personne qui l'ait bien repris à mon goût mais je n'ai pas cherché non plus. Je juge là ce qui me tomba dans l'oreille. Quant à Brel, je ne vois qu'une reprise à conserver : "Au suivant" par M (plutôt la version studio) : c'était bien du Brel mais avec le propre style de M. Rien n'y semblait forcé ni récupéré.<br /> <br /> "Fernand" est une de mes chansons préférées : je me demande comment je l'aurais reçue...<br /> <br /> Piaf, tiens, j'ai vu "La môme" hier... J'apprécie les reprises d'Armstrong, mais celles de Jeff Buckley sont ennuyeuses.<br /> <br /> Tout ceci étant dit sans connaître une seule note de Jonasz.
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