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Marc Villemain
17 juillet 2008

Nos amis les nuages


Par la fenêtre les nuages se poussent au cul comme de gros veaux marins, lourds lents et fastidieux. Ils avancent s'empilent et s'incorporent dans la plus grande indifférence pour la beauté de leurs formes, et finissent en un agrégat obèse et compact. Ce peuple étrange, moutonnier, qui se soucie d'être dans le vent et caresse les arbres dans le sens de leurs feuilles, a quelque chose qui nous ressemble
.

19 novembre 2008

De mon silence

D'aucuns, lecteurs fidèles ou simplement vigilants, s'étonneront peut-être de mon silence, à l'heure où pourraient se jouer, non seulement l'avenir du parti socialiste tel que nous le connaissons depuis trente-cinq ans (et tel que j'y ai, naguère, milité), mais la remise à plat du paysage idéologique français, voire européen.

L'explication par la lassitude, dont je ne saurais nier qu'elle possède bien des fondements, n'en serait pas moins insuffisante - et, selon l'angle d'où l'on se place, en partie injuste. S'il est vrai que ce qui semble mouvoir la vie politique française, et la manière même dont elle se meut, peuvent à l'occasion m'affliger ou me faire sourire, en tout cas me décourager, cette force à l'oeuvre n'en prend pas moins son sens dans l'évolution générale du monde. La lassitude est chose normale : aucun citoyen ne peut décemment se sentir obligé de porter intérêt à ce qui  ne lui apparaît plus que comme un spectacle assez vain, et souvent vulgaire, en plus d'être parfaitement prévisible. Le champ politique ne nous renvoie plus guère qu'une onde d'hystéries cumulatives, faites d'arrangements permanents avec l'histoire et d'augustes certitudes bien réparties : de cela seul, il serait légitime, en tout cas excusable, de se sentir las. Toujours est-il que je ne trouve au fond aucun motif de réjouissance à ce que le champ politique ne suscite plus chez moi autre chose qu'un vague mouvement d'ironie ou de dégoût.

Toute personne qui prêt attention, non seulement à la politique, mais à l'évolution de l'humanité, se retrouve au coeur de trois tentations, qu'il faut tout à la fois et paradoxalement savoir entretenir et éviter.
- La tentation de la nostalgie :
non en raison de ce type de croyance, peu conséquent, qui pourrait conduire à considérer que c'était mieux avant, mais parce que les mouvements politiques contemporains semblent de très piètres héritiers de l'histoire, ce qui les conduit à voir patiner leurs doctrines. L'histoire en effet ne sert plus qu'à cautionner le présent, et l'on n'en use plus que comme d'un impensé fonctionnel dont on manipule les symboles à la seule fin de se placer soi-même dans l'histoire. Cette tentation de la nostalgie, qui ne manque ni d'attraits, ni de ressorts, induit toutefois une forme assez mécanique d'impuissance au présent.
- La seconde tentation est celle de la radicalité, qui fait écho à la précédente et obéit au même sentiment déçu, à la même insatisfaction que procure un présent également étouffant et creux. Elle a pour avantage de secouer les inerties et d'obliger aux remises en question, mais, par indifférence relative au passé, et d'une certaine manière au réel, court le risque de l'échec permanent en s'abonnant à l'impossibilité d'entraîner suffisamment d'adhésion à ses causes ou à ses méthodes.
- Enfin il y a ce que je désignerai par la tentation de la raison, qui induit une rationalisation de l'idée de gouvernance, comme on le voit à l'oeuvre un peu partout, les véritables dirigeants (ou décideurs) étant les experts anonymes et les techniciens de haut vol qui foisonnent dans toute collectivité publique : leur but, mieux : leur mission, se résume à une veille constante afin d'organiser l'adaptation permanente à un système donné.

Tout  cela est bien sûr très schématique, mais il est certain, toutefois, que les forces politiques françaises ont à gérer en leur sein ces multiples tentations, également inopérantes quand elles sont investies séparément, sans doute plus judicieuses dès lors qu'elles sont acceptées et pensées conjointement. Pour revenir à ce qui me fournit l'occasion de ce propos, les différents courants du parti socialiste, auquel on peut adjoindre quelques-unes de ses petites forces d'appoint, se sont longtemps organisés autour de ces trois paradigmes, et continuent peu ou prou à le faire.

Nous ne rencontrerions donc que le changement dans la continuité - même si je ne peux m'empêcher de penser que tout cela se joue tout de même un cran en-dessous de ce que nous avons pu connaître dans le passé. Mon désinvestissement, presque total aujourd'hui, obéirait donc à des mobiles plus personnels. Je ne me satisfais pas, pourtant, de cette impression, récurrente, que toute ingérence du champ politique dans la pensée finit par la salir. Mais si je veux bien m'accuser de tous les torts et de toutes les démissions, je ne peux m'empêcher de déplorer l'état assez pitoyable du discours politique contemporain, que ne contribue pas à améliorer l'arrivée de nouveaux militants, dont on nous dit dans un souffle de béatitude extasiée qu'ils sont plus jeunes, plus énergiques, plus déterminés,  plus mobiles et plus ouverts que jamais, mais dont on peut tout aussi bien penser qu'ils sont moins instruits, moins lucides, moins soucieux des temps humains, de l'histoire et du monde, spécialement dans le cas de ceux qui, adeptes d'une manifestation à peine réactualisée du renouveau charismatique, disent vouloir rallumer tous les soleils, toutes les étoiles du ciel. Dans le meilleur des cas, l'enthousiasme de cette génération montante retombera comme un soufflet lorsqu'elle se heurtera au plafond et comprendra qu'on a beau monter et monter encore, le ciel nous demeurera toujours inaccessible. On fabrique ici, en dépit des apparences contraires, une génération de cyniques.

Le spectacle socialiste a donc des odeurs de vieille soupe à l'oignon. Soit. Ce n'est pas grave, on l'a déjà vu, et cela passera. Ce n'est en tout cas pas suffisant en soi pour se détacher de ce qui se joue ; il suffit de ne pas y prêter plus d'attention qu'il n'en faut. Ce qui inquiète, pourtant, et qui de facto m'éloigne plus encore de ce mouvement, c'est l'audience proprement régressive d'une rhétorique qui confond sciemment la morale et la politique et se joue d'aspirations spirituelles informulées au niveau individuel à la seule fin de combler un désarroi doctrinal et de s'enchaîner à un mouvement de foule. On ne dira d'ailleurs jamais assez combien la complaisance des médias, loin de conforter la légitimité de l'action politique, la discrédite au contraire, et pour longtemps.

Au fond, je reste persuadé qu'a de l'avenir politique celui ou celle qui en reviendra à quelques fondamentaux. Il ne s'agit pas tant de renouveler des têtes, ou d'exhiber une quelconque diversité, ou de bousculer les organigrammes internes, ou de prôner une nouvelle façon (laquelle ?) de faire de la politique, mais de recoudre le fil de la pensée. Or il ne saurait y avoir de pensée politique conséquente sans un substrat culturel qui ne se contente pas d'enthousiasme pour la nouveauté et de dévotion à la masse, toutes choses dont nous découvrons les socialistes obnubilés, et alors que nous attendons toujours de leur part une quelconque charpente doctrinale sur leur vision des relations internationales, de la culture, de la justice ou de l'économie.

Mon silence n'est donc qu'un retrait, à la fois volontaire et contraint. L'âge aidant et le temps passant, je ne vois pas bien ce qui pourrait m'en faire sortir, même s'il est vrai que l'histoire a des raisons que la raison ignore. Je sais en tout cas que la désignation d'un nouveau Premier secrétaire ne devrait pas y changer grand-chose.

11 janvier 2009

L'ordre juste (des mots)

Dans Le Journal du Dimanche, Ségolène Royal, volant au secours de Rachida Dati qui, comme maire du 7ème arrondissement de Paris, doit en effet mener une existence absolument impossible, déclare qu'elle fut la « première ministre à accoucher en exercice ». Outre que l'information mériterait qu'on la vérifiât, j'ai eu beau plisser du front et me remémorer tout ce que je savais du passé de la finaliste déchue et de la première secrétaire déçue, aucun souvenir d'aucune campagne militaire ou d'aucun théâtre d'opérations ne m'est revenu. Relisant la déclaration officielle, et considérant que je n'avais pas tout à fait terminé mon petit déjeuner, je finis par comprendre ce qu'en réalité elle voulait dire, à savoir qu'elle fut la « première ministre en exercice à accoucher » - et non l'inverse qui, en effet, aurait eu de la gueule. Où l'on voit que communiquer, c'est aussi savoir évaluer l'ordre juste des mots.

22 mai 2007

Mourir, oui. Mais comment ?


Comme tout un chacun, il peut arriver que je pense à ma mort. Les moments perdus peuvent servir à cela. Il n'y a rien là de spécialement lugubre, plutôt quelque chose d'assez factuel. Simplement m'en représenté-je les lieux et conditions possibles. Sans doute n'est-ce pas véritablement moi qui y pense, mais elle qui me fait penser d'y penser. La nuance est importante : elle signifie autant qu'on se prépare à la mort qu'elle-même suggère que l'on s'y prépare. C'est comme dans une vie de couple : ça marche à deux.

Hormis l'imprévisible accident de la route (je n'ai pas de voiture), chute de vélo (que je ne pratique pas), ou coup de poignard dans une ruelle sombre (que je fréquente peu), l'infinité des manières de mourir peut sembler assez théorique. Aussi le plus probable, quoique loin d'être certain, est que nous mourions (est que je meure) d'usure, de fatigue ou de maladie. Ainsi me vois-je assez bien mourir, après une course effrénée avec mon chien sur les falaises d'Etretat, d'une petite défaillance du coeur ; le temps que les sauveteurs arrivent et qu'ils me transportent jusqu'à l'hôpital de Fécamp ou du Havre, le mal aura peut-être fait son boulot. Je peux aussi mourir du fait de poumons négligents ; la chose se produira alors dans un lit d'hôpital, après avoir pris le temps qu'il lui aura fallu ; mais je pourrais tout aussi bien mourir d'un mal à ce jour non encore diagnostiqué. Je pourrais aussi tomber dans l'escalier, sous le poids des cartons de livres (il faudra à ce propos, Marie, que nous réfléchissions assez précisément à la question du stockage). Ou, mais cela paraît peu vraisemblable en Normandie, parce que la sole n'était pas assez fraîche. Evidemment, ma statue se trouverait confortée si je pouvais trépasser à ma table de travail, rompu de m'être acharné plusieurs jours et nuits durant sur le grand livre qui bouleversera la littérature mondiale. Cette perspective est toutefois assez peu réaliste.

Il serait difficile de nier la part de vraisemblance de ces multiples projections. Pourtant, il est à parier que la mort trouve quelque ruse qui en vienne à bout. Le travail de préparation n'en aura pas été vain pour autant, les circonstances d'un décès n'ayant d'intérêt que dans le fantasme et le processus à l'oeuvre aboutissant de toute manière à la même chute. Ce qui est étrange, si l'on parvient à sortir des représentations doloristes ou tragiques de ce mauvais moment, c'est qu'on peut aisément en percevoir les vertus presque lénifiantes. Passer de l'état d'extrême vivant à celui d'absolu néant n'est pas une énigme, comme certains esprits romantiques pourraient le concevoir, mais un fait imperturbable - qualité qui lui donne précisément cet aspect ou cette dimension de grand apaisement. Un peu à l'image du calme serein qui semble régner à la surface de la lune.

Ensuite, il y a ce que l'on pourrait souhaiter. Aussi l'idéal, pour mourir dans quelque dignité, serait de le faire à la manière de ces animaux dont on dit qu'ils sentent venir la chose et, quelques jours ou semaines avant le gong, se défont de leur monde, lui tournent instinctivement le dos et s'en vont chercher l'arbre ou le coin de terre où ils expireront, seuls. C'est une très belle image de la mort, une de celles, en tout cas, qui s'approchent au plus juste de la communication qui s'est peu à peu établie entre elle et ce qu'il faut bien finir par désigner comme sa victime. Seulement voilà. S'il semble bien que cette représentation me corresponde relativement, si elle peut répondre à la part de fantasme que je ne peux réfréner à ce sujet, elle demeure insatisfaisante à ce stade. Car je voudrais à la fois pouvoir mourir seul et dans les bras de celle que j'aime. J'ai la solution du problème, et je l'ai trouvée dans la vie : un couple, un amour, c'est une solitude à deux. Ces deux solitudes aimantes n'en faisant plus qu'une, je pourrai alors mourir sans déranger mon monde, sans avoir à en essuyer le regard, et dans la compagnie la plus chère qui me soit. S'il ne s'agissait hélas d'en éprouver la fin, ce serait presque une image du bonheur.

27 septembre 2007

La junte birmane tient parole

Ce qui est frappant dans la répression de la sédition birmane, et au-delà de toutes autres considérations politique, stratégique, militaire ou humanitaire, c'est qu'elle aura pour ainsi dire été annoncée officiellement. Ainsi a-t-on pu lire, depuis une semaine, que l'armée préparait la répression sous toutes ses coutures, politiques et logistiques, ou encore qu'elle prévenait les manifestants et tous ceux qui auraient l'infortune de se trouver dans leur sillage qu'elle s'apprêtait à tirer à vue. Ce cynisme n'est possible que parce que nous vivons dans une ère de communication frénétique qui permet, pour peu que l'on ait assimilé le fonctionnement situationniste du temps, d'annoncer l'horreur sans que l'annonce elle-même n'en modifie la survenue. Nul n'ignore ce qui se trame, les puissances terrestres réunies s'en saisissent, les appels et les tractations se multiplient, mais le feu est ouvert dès le lendemain. Et ce qui est fascinant, c'est que la surpuissance menaçante des grands ne déplace pas une virgule des communiqués et des intentions de la junte au pouvoir, absolument et totalement indifférente aux menaces de rétorsion et aux chiffons rouges agités à la tribune de l'opinion mondiale. Cette indifférence est rude à avaler pour tous ceux qui font profession de politique et d'opiniâtreté onusienne, tant le politique ne survit que parce qu'il peut convaincre les citoyens de sa capacité à se saisir du réel et à en infléchir le cours. Ici, les actions de prévention, de précaution, d'ingérence et de négociation, n'auront servi à rien, et toutes se seront heurtées à quelque chose d'incroyablement obtus et borné, au point d'apparaître comme parfaitement irrationnelle aux consciences occidentales.

2 décembre 2009

Lire écrire mourir


Je suppose
que vient un moment où l'homme sait qu'il va mourir, qu'il le sait avec la même évidence qu'il sait que le soleil se lèvera tout à l'heure ou qu'il se couchera ce soir ; au sens où cette question n'en est plus une ; ce n'est pas qu'il accepte  particulièrement son sort, mais il s'impose à son mental, à son humeur, ça vit en lui déjà, en quelque sorte il fréquente déjà la mort et il n'y a plus qu'à laisser faire et cette inaction a sans doute quelque chose d'une libération. L'idée donc ne soulève en lui aucune joie particulière, au contraire le moment de l'évidence peut entraîner de la tristesse, du remords, de l'abattement, mais malgré tout il ne peut que se sentir libéré, de l'angoisse, de l'angoisse du corps, de l'angoisse de soi - puisque je vais mourir, alors plus rien de ce que je fais ou entreprends n'a d'importance, et je puis donc le faire bien, sans aucun autre souci que cette chose et que le bien de cette chose. Ainsi, par exemple, écrire ce livre.

13 juin 2008

Manchette

Je garde de Vialatte le souvenir de son aspect à la télévision, voici quelques dimanches, un petit vieillard crapaud, chauve aux paupières plissées, fait  pour la nudité ou le pardessus, habile, neutre et rigolo, avec de la réserve et un regard. Quelque peu satanique. Plaisant à observer et à écouter comme devraient l'être les auteurs de Fantômas.

Jean-Patrick Manchette, Journal du vendredi 14 mars 1969

10 juillet 2008

Chimère


D'
où vient ce désir, soucieux, constant, de coller à son temps ? D'où vient que les humains éprouvent toujours le besoin de se distinguer de leur propre passé, non pour ressembler à ce que l'humanité pourrait être demain, mais pour se confondre avec ses manifestations du jour ? D'un côté, l'on se vante d'être moderne en oubliant machinalement ce qui fut et en lui lançant à l'occasion quelque œillade de commisération, de l'autre on se heurte à cette étroitesse d'esprit congénitale qui nous empêche de voir plus loin que le bout de nos jours. Aussi les vraies "avant-garde" ne le sont qu'à leur insu. Elles ne sont pas représentées par ceux qui scrutent l'avenir et tente de s'en approprier ce qui pourrait être les tics ou les oripeaux, mais par ceux qui embrassent les trois dimensions du temps au point même que le temps n'a plus prise sur eux. La modernité d'apparat semble avoir trouvé sa résolution dans la manifestation de ses formes - un langage, une vie sociale, un code, un accoutrement : c'est pourquoi toute mode est ringarde par essence, et pourquoi toute nouveauté tue ce qui pourrait être nouveau en elle dans l'instant même où elle s'annonce comme telle. C'est pourquoi aussi l'amour de la part sacrée de l'art ne fait plus guère recette que chez quelques fossiles et qu'il a cédé sa place à la revendication du plaisir de la reconnaissance et de l'identification : l'art, pour trouver son public, doit finalement lui ressembler, se confondre, ici et maintenant, avec ce que nous semblons ou croyons être. C'est pourquoi enfin nous pouvons faire preuve d'un optimisme suspicieux : ce que nous pensons être n'étant jamais ce que nous sommes, les œuvres et manifestations de l'art, autant que ses publics, demeurent imprévisibles.

29 septembre 2006

Ecrire et bruire

Une brasserie parisienne où j'ai quelques habitudes. Aucun goût notable, aucune originalité, rien pour se distinguer, aucune sociologie attitrée, aucun code ni signe de reconnaissance, juste les gens du quartier, ou ceux qui y travaillent, et les touristes. Ambiance sonore maximale : on se croirait dans une de ces discothèques des années quatre-vingt, criardes, kitsch, plutôt sans âme. Mais, comme partout où l'homme a ses habitudes, bien sûr on est gentil avec vous. Je connais les serveurs, ce sont des bosseurs, ils sont efficaces, serviables, toujours une attention pour moi. L'un d'entre eux me demande comment je fais pour lire dans tout ce bordel : faute de mieux, je lui réponds que c'est un bon exercice. N'empêche, je ne pouvais jusqu'à présent ni lire ni écrire sans qu'ait été fait le plus total silence : le passage d'une voiture dans la rue, le goutte-à-goutte d'un robinet défectueux, le bruit de pas des voisins dans l'escalier, un lointain grésillement, tout me troublait au point de m'empêcher d'écrire - ou au point de m'en donner le prétexte. Ici, maintenant, dans ce capharnaüm où tout s'efface tant tout est recouvert,  je peux lire et écrire - je veux dire que je peux vraiment le faire Sans doute parce que la lourdeur ambiante, cette vulgarité qui bruit de tous les bruits de la mécanique quotidienne, m'oblige, par esprit de contradiction et comme pour rétablir l'équilibre, à une certaine dignité dans la pose ; mais plus sûrement parce qu'alors je trouve quelque chose d'autre à fuir que moi-même.

24 octobre 2006

C'est la ouate

Il est déconcertant de vouloir écrire, d'en éprouver le désir - de l'éprouver, même, avec une certaine vivacité - et de ne rien trouver à écrire. Ce n'est pas le syndrome de la page blanche, ou pas tout à fait. On sent surtout s'interposer entre soi et le monde une sorte de pellicule, ou un écran de ouate - des poussières parasites qui tuent dans l'œuf toute représentation, tout sentiment naissant. L'indifférence ne nous emporte pas, ou pas forcément ; nous sommes plus près d'un état que recouvre une forme de mutisme ou d'atterrement. Quelque chose d'impérieux en tout cas, et d'impérial. La volonté ne peut, seule, en venir à bout, pas plus que le désir, ou même le travail. Il faut attendre. Attendre, non que cela passe, mais que ce qui naît et semble vouloir se mouvoir en soi ait achevé sa course, soit allé au bout de ses petites œuvres. Il faut laisser aller la chose en soi, accepter d'attendre qu'elle se soit épanchée et ait tout recouvert, dans une attitude d'ouverture, de consentement, de contemplation active. Cela tient à un fil. Est-ce à dire que la machine en nous à fabriquer les mots peut s'émanciper de l'idée ou de la pensée ? Je ne crois pas - même s'il n'est d'aucune utilité d'avoir quelque chose à dire pour l'écrire. Simplement que l'idée et la pensée ont besoin de temps, et qu'elles nous manipulent.

12 novembre 2006

Baccalauréat


Qui est autorisé à me dire : "tu dois" ?
Ce fut le sujet de l'épreuve écrite de Français du baccalauréat, lorsque je le passais. Rétrospectivement, je me dis que c'est assez drôle d'être tombé sur cette question : je n'ai eu de cesse, depuis, de me la poser. Je n'avais récolté alors qu'un modeste 12/20, mais sans doute ne ferais-je pas beaucoup mieux aujourd'hui — ne serait-ce que parce que je continue d'ignorer la réponse.

13 novembre 2006

Journal du 13 août 1993


Je retrouve cette note dans mon journal du 13 août 1993.


    Dur de trouver sa voie. Enfant chargé de rêves, d'idéaux et de destinées glorieuses ; qui a toujours voulu être le meilleur et qui ne s'en est jamais donné les moyens ; qui a toujours voulu faire croire qu'il était différent et qui n'éprouvait que le poids des dominations ; qui trépignait de mépris devant les conformismes et demeurait là, bouche bée et bras ballants, à regarder les pièges se refermer ; qui disait vouloir s'extirper de la masse et en était toujours incapable. Quelle vie aura cet enfant ?

23 novembre 2006

Du sexe des anges et de l'amour des animaux...

La technologie Canalblog est à ce point performante (mais ni plus ni moins sans doute que d'autres plateformes d'accueil) que chacun peut aisément savoir qui vient visiter son blog, ce qu'il y fait, et par quel intermédiaire il y a atterri. C'est en cliquant par curiosité sur l'option qui permet de savoir quels mots-clés les internautes ont entrés dans leur moteur de recherche pour arriver chez moi que je suis tombé sur cette entrée : " Les techniques pour pénétrer ma chienne". J'avoue avoir été stoppé net dans mon élan, ahuri (on le serait à moins) que l'on puisse : 1) compter sur Google pour trouver une réponse à cette délicate question ; 2) atterrir sur un blog aussi respectable que le mien avec de telles pensées.

17 janvier 2007

Le vide - sa sérénitude (ou -nité, je ne sais plus)


Est-il vraiment possible de n'avoir
aucune pensée ? Je veux dire, de n'avoir à ce point rien à fixer que nulle pensée n'en pourrait naître ? N'être qu'un oeil enregistreur, une éponge à couleurs, un buvard à sensations ? Laisser venir ce qui vient, ne rien chercher, ne rien vouloir, avancer en mode automatique ? Laisser l'intellect, la culture, le transmis, l'acquis, prendre le contrôle ? Être objectivement sans jugement ? Cela m'arrive souvent. Regarder les choses, mais ne rien voir. Lire la presse, s'arrêter sur des choses lues mais sans qu'aucune pensée n'advienne. Pourtant tout est bon à prendre : l'exécution précipitée de Saddam Hussein et celle, techniquement ratée, de  ses affidées ; la spiritualité sarkozienne recouvrée là-haut, tout là-haut, sur les cimes mystico-telluriques du Mont Saint-Michel ; l'exil helvétique des porte-monnaie et le soupçon de trahison nationale afférent ; la fertilité française (signe d'optimisme ou indice de désespoir ? amour de l'enfance ou peur du vieillissement ? patriotisme matrimonial ou repli familial ?) ; la remise par monsieur le Ministre des insignes de Chevalier dans l'ordre national des Arts et des Lettres à cette exceptionnelle femme de lettres qu'est Amanda Lear ; les saisons qui n'en sont plus ; la bravitude.

Dire, parler, écrire : il faut que la pensée précède - je connais les charmes de l'écriture automatique : avec moi cela fonctionne mal. Mais écrire cela, écrire sans penser, donc écrire qu'il est impossible d'écrire, n'est-ce pas déjà penser - puisqu'on pense qu'on ne pense pas ? Ou est-ce formaliser par le vide l'expression d'un atterrement devant le monde - devant les objets, les simples choses du monde ? Ou est-ce se payer de mots ? Ou est-ce tenter de ré-attribuer à son être une direction - pas même une pensée, une simple direction ? De retrouver ce qui, ordinairement, nous met au diapason ? Tout est vrai, et tout est vrai en même temps, mais à des degrés divers. Selon l'humeur ou l'énergie du moment, selon le désir ou pas que nous aurons de nous sentir participants, la chose sera agréable ou ne le sera pas : on pourra se sentir, non seulement vide, mais creux ; non seulement inutile, mais voué à le demeurer ; on enviera ce héros que devient à nos yeux tout humain agissant ; on détestera se regarder comme une molécule ; on s'allongera comme pour un dernier sommeil ; on attendra la fin du jour. Et puis, parce que le retrait requiert sa petite exigence, parce qu'il est plus fatiguant qu'il y paraît d'être fatigué, parce qu'aucune agitation ne parviendra à nous donner totalement tort ou à nous convaincre tout à fait, parce que l'énergie négative n'est pas moins noble que la positive ou parce que le vitalisme n'est pas un progressisme, on pourra aussi savourer ce qui, entre deux ombres, pourrait bien ressembler à de la sérénité. Il faudra juste savoir ne pas trop en attendre ; ne pas la confondre avec quelque absolu - le bonheur, ce genre de chose. Accepter que ce qui se pose en soi constitue une pause nécessaire dans le devoir-être. Accepter que cette pause s'impose. Et se préparer à penser de nouveau.

6 mai 2008

In & Out


La page blanche n'est jamais blanche que de nous-mêmes. Si nous prenions soin de n'écrire qu'à travers notre être seul, si nous ne nous autorisions plus un seul mot qui ne nous impliquât pas en totalité, si nous cessions d'écrire pour nous détourner de nous-mêmes, si nous cessions enfin d'attendre des échos transformés du monde qu'ils nous fournissent matière ou prétexte à écrire, alors il n'y aurait plus guère de blogs, et, aussi net,
la crise de surproduction des livres serait résolue. Ce pourquoi tout écrivain abrite en lui un vampire et un psychanalyste, et navigue à perpétuité entre les écueils du large et les récifs de l'intime.

19 mai 2008

Demain, la politique

C'est ainsi, aujourd'hui, que la politique se fait :

  • Le journal LIBÉRATION fait sa Une du jour sur les 35 heures, dont le quotidien amorce une esquisse de début de commencement de bilan. À la suite de quoi, quelques heures plus tard, l'UMP, par la voix de son secrétaire général, demande le « démantèlement définitif » de cette disposition.
  • De son côté, LE PARISIEN se demande, également en Une, et à propos du RER A, « comment sortir de la galère ». Illico presto et par voie de communiqué, le chef de file des élus UMP au conseil régional d'Ile-de-France, par ailleurs secrétaire d'État, demande à Jean-Paul Huchon, président dudit conseil, de « débloquer des moyens pour le RER A ». Et qu'importe si, par ailleurs, le même chef de file se prononce presque systématiquement contre toute augmentation du budget francilien destiné à l'amélioration des transports collectifs.

Cela vaut-il seulement un commentaire ?
Peut-être, dans l'avenir, nous autres citoyens serons-nous invités à exprimer nos suffrages en votant, non plus pour des partis, mais pour des organes de presse ? Ce serait alors, pour de bon et en toute légalité, le triomphe mille fois annoncé de la démocratie d'opinion, devenu le substrat doctrinal presque exclusif de nos grands partis.

5 novembre 2008

Au fil de la vie


L'homme alors se retourne, stoppé net dans son élan vers l'avant. Il regarde, s'interroge, ne voit rien, se convainc de scruter mieux et davantage cette lande qui maintenant lui obscurcit le regard. Un banc de brume recouvre tout ce qui peut-être pourrait encore subsister. Est-ce amertume, est-ce dépit, alors il tombe à genoux,
tremblement désolé. Aucune parole ne lui vient, seule une voix de lui inconnue prie le ciel que la clarté descende enfin, qu'enfin il retrouve le fil perdu.

8 janvier 2009

Où vont les gens ?

Je regarde passer les avions, de la fenêtre de mon bureau : à l'instant, il en est trois qui viennent de croiser leurs fumées. Mystère des visions et autres réminiscences qui s'inscrivent en nous, j'ai cru, une seconde, que l'un d'entre eux se dirigeait droit sur la tour Montparnasse. L'illusion optique évanouie, les avions ont passé leur chemin, estompant derrière eux une traînée de poudre blanche dans le ciel obstinément froid et bleu. À l'intérieur, des gens, plein de gens, qui ont une autre vie que la mienne et qui, à cet instant précis, s'arrachent à la Terre. Je suis là, moi, bien assis, calé dans mon fauteuil, le regard tourné vers la fenêtre haute ; eux se détachent de ce qui pèse ici-bas, apesanteur. Le spectacle des avions dans le ciel me donne toujours l'impression que les gens fuient vers un avant irréversible. Je suis sûr que beaucoup y trouvent un plaisir assez trouble, mâtiné d'excitation pour le lointain et d'angoisse pour une origine dont rien ne dit qu'ils la retrouveront. Où vont tous ces gens, que vont-ils faire là-bas qu'ils ne peuvent ici, quelle affaire à conclure, quel espace, quel royaume à découvrir, quelle routine ou quelle improbable histoire à vivre ?

6 juin 2023

Il faut croire au printemps - Coup de ♥️ de Nicolas Carreau, Europe 1

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Merci à Nicolas Carreau qui, sur Europe 1, a fait de Il faut croire au printemps sa « prescription culture ». Cliquer ici pour visionner la séquence.

 

24 avril 2019

Mado lu par Josyane Savigneau (RCJ)

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« Une Mado inoubliable » : deux minutes trente en compagnie de Josyane Savigneau, pour sa chronique bimensuelle sur RCJ.

Cliquer ici pour écouter.

 

15 avril 2019

Mado sur France Bleu RCFM - Haute-Corse

 

 

Samedi 13 avril dernier, Mado avait  les honneurs de l'émission DES LIVRES ET DÉLIRE, sur France Bleu RCFM, animée par Marie Bronzini, autour de Bénédicte Giusti-Savelli et Christophe Laurent. 

On peut l'écouter directement ici ou la télécharger en podcast.

12 novembre 2017

France Inter - La personnalité de la semaine

J'étais ce dimanche l'invité de Patricia Martin, sur France Inter, pour évoquer la parution de Il y avait des rivières infranchissables.

 

 Pour (ré)écouter l'émission, cliquer sur l'image

Patricia Martin France Inter

26 février 2009

Les éveilleurs d'Etat

Short_Satori___Antidata
P
ublication sur le blog d'Antidata, revue de création littéraire, de ma nouvelle intitulée Les éveilleurs d'Etat, initialement parue en 2007 dans le recueil collectif Short Satori.

Pour la lire, c'est ici.

9 mars 2009

Et que morts s'ensuivent : Nicolas Gary dans ActuaLitté

actualitteDécouverte ce matin d'une critique un peu étonnante de mon recueil, publiée par Nicolas Gary sur le site ActuaLitté. Disons qu'il en fait une lecture un peu charcutière mais, pour le coup, assez originale...

Lire l'article en cliquant sur ACTUALITTE (fichier format pdf).

8 mai 2009

Et que morts s'ensuivent : La Lettrine

La_Lettrine

 

Anne-Sophie Demonchy signe, dans La Lettrine, un article élogieux sur Et que morts s'ensuivent. A lire sur le site, ou en cliquant sur Lettrine - format pdf.

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