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Marc Villemain
17 janvier 2007

Le vide - sa sérénitude (ou -nité, je ne sais plus)


Est-il vraiment possible de n'avoir
aucune pensée ? Je veux dire, de n'avoir à ce point rien à fixer que nulle pensée n'en pourrait naître ? N'être qu'un oeil enregistreur, une éponge à couleurs, un buvard à sensations ? Laisser venir ce qui vient, ne rien chercher, ne rien vouloir, avancer en mode automatique ? Laisser l'intellect, la culture, le transmis, l'acquis, prendre le contrôle ? Être objectivement sans jugement ? Cela m'arrive souvent. Regarder les choses, mais ne rien voir. Lire la presse, s'arrêter sur des choses lues mais sans qu'aucune pensée n'advienne. Pourtant tout est bon à prendre : l'exécution précipitée de Saddam Hussein et celle, techniquement ratée, de  ses affidées ; la spiritualité sarkozienne recouvrée là-haut, tout là-haut, sur les cimes mystico-telluriques du Mont Saint-Michel ; l'exil helvétique des porte-monnaie et le soupçon de trahison nationale afférent ; la fertilité française (signe d'optimisme ou indice de désespoir ? amour de l'enfance ou peur du vieillissement ? patriotisme matrimonial ou repli familial ?) ; la remise par monsieur le Ministre des insignes de Chevalier dans l'ordre national des Arts et des Lettres à cette exceptionnelle femme de lettres qu'est Amanda Lear ; les saisons qui n'en sont plus ; la bravitude.

Dire, parler, écrire : il faut que la pensée précède - je connais les charmes de l'écriture automatique : avec moi cela fonctionne mal. Mais écrire cela, écrire sans penser, donc écrire qu'il est impossible d'écrire, n'est-ce pas déjà penser - puisqu'on pense qu'on ne pense pas ? Ou est-ce formaliser par le vide l'expression d'un atterrement devant le monde - devant les objets, les simples choses du monde ? Ou est-ce se payer de mots ? Ou est-ce tenter de ré-attribuer à son être une direction - pas même une pensée, une simple direction ? De retrouver ce qui, ordinairement, nous met au diapason ? Tout est vrai, et tout est vrai en même temps, mais à des degrés divers. Selon l'humeur ou l'énergie du moment, selon le désir ou pas que nous aurons de nous sentir participants, la chose sera agréable ou ne le sera pas : on pourra se sentir, non seulement vide, mais creux ; non seulement inutile, mais voué à le demeurer ; on enviera ce héros que devient à nos yeux tout humain agissant ; on détestera se regarder comme une molécule ; on s'allongera comme pour un dernier sommeil ; on attendra la fin du jour. Et puis, parce que le retrait requiert sa petite exigence, parce qu'il est plus fatiguant qu'il y paraît d'être fatigué, parce qu'aucune agitation ne parviendra à nous donner totalement tort ou à nous convaincre tout à fait, parce que l'énergie négative n'est pas moins noble que la positive ou parce que le vitalisme n'est pas un progressisme, on pourra aussi savourer ce qui, entre deux ombres, pourrait bien ressembler à de la sérénité. Il faudra juste savoir ne pas trop en attendre ; ne pas la confondre avec quelque absolu - le bonheur, ce genre de chose. Accepter que ce qui se pose en soi constitue une pause nécessaire dans le devoir-être. Accepter que cette pause s'impose. Et se préparer à penser de nouveau.

Commentaires
M
Non seulement ce n'est pas stupide, mais c'est plein d'humour et d'esprit - et de cela je ne saurais m'étonner... Marc
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G
Juste une réflexion sur le vide:<br /> la qualité du vide dépend essentiellement de la matière qui l'entoure; ainsi un trou dans de l'acier inox a beaucoup plus de classe qu'un trou de même diamètre percé dans du contreplaqué et pourtant le vide est de même nature...je suppose que c'est valable pour les trous de mémoire comme pour les absence momentanées de" pensitude".<br /> Ne me dis pas que c'est stupide, je le sais.<br /> Ciao<br /> greg
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M
Peut-être les suspensions dont vous parlez peuvent-elles vécues comme un bonheur lorsqu'elles sont désirées et qu'elles répondent à une aspiration profonde. Ce n'est pas mon cas, même si je dis bien pouvoir jouir jouir de ces moments. Mais ce n'est pas ce à quoi j'aspire fondamentalement. Il s'agit toujours pour moi d'états intermédiaires, imposés, donc ambigus, insatisfaisants sur la durée. S'il s'agit de faire le vide, il faut bien que ce soit, à un moment donné, pour en sortir.
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M
Se détacher des liens qui nous attachent au monde, c'est le principe du Nirvana. Suspension du désir, suspension de la réflexion, être à la frontière d'un évanouissement de soi... Cet état peut-être ressenti comme un bonheur, non?
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