La junte birmane tient parole
Ce qui est frappant dans la répression de la sédition birmane, et au-delà de toutes autres considérations politique, stratégique, militaire ou humanitaire, c'est qu'elle aura pour ainsi dire été annoncée officiellement. Ainsi a-t-on pu lire, depuis une semaine, que l'armée préparait la répression sous toutes ses coutures, politiques et logistiques, ou encore qu'elle prévenait les manifestants et tous ceux qui auraient l'infortune de se trouver dans leur sillage qu'elle s'apprêtait à tirer à vue. Ce cynisme n'est possible que parce que nous vivons dans une ère de communication frénétique qui permet, pour peu que l'on ait assimilé le fonctionnement situationniste du temps, d'annoncer l'horreur sans que l'annonce elle-même n'en modifie la survenue. Nul n'ignore ce qui se trame, les puissances terrestres réunies s'en saisissent, les appels et les tractations se multiplient, mais le feu est ouvert dès le lendemain. Et ce qui est fascinant, c'est que la surpuissance menaçante des grands ne déplace pas une virgule des communiqués et des intentions de la junte au pouvoir, absolument et totalement indifférente aux menaces de rétorsion et aux chiffons rouges agités à la tribune de l'opinion mondiale. Cette indifférence est rude à avaler pour tous ceux qui font profession de politique et d'opiniâtreté onusienne, tant le politique ne survit que parce qu'il peut convaincre les citoyens de sa capacité à se saisir du réel et à en infléchir le cours. Ici, les actions de prévention, de précaution, d'ingérence et de négociation, n'auront servi à rien, et toutes se seront heurtées à quelque chose d'incroyablement obtus et borné, au point d'apparaître comme parfaitement irrationnelle aux consciences occidentales.