Une critique de Stéphane Beau
Il était une fois la révolution
Drôle de livre que ce Ils marchent le regard fier de Marc Villemain. Du genre Objet Littéraire Non identifié qu’on a du mal à rattacher aux habituelles catégories littéraires.
C’est un roman, certes, mais sa lecture laisse après coup une impression de perplexité assez difficilement explicable. Peut-être parce qu’on pressent dès les premières pages que tout ce qu’on lit ne trouvera son sens véritable que dans les dernières lignes. Un roman écrit comme une nouvelle, autrement dit, tendu vers sa chute, d’une certaine manière.
Comme c’est souvent le cas chez Marc Villemain, on a parfois l’impression, au début, que les histoires qu’il nous narre sont un peu artificielles, vaguement anecdotiques et qu’elles lui servent surtout à déployer l’élégance de son style, la précision de ses phrases. Et puis soudain l’affaire s’emballe, la nature humaine reprend les rênes, le sang afflue dans les artères, le cœur se remet à battre. L’exercice de style se mue en tragédie. Plus de chichis, plus de fioritures ; les mots laissent choir d'un coup leurs masques esthétiques et nous dévoilent brutalement la froide réalité de la fragile condition humaine. Et l'on se retrouve bientôt avec un livre refermé entre les mains et, au coeur, une douleur qu'on n'a pas vu venir et qui n'en est que plus forte, plus douloureuse... et belle.
Je remarque tout à coup que je ne vous ai rien dévoilé de l’intrigue du livre. Peut-être parce qu'elle est secondaire, en fait, à mes yeux. Certains critiques plus talentueux que moi sauront certainement y déceler une subtile allégorie sur l'opposition entre les anciens et les modernes, une réflexion sur l'amour, sur le temps qui passe, sur les relations compliquées entre les générations, entre les parents et les enfants. Disons néanmoins, pour résumer, qu’un vieil homme se remémore le temps où, avec quelques autres anciens, Donatien, Marie, Marcel, Michel, ils sont partis en guerre contre les jeunes qui les traitaient comme des moins que rien. Disons également que ça aurait pu bien finir, bien sûr… Mais ça n’aurait plus été du Marc Villemain !
Stéphane Beau