Sur la terre comme au ciel
Pourquoi croyons-nous en Dieu ? Pour trouver la force de quitter la terre apaisés.
Pourquoi n'y croyons-nous pas ? Pour trouver celle d'y rester.
Pourquoi croyons-nous en Dieu ? Pour trouver la force de quitter la terre apaisés.
Pourquoi n'y croyons-nous pas ? Pour trouver celle d'y rester.
Les rockeurs ne sont plus ce qu'ils étaient. Aussi les trois-quarts du public réuni samedi dernier à l'Elysée-Montmartre pour le passage de Pain Of Salvation ont-ils copieusement applaudi à l'injonction, lancée (en anglais) par une voix d'hôtesse d'accueil, de ne pas fumer dans la salle. J'avoue en être resté baba, avant de me ressaisir et d'en allumer une fissa. Non seulement le rockeur n'est plus le rebelle d'antan et a remplacé les tiags par les mocassins, mais il est sage et obéissant. Qu'obligation légale soit désormais faite à la direction de l'Elysée-Montmartre de prendre soin de notre santé est une chose, que le public applaudisse à l'ordre moral (qu'il soit royaliste ou nicolien) en est une autre. Enfin faisons taire notre agacement : l'affaire semble consommée. Et durablement, avec ça.
Groupe à part dans la galaxie metal, Pain Of Salvation en est aussi un des plus beaux fleurons. Foin de clichés pour ces musiciens exigeants, ouverts et inspirés. Soudés autour du charismatique et très talentueux Daniel Gildenlöw, le groupe renouvelle à la fois le genre et sa propre discographie à chaque nouvel album, puisant aussi bien dans la grande époque floydienne que dans le folklore, le jazz, le black metal, ou des musiques que l'on qualifiera par défaut de plus industrielles. Un tel patchwork ne suffirait toutefois pas à ancrer un style. Ce qui fait le lien, mais le mot est peut-être par trop imprécis ou vaste, c'est la mélancolie, tout à la fois rageuse et résignée. Textes et musiques s'allient pour déployer une vision assez désespérée du monde et des rapports humains, sans rémission possible, articulée autour de la difficulté des hommes à se comprendre eux-mêmes ou à communiquer entre eux. Les éclaircies sont rares, le plus souvent joueuses ou ironiques - le fameux Disco Queen. Ce qu'on aime chez Pain Of Salvation, outre la qualité des compositions toujours très élaborées, c'est sans doute que chaque morceau, texte et musique, cherche à disséquer ce que nous avons en nous de plus intime : le malaise existentiel. D'où cette douceur empreinte de tristesse sur le très beau Undertow, qui contient sa violence jusqu'à la fin, la colère qui pointe ne pouvant complètement exploser. D'où, aussi, ces moments plus brutaux, plus lourds, mais qui n'ont de sens que dans le surplomb de l'angoisse, et parce que revient toujours le temps de l'introspection. Ce double tropisme est à ce point patent que le groupe n'a pas hésité à entamer son rappel par une reprise, à tout le moins inattendue, du très beau Hallelujah de Leonard Cohen - que Jeff Buckley avait également repris avec le succès que l'on sait. On aurait pu craindre que la chanson soit peu à peu tirée vers quelque chose d'un peu heavy, plus prévisible. Or les musiciens ne sont pas tombés dans le piège et ont su restituer l'émotion originelle, conservant à la chanson son dépouillement premier, et maintenant ce que la prière, ou la plainte, peut avoir d'authentique.
Maintenant, nous sommes bien dans un concert de rock : ce que la musique de Pain Of Salvation a d'émouvant, voire de poignant, lorsqu'on l'écoute chez soi (comme nous pouvions écouter un vieux Pink Floyd, c'est-à-dire en installant une atmosphère un peu sombre et méditative, encens et bougies compris) cède la place, en concert, à l'énergie. Et la grande modestie de la mise en scène (pour ainsi dire inexistante) conjuguée à un son d'une grande clarté, n'enlève rien au fait que le rock, c'est aussi une énergie brute et physique. Il n'y a rien de contemplatif ou de planant dans la musique de Pain Of Salvation, et les moments de douceur ou de retrait sont aussi des moments de grande puissance : simplement est-elle maintenue dans sa gangue d'émotion et de musicalité, sur un fil dont on dirait qu'il s'apprête toujours à rompre. Là réside une des grandes différences avec un groupe comme Dream Theater, par exemple, techniciens sans plus doute plus accomplis encore mais que la quête esthétique et le goût du concept éloignent parfois de ce que l'émotion doit avoir d'impérieux. Aucun risque de la sorte avec Pain Of Salvation, qui sait que ce n'est pas seulement pour les oreilles qu'on fait de la musique.
Photos personnelles
Au train où vont les choses, comme voulez-vous qu'on n'ait pas un métro de retard ?
Le contemplatif agit bien davantage qu'il y paraît, puisque lui seul tente de résister à la pulsion de vie.
La dépression est un habit un peu trop ample dont on peut parfois aimer à s'envelopper : les vents contraires peuvent y circuler à leur aise.
Deux sortes de dépressifs : ceux que le réflexe de survie ramène sur le sable sec de l'ironie, ceux qui se laissent dériver sur l'onde, cramponnés seulement à la bouée de leur lâcheté.
C'est officiel : la Serbie de Slobodan Milosevic n'a pas commis de génocide, n'y a pas incité et ne s'en est pas davantage rendue complice. Sans doute un génocide a-t-il bien été perpétré à Srebrenica, mais ce fut l'oeuvre d'une main invisible ou d'une volonté insondable, en tout cas inaccessible à l'homme de la rue - celui par exemple à qui on a coupé les couilles et arraché les yeux sous ceux de ses enfants. Comme dans Usual Suspects : c'est le Diable, peut-être, allez savoir.
J'entends qu'il est commode d'être plus bosniaque que les Bosniaques. Et puisque le représentant officiel de la Bosnie à la Cour Internationale de Justice se déclare partiellement satisfait des remontrances que celle-ci a toutefois consenti à adresser à l'Etat serbe, on se demande bien, vu d'ici, ce qui pourrait nous autoriser à vouloir en remontrer. C'est que cet arrêt va dans ce qu'on n'ose plus guère, et pour cause, appeler le sens de l'Histoire. Quand ailleurs les peuples européens, à commencer par le peuple français, sont poliment invités à présenter leurs condoléances à ceux que, naguère, ils malmenèrent, la justice internationale la joue profil bas là où, en direct ou quasi, la notion d'humanité prenait à peu près au moins autant d'importance que deux cent mille squelettes dans une fosse commune. Comprenne qui pourra. Enfin non, au fond tout le monde comprend : l'intérêt bien compris (entendez la real politik) commande. Et nous en arrivons à cette contradiction qui ne semble plus guère étonner : ce n'est plus au nom de la justice qu'œuvre la justice internationale, mais au nom de la réconciliation, mot clé tout politique de toute cette affaire. Comme il est écrit dans la langue savoureuse des communiqués officiels : "les dirigeants serbes ne cachent pas leur satisfaction". Champagne.
Je ne donne pas plus de trente ans à nos manuels d'histoire pour corriger le tir. Ma main à couper : nos enfants y apprendront que la justice aura choisi de s'amputer au nom de la paix et de l'esprit de concorde entre les communautés. La méthode est pourtant aussi mauvaise que l'intention. Il est fort à parier que cet arrêt ne fasse qu'inscrire davantage les rancoeurs dans le marbre, comme on le vit sur les visages de la centaine de Bosniaques regroupés, en attendant son arrêt, devant la Cour Pénal Internationale. La SDN avait au moins l'excuse de sa jeunesse, et plus encore du caractère inédit de sa mission. Je ne vois pas, cette fois, quelle excuse les Bosniaques pourront trouver à ceux qui ont transformé trois années en enfer en guerre civile. Qu'on en juge par ce qu'en dit Smail Cekic, membre de la commission d'enquête sur Srebrenica : "C’est une victoire pour les criminels, ça leur donne le moyen d’achever un jour le génocide qu’ils ont entamés contre les Bosniens. Il est évident que cette Cour attendait qu’un peuple soit complètement exterminé pour dénoncer ce crime comme étant un génocide. C’est honteux et horrible et prouve bien que tout ceci est une farce de la part de la communauté internationale." La réconciliation est en marche.
Photos personnelles :
1. Mostar - Ruines
2. Sarajevo - Mur criblé de balles
Ma femme ayant davantage foi que moi-même en ma littérature, elle tient le rôle, ingrat, de la muse qui me met quand il faut et comme il faut le coup de pied où il faut, pour qu'enfin j'avance derechef. Aussi sait-elle toujours me suggérer la bonne lecture qui saura faire écho à mes travaux d'écriture - quitte à désespérer Billancourt. Idem pour le théâtre, dont elle parle en général bien mieux que les penseurs du Masque et la Plume.
Ainsi donc nous nous retrouvâmes l'autre jour au Vieux Colombier, où son directeur, Marcel Bozonnet, a pris l'audacieuse initiative de monter Orgie, de Pasolini. C'est audacieux parce que nous sommes (tout de même) à la Comédie-Française, et parce que le puritanisme français n'a désormais plus rien à envier à son grand frère américain. Mais c'est aussi facétieux, après la polémique que Bozonnet déclencha en déprogrammant Peter Handke (à tort selon nous) pour cause de serbisme zélé. Bon point, donc.
Pasolini ne peut plus guère surprendre : chacun connaît sa violence, nul ne s'attend à une bluette. Aussi le couple qui se dévore sous nos yeux y va-t-il de ses fantasmes sexuels et mortifères, se souciant comme d'une guigne de ce que l'on pourra bien en dire à l'extérieur. Cette violence n'est toutefois pas le sujet, autant que je puisse en juger, qui fait surtout état d'un désarroi profond devant la vie qui passe, la mort qui fait ses appels du pied et la nostalgie de ce que nous fûmes, corps et coeurs pleins d'allant. Quelque chose comme le tableau des échecs d'une vie. Ça ne peut donc se passer sans larmes, sans sperme ni sans coups. La rage à son paroxysme nous dérange tout ce qu'il faut, les temps d'apaisement sont bien sentis, et les acteurs ont l'air sincèrement éprouvé - on le serait à moins. Mais le texte est inégal, et tant pis si je n'ai pas l'autorité pour le dire. Tout à coup c'est fulgurant, on se reproche de ne l'avoir pas trouvée celle-là, cette sortie, cette repartie, ce coup de canif dans le bois de la langue, et puis ça vient s'échouer là, cahin-caha, en clichés vaguement romantiques sur le paysage existentiel. Bizarre. Moyennant quoi, le vieux monsieur devant moi esquisse quelques ronflements qui me consolent de ceux que j'émets la nuit, obligeant sa dame à quelques coups de coudes bien sentis dans les côtes. Mais il sera tout à fait éveillé quand arrivera la toute jeune Lucile Arché, vêtue d'abord comme une galante de la Renaissance, puis très vite aussi dépouillée qu'un nouveau-né. Il ne m'aurait pas déplu que tout cela soit parfois un peu plus imagé - mais c'est ma sensibilité ici qui parle, non ma raison esthétique. Et puis, rien que pour le pied de nez à la sensibilité du temps, ça vaut bien le coup d'aller prendre le pouls de l'existence individuelle auprès de Pasolini.
Un cran au-dessus, la lecture que donne Sami Frey, au Théâtre de l'Atelier, de l'un des derniers textes (originellement écrit en anglais) de Samuel Beckett : Cap au pire. D'accord, ma femme n'est pas objective : du Frey, elle en est dingue. Mais il faut reconnaître que ce texte de Beckett, pour ainsi dire et littéralement illisible, trouve ici une incarnation à la hauteur. A se demander d'ailleurs quel autre que le Frey aurait pu le dire aussi magnifiquement. Et ma femme a sans doute raison de considérer que c'était pour moi la meilleure entrée possible dans un texte que je ne connaissais pas. C'est le texte des derniers temps, dont on se dit que Beckett les a sûrement occupés en cherchant à mettre un peu d'ordre dans ses pensées, histoire d'être en règle. Ça cafouille donc, mais, parce que ce qui motive l'auteur ne saurait être disputé, ce qui semble faire contresens devient plein de sens. Ce qui d'emblée fuit l'entendement commun finit par toucher au plus irréductible. Que reste-t-il d'une vie ? Des mots. Et à la fin, chaque mot est un tourment, puisque chacun pourrait être le dernier - et on se dit alors que c'est ainsi que tout écrivain devrait écrire. La vie a passé, la seconde qui vient est un lendemain miraculé : le langage ne peut faire semblant de l'ignorer. D'où ce texte, que je prends surtout pour ma pomme, donc à tort, pour une opération chirurgicale du processus d'écriture. Bien sûr c'est cela, mais ce serait sans doute encore trop gratuit si ça n'était que cela. Et c'est ici que Sami Frey, d'une voix, d'un geste, d'un regard, lui donne une puissance qui achève de transformer le monologue d'un homme finissant en une phénoménale démonstration d'instinct vital. Si mettre un peu d'ordre dans sa vie avant de la quitter tout à fait, c'est trouver le mot de la fin, alors on sait d'une certitude sûre que tout écrivain, fût-il le meilleur, court à la désillusion. C'est dans cette désillusion que Sami Frey a su entrer, servi par un texte dont on comprend alors, et alors seulement, combien il peut être remarquable.
On voudrait écœurer les Français qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Temps fort et depuis peu quinquennal de la société française, les élections présidentielles se donnent en spectacle, partout, en tous lieux et sur tous supports. Tout est bon, de tout bois on fait toujours un bon feu. L'hystérie militante a vécu : elle a désormais gagné la société tout entière. Les couvertures de journaux annoncent la couleur chaque matin, les radios et les télévisions réforment leurs grilles des programmes, des dizaines de sondages quotidiens tâtent le pouls du troupeau, des millions de blogs ad hoc fleurissent jusque dans les coins les plus reculés, les forums virtuels, tous plus véhéments les uns que les autres, sont pris d'assaut, et la plus pittoresque des associations trouve son mot à dire sur la bonne marche du monde. Nombreux s'en réjouissent, observateurs patentés ou acteurs auto-proclamés, assurant que cette effervescence collective est la preuve de l'excellente santé civique de notre nation, l'indice d'une patrie enfin résolue à remonter ses manches et à mettre la main dans le cambouis du monde. Les choses me semblent, à moi, un peu moins idylliques : sous couvert de participation, la société est devenue son propre média. Il était facile, hier encore, de stigmatiser la spectacularisation de la politique : elle était de la responsabilité des médias et des acteurs politiques qui, volens nolens, éprouvaient quelques difficultés à ne pas se prêter au jeu. Nous n'avons plus d'autres coupables aujourd'hui à désigner que nous-mêmes.
Moyennant quoi, Libération me tombe des mains chaque matin. Et s'il me faut malgré tout admirer quelque chose, alors disons que j'admire l'imagination et l'inventivité dont doivent faire preuve, chaque jour, depuis et pour des semaines encore, les journalistes, commentateurs, experts ès opinions et autres filous de la comm' pour trouver une nouvelle manière d'aborder le sujet. N'imaginons pas une seconde que cette agitation permanente contribuât en quoi que ce soit à façonner notre compréhension du monde ou à stimuler notre intelligence collective, si elle existe : le chaos permanent des avis, des opinions, des diatribes, des revendications, des objurgations, des exclusions, cet incontrôlable pugilat exponentiel qui se targue de vertu démocratique, donne le ton de l'amertume qui se prépare. Les Français sont doués pour s'échauffer les sangs. Ils ont adoré se faire peur le 21 avril 2002 - avant de reculer devant l'énormité de la chose ; je suis à peu près certain, aujourd'hui, que si le souvenir de cette peur les tétanise encore un peu, ils sont, à tout le moins, mûrs pour le grand frisson.
Un jour viendra où l'on comprendra qu'une société de transparence est avant tout une société de surveillance. La seule chose que je ne suis pas en mesure d'évaluer, c'est s'il sera trop tard ou pas.
Et Dieu merci, je n'ai pas la télévision.
Plus nous en savons du monde, moins nous le connaissons. L'assertion est brutale, mais l'impression plus forte que jamais. Mieux nous sommes informés, plus opaque nous apparaît le sens de l'aventure humaine. Chaque jour nous lisons et détruisons la presse de la veille : l'ennui n'est pas que nous oublions ce que l'on y a appris, mais qu'aucun esprit humain n'est en capacité de mettre autant d'informations en correspondance. L'intelligence du monde nous échappait hier par défaut de connaissances, elle nous fuit aujourd'hui par trop-plein d'informations. Dans les deux cas, c'est l'action des hommes qui en pâtit, au mieux assez vaine, au pire catastrophique. De ce hiatus, je ne sors pas. Il y a des êtres qui ont vu la naissance du monde, qui ont appris à le créer, et d'autres qui en verront la fin, sans doute dans de grandes souffrances. Nous, nous sommes entre les deux. C'est une très longue période, qui aura recouvert l'histoire de l'humanité. Mais nul ne peut douter que cette histoire est bornée.
Voilà qui s'appelle un entretien décalé : Richard Millet dans Chronic'Art (numéro 32 - février 2007), rien ne pouvait l'augurer. L'intérêt des entretiens est qu'ils obligent peu ou prou à la concision ; l'inconvénient, c'est qu'ils appauvrissent, et qu'alors la concision devient simplification - entendez simplisme. L'équilibre ne peut se faire que si l'interlocuteur possède une maîtrise totale du langage, et surtout si sa pensée vient de tellement loin que la simplification nécessaire ne parviendra jamais à l'assécher tout à fait. C'est, évidemment, le cas avec Richard Millet, l'un de nos plus grands auteurs vivants.
Cet entretien n'ajoute finalement pas grand-chose à ce qu'il écrit ou dit depuis toujours, lui fournissant seulement l'occasion de revenir sur ce qui l'angoisse, le désole ou le hérisse : en gros, le "totalitarisme mou", le politiquement correct, le marasme de la littérature française, "l'abstraction contemporaine", l'aplanissement, l'aplatissement, "l'horizontalité" ou encore la "falsification" du monde, et bien entendu la langue, ce qu'elle charrie et ce qu'une civilisation perd à la déconsidérer ("On m'a reproché d'être passéiste. Moi, je pense que quand vous avez affaire à une langue, autant l'employer dans tous ses états").
Le plus intéressant peut-être est lorsqu'il évoque la crise qu'il traverse, crise d'auteur, où il s'agit "d'en finir avec ce qu'on est soi-même". Mécaniquement, cela pose ou repose la question du silence, qui lui inspire cette réflexion moins désabusée qu'il y paraît sans doute, et derrière laquelle s'échafaude peut-être l'oeuvre à venir : "Un écrivain qui ne risque pas le silence, pour moi, n'est pas un écrivain".
Enfin, chez ce chrétien marqué par Bataille et Blanchot, la question du sens, donc de la mort, donc du "nihilisme", apparaît sous un jour peut-être un peu nouveau. Résultat, sans doute, de l'accumulation des désenchantements, dont il faut bien reconnaître qu'aucune actualité ni aucun futur n'est en mesure d'esquisser l'apaisement. t
Je lis avec quelque retard le passionnant hors-série sur le nihilisme que fit paraître Le Magazine Littéraire en octobre dernier. Outre une critique, au bas mot mi-figue mi-raisin, de François Bégaudeau sur Michel Houellebecq et sur cette "rage contre la vie (qui) est d'abord une rage contre la malformation qu'on est soi-même", j'ai été saisi surtout par le propos très serein du philosophe italien Gianni Vattimo, l'un des rares penseurs à continuer de se revendiquer d'un « nihilisme actif », lequel « serait la force de vivre dans un monde où il n'y a plus de fondements, ni sur le plan métaphysique, ni sur le plan des autorités politiques. »
Cet entretien date en réalité de 1990, mais son propos demeure très actuel en regard de l'évolution des sociétés occidentales, entièrement tournées, non sans frénésie, vers la quête éperdue de fondations, de structures primordiales et originelles, recherche qui « exprime la nostalgie d'une fondation du pouvoir sur une vraie structure ». Et il poursuit : « Le problème du nihilisme est d'instaurer une attitude philosophique capable de développer une forme de rationalité non fondationnelle. Cela conduit à replacer le nihilisme dans l'histoire de l'être, parce qu'il n'y a d'autre rationalité non fondationnelle que remémorative ». Sans aucunement nier les dangers inhérents à une telle démarche, il pose très clairement une ambition et des enjeux que je partage : « Ou bien nous cherchons à reconstruire une civilisation fondationnelle ; ou bien nous acceptons de vivre la dissolution des fondements comme la seule forme d'émancipation possible ». Il s'agit bien d'un mouvement qui tend à une « démythologisation généralisée », dont on peut en effet penser qu'il serait assez salvateur, quand les grands absolus dont s'empiffrent les discours politiques, culturels et civilisationnels paraissent à tout le moins décevants.
De Gianni Vattimo, on peut lire par exemple :
- La Fin de la modernité (nihilisme et herméneutique dans la culture post-moderne), paru au Seuil en 1987 ;
- L'avenir de la religion (solidarité, charité, ironie), co-écrit avec cet autre penseur de la pensée faible qu'est Richard Rorty (chez Bayard).
Difficile, enfin, de ne pas évoquer ce « vieux grincheux » réjouissant qu'est Roland Jaccard, dont la prose et la liberté procurent toujours autant de plaisir et d'intérêt. À lui le mot de la fin : « Comme tous les nihilistes, il attend un miracle : celui de sa propre mort. Mais même ce miracle ne se produira pas. Homme de paille, de paillettes et de poudres aux yeux, il est là pour l'éternité, dans l'absence, dans le vide, dans le vent, dans l'arène désertée de ses plaisirs, dans le manège lugubre de ses désirs, avec l'espoir fragile d'appartenir encore à la race des hommes, alors qu'il n'en est plus que le déchet. »
Viennent un moment, un âge, une condition, où l'on accueille naturellement ses contradictions, ses failles et sa banalité. On le fait sans honte de soi : le héros en nous est mort et enterré. On ne sauvera pas le monde. On ne laissera rien derrière nous. On aura tergiversé entre ambitions et lassitudes, slalomé entre lâchetés et velléités, sombré d'éclats en démissions : cela s'appelle faire de son mieux. Le monde nous montrera du doigt : c'est qu'il est mal de se résigner, c'est l'indice d'une faiblesse, d'un égoïsme peut-être. Autour de nous des êtres souffrent, des peuples meurent et des civilisations s'éteignent : nous y répondons par la magie. Les sociétés croient s'organiser en rendant coup pour coup aux désordres - mais sont-elles vraiment dupes ? Elles promeuvent comme jamais l'impératif de communicabilité, y consacrent, même, beaucoup d'argent (public), mais nous avons égaré jusqu'aux règles de la conversation. Ce moment que j'évoque, ce moment où l'individu se sent comme libéré du monde sans être sourd à sa tragédie, et en en portant, même, sa part propre, déroute la communauté. Aussi a-t-on rarement assisté à autant de stigmatisations, d'anathèmes, d'exclusions, dans un pays où chaque citoyen est devenu le procureur de l'autre. C'est un sacré sentiment de plénitude luxueuse que de pouvoir tourner le dos au monde sans que rien ni personne ne nous convainquent d'y faire face - puisque quand nous y faisons face, seul l'échec nous fait écho. Et il est réconfortant de songer que nous n'aurons rien laissé qui justifiât que l'on soit regretté.
... mais je confesse ma responsabilité : depuis quelques temps, allez comprendre, je retrouvais quelque intérêt pour un genre qui a nourri ma jeunesse : le heavy metal. De fil en aiguille, et nolens volens, mon épouse (spécialiste de Brahms mais assez peu de Iron Maiden) se fit donc à l'idée que ma rééducation prendrait certainement plus de temps que prévu... Toujours est-il qu'un lecteur m'envoie sur ce blog un sympathique message m'informant de la prochaine tournée de Pain Of Salvation - groupe en effet particulièrement intéressant : imaginez Marillion en surdose d'amphétamines, ou quelque chose d'approchant. Qu'à cela ne tienne : croyant bien faire, ma douce s'enquit de me procurer une place. Las ! Dans la confusion de son esprit a-metalleux, mais surtout en raison de la quantité de groupes disponibles sur le marché clouté, la voilà qui s'égare et m'offre un billet pour le triptyque Sabaton / Grave Digger / Therion. C'était avant-hier soir, à l'Elysée-Montmartre.
La dernière fois que je mis les pieds dans une telle salle, et surtout que j'assistai à un tel spectacle, ce devait être il y a vingt ans (vingt-cinq, me souffle un ami dépourvu de toute compassion). Cela dit, que cela fasse dix, vingt, ou vingt-cinq ans, la vérité est que j'avais oublié que cela fût aussi bruyant. J'entre donc dans ladite salle, flanqué d'un acolyte bienveillant que j'avais dûment contraint, et entouré d'une horde d'humains à l'apparence plus raisonnable que ceux qui accompagnaient mes errements adolescents ; je me suis même fait la réflexion que d'aucuns avaient de franches têtes d'intellos - cheveux mi-longs, petites lunettes rondes et costumes de monsieur-tout-le-monde. Il y a bien quelques clous et quelques corps musclés munis de canettes de houblon, sans oublier quelques jeunes adolescentes romantiques et tourmentées aux lèvres noires et résilles funèbres, mais, globalement, l'ensemble est plutôt sobre, anodin et bon enfant.
Les choses se compliquent toutefois, d'autant que nous occupons tout de même le premier tiers de la salle, au moment où le jeune groupe suédois Sabaton ouvre les hostilités. De sa musique je n'en dirai rien, puisqu'il me fallut une bonne demi-heure (à peu près la durée de leur set) pour interdire à mon muscle cardiaque de battre aussi fort que la grosse caisse, et pour m'habituer au bruit, dont je penserai tout au long de la soirée qu'il n'est peut-être pas utile de le pousser à de telles extrémités - sauf à vouloir absolument rendre inaudibles le chant ou les solos de guitare. Sabaton s'en va, ils ont chauffé la salle comme il convient : le public commence à se masser, d'aucuns n'étant manifestement venus que pour Grave Digger, solides gaillards teutons qui ont suffisamment roulé leur bosse pour prendre la scène avec un certain sens de la routine - des pros, quoi. Le chanteur a une bonne bouille, il est même plutôt souriant, mais son chant de rocaille a tendance à filtrer les mélodies - à moins, encore une fois, que la faute n'en revienne à la surpuissance sonore déjà incriminée. Un tantinet égaré, j'ai toutefois la chance d'être bien entouré : devant moi, un solide gaillard, armé d'un perfecto et d'une mine patibulaire surplombée d'un chevaux blond et ras, se laisse aller à quelques mouvement intempestifs du corps sans souci aucun de m'épargner les pieds ; à ma droite, un autre gaillard, à la tignasse noire plus épaisse et exhibant un tee-shirt rageur à l'effigie de Grave Digger, lève le point en trépignant et en scandant des Hey ! Hey ! Hey ! ou des Digger ! Digger ! Digger ! Juste derrière moi, mais à une fréquence fort heureusement moins régulière, un garçon dont je n'ose regarder le visage balance son corps en avant (vers moi, donc) et je sens sa longue crinière effleurer ma nuque - frisson garanti. Je m'avance donc d'un pas afin de m'épargner le coup de tête accidentel, plus franc et plus direct. Les bons bougres de Grave Digger ont l'air content. Musicalement, je me suis aperçu qu'il y avait un clavier au moment où ils quittaient la scène ; pour le reste, ils ne sont guère portés aux chichis : c'est carré, physique et sans surprise.
Mais l'immense majorité des headbanggers était venue pour Therion, autre groupe suédois, dont on comprend au passage en les voyant pourquoi ils aiment tant citer Wagner - qui n'en méritait pas tant... Depuis quelques années, la vague ésotérico-lyrique fait des ravages (pas seulement dans le metal) et Therion, à tout seigneur tout honneur, fit partie du premier wagon. Bien sûr, difficile de ne pas sombrer dans le kitsh, inscrit jusqu'aux moindres détails d'une scène transformée en laboratoire de magie noire. Une fois évaporé le picotement oculaire consécutif à quelque gaz assez peu hilarant, la fumée s'estompe peu à peu pour laisser place à une bande de joyeux drilles, tous cousins de la famille Adams et au demeurant musiciens accomplis. Il faut reconnaître à Therion le souci de sortir des sentiers battus du heavy metal ; seulement voilà : à trop vouloir bien faire, les compositions, de précieuses, en deviennent alambiquées. Et pour sortir de l'alambic, ils ne trouvent pas mieux que d'entonner de grands hymnes qui ne sont pas sans rappeler (nous nous en faisons la remarque en même temps, mon ange gardien et moi-même) la fameuse fabuleuse prestigieuse et audacieuse comédie musicale Notre-Dame de Paris - version cataclysmique, comme de bien entendu. Un peu grand-guignolesque, mais distrayant. Le public, très sollicité, joue le jeu avec enthousiasme : me vient alors l'idée que Ségolène Royal, mue par un nouvel élan de bravitude, pourrait fort bien s'inspirer de tels moments de communion pour crédibiliser les désormais fameux débats participatifs. Mais je ne voudrais ici avoir l'air de me moquer : si l'on met de côté un visuel parfois un peu poussif et aux réminiscences douteuses (posture martiale, drapeaux noirs tenus à bout de bras), le spectacle est bien rôdé, porté par des musiciens qui ont de l'oreille, et pour certains assez virtuoses (cf. Kristian Niemann, lead guitar).
Je ne fus toutefois pas vraiment fâché que tout cela prenne fin : de bout en bout, le show dura tout de même quatre heures trente, ce qui, après tant d'années à rechercher le silence, prend pour moi des allures de performance - suffisamment en tout cas pour justifier l'absorption de deux cachets d'antalgique antipyrétique à mon retour. Enfin je retrouve ma malicieuse qui, elle, rentre du théâtre, où Niels Arestrup lui a sans doute présenté d'autres facettes, disons plus profondes, ou moins spectaculaires, de la sensibilité humaine. M'en fous : j'irai quand même écouter Pain Of Salvation... t
(Photos personnelles - 1 & 2 : Grave Digger ; 3 & 4 : Therion)
Est-il vraiment possible de n'avoir aucune pensée ? Je veux dire, de n'avoir à ce point rien à fixer que nulle pensée n'en pourrait naître ? N'être qu'un oeil enregistreur, une éponge à couleurs, un buvard à sensations ? Laisser venir ce qui vient, ne rien chercher, ne rien vouloir, avancer en mode automatique ? Laisser l'intellect, la culture, le transmis, l'acquis, prendre le contrôle ? Être objectivement sans jugement ? Cela m'arrive souvent. Regarder les choses, mais ne rien voir. Lire la presse, s'arrêter sur des choses lues mais sans qu'aucune pensée n'advienne. Pourtant tout est bon à prendre : l'exécution précipitée de Saddam Hussein et celle, techniquement ratée, de ses affidées ; la spiritualité sarkozienne recouvrée là-haut, tout là-haut, sur les cimes mystico-telluriques du Mont Saint-Michel ; l'exil helvétique des porte-monnaie et le soupçon de trahison nationale afférent ; la fertilité française (signe d'optimisme ou indice de désespoir ? amour de l'enfance ou peur du vieillissement ? patriotisme matrimonial ou repli familial ?) ; la remise par monsieur le Ministre des insignes de Chevalier dans l'ordre national des Arts et des Lettres à cette exceptionnelle femme de lettres qu'est Amanda Lear ; les saisons qui n'en sont plus ; la bravitude.
Dire, parler, écrire : il faut que la pensée précède - je connais les charmes de l'écriture automatique : avec moi cela fonctionne mal. Mais écrire cela, écrire sans penser, donc écrire qu'il est impossible d'écrire, n'est-ce pas déjà penser - puisqu'on pense qu'on ne pense pas ? Ou est-ce formaliser par le vide l'expression d'un atterrement devant le monde - devant les objets, les simples choses du monde ? Ou est-ce se payer de mots ? Ou est-ce tenter de ré-attribuer à son être une direction - pas même une pensée, une simple direction ? De retrouver ce qui, ordinairement, nous met au diapason ? Tout est vrai, et tout est vrai en même temps, mais à des degrés divers. Selon l'humeur ou l'énergie du moment, selon le désir ou pas que nous aurons de nous sentir participants, la chose sera agréable ou ne le sera pas : on pourra se sentir, non seulement vide, mais creux ; non seulement inutile, mais voué à le demeurer ; on enviera ce héros que devient à nos yeux tout humain agissant ; on détestera se regarder comme une molécule ; on s'allongera comme pour un dernier sommeil ; on attendra la fin du jour. Et puis, parce que le retrait requiert sa petite exigence, parce qu'il est plus fatiguant qu'il y paraît d'être fatigué, parce qu'aucune agitation ne parviendra à nous donner totalement tort ou à nous convaincre tout à fait, parce que l'énergie négative n'est pas moins noble que la positive ou parce que le vitalisme n'est pas un progressisme, on pourra aussi savourer ce qui, entre deux ombres, pourrait bien ressembler à de la sérénité. Il faudra juste savoir ne pas trop en attendre ; ne pas la confondre avec quelque absolu - le bonheur, ce genre de chose. Accepter que ce qui se pose en soi constitue une pause nécessaire dans le devoir-être. Accepter que cette pause s'impose. Et se préparer à penser de nouveau.
Sans doute en raison d'une certaine forme de paresse autant que par désir de ne pas me laisser influencer, j'ai souvent tendance à lire les livres avec un peu de décalage dans le temps. Ainsi de Coma, de Pierre Guyotat, auteur dont on sait qu'il occupe une place singulière dans le paysage littéraire, et qui jouit conséquemment d'autant de lecteurs inconditionnels que de détracteurs farouches.
Or je suis sans doute en train de passer à côté de ce texte. Je sens bien que cette écriture, dont Jacques Henric a raison de dire qu'elle "bouleverse la logique linéaire du temps", impose sa nécessité et incarne une vision toujours plus poétique du réel. Et j'envie parfois la qualité, crue mais toujours sensible, de ses visions. Reste que je passe à côté, que je trouve bancale la narration de son moi, qu'elle m'apparaît parfois alambiquée, ou maladroite, parfois enflée ou surdimensionnée - mais peut-être m'est-elle simplement inaccessible. Surtout, surtout, je m'ennuie. Et je le dis avec d'autant plus de réticence que Coma est le récit écorché d'une existence à propos de laquelle on ne se sent guère autorisé à pérorer ou à émettre quelque jugement esthétique. Mais vous connaissez l'ennui, terrible, tyrannique, unilatéral, s'imposant sans l'ombre d'une nuance et vous étreignant malgré toutes vos préventions. Si bien que je rate ce livre car je le lis comme mû par le sens du devoir, et plus encore du respect dû à un texte qui s'acharne sur l'effarement et le traumatisme d'un être devant le monde : on ne peut lire avec quelque profondeur dans de telles dispositions.
Alors je note, ici ou là, certains effarements, certaines lucidités, certaines fulgurances, tous traits dont j'aurais aimé qu'ils fussent miens : "Voir le monde comme le voient en même temps la taupe - qui voit si peu -, l'araignée d'eau, l'aigle ; ressentir le monde comme le ressentent l'acarien du tapis, le crabe ou la baleine ; comme la mouette en plein froid posée sur la couronne de la statue du roi, qui s'y réchauffe en déféquant".
Disons les choses simplement. L'éclosion et le lent enracinement de l'aspiration démocratique, densifiée à l'extrême lorsque les idéologies prométhéennes prirent le relais, ont donné à l'individu le sentiment de sa puissance en tant qu'acteur de l'histoire. De ce sentiment, nous ne nousdéferons pas facilement - suivant le principe de l'avantage acquis. De grands acteurs existent pourtant ; ils sont pour la plupart connus, quelles qu'aient été par ailleurs les conséquences de leurs actions. Mais ils sont peu nombreux, galvaudés parfois, récupérés toujours, méconnus le plus souvent. Le gros des troupes humaines, ceux-là mêmes qui forment les bataillons de la démocratie, est exclu de cette geste de l'action : nous ne sommes en réalité que des spectateurs, dans le meilleur des cas des témoins - mais des témoins voués au mutisme.
Le franchissement arithmétique des années, chaque 1er janvier, est un artifice calendaire, ludique et symbolique qui ne saurait détourner de cette lucidité : nos vœux, pour la plus grande part d'entre eux, demeureront pieux. Et le plus vraisemblable est que notre avidité à nous sentir acteurs de l'histoire ne conduise guère qu'à aggraver les choses. Je comprends qu'on puisse s'en attrister.
Je me souviens que je n'avais pas eu la présence d'esprit de le penser en lisant Tolstoï, et qu'il me fallut lire le petit livre que lui consacra sa fille aînée Tatiana (Sur mon père, réédité par Allia en 2003), pour réaliser que mon père était tolstoïen.
On parle beaucoup du Journal de Trêve de Frédéric Berthet (Gallimard), et il semble qu'il y ait de fort bonnes raisons à cela - je ne l'ai pas encore lu mais compte bien le faire. Il ne faudrait juste pas que cela dissuade de lire Simple journée d'été, nouvelles que réédite parallèlement Denoël, et qui sont autant de petites perles libres, sensibles et impertinentes.
Ces extraits de Traité d'illégitime défense, autour de laquelle pourrait s'organiser et se nourrir le recueil :
- Si, à votre naissance, une femme se mêle de vouloir vous susprendre la tête en bas, en vous tenant par les pieds, poussez un cri de protestation. Vous avez alors la peau de couleur grise : c'est de colère. Vingt ans après, retrouvez cette femme et faites-lui subir le même sort.
- Désormais, lorsque vos parents vous trouvent l'air "présentable", demandez : à qui ? Ne vous laissez plus avoir. Exigez des noms.
- Soyez supérieur aux études supérieures. Restez spécialiste en matins d'automne, en odeurs de feuilles brûlées. Sachez reconnaître les feuilles qu'on brûle. Soyez docteur ès crépuscules, master of équipées nocturnes, professionnel du point de vue des galops du printemps.
J'y reviendrai, plus longuement.